L’épargne des Français ne sert pas aux entreprises : mais où va-t-elle donc ?<!-- --> | Atlantico.fr
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L’épargne financière des français représente 3600 milliards d’euros.
L’épargne financière des français représente 3600 milliards d’euros.
©Reuters

Ecureuils

François Hollande a déclaré lundi soir vouloir "libérer l'épargne" via de nouveaux modes de financement.

Bernard Cohen-Hadad

Bernard Cohen-Hadad

Bernard Cohen-Hadad est président de la commission financement des entreprises de la CGPME. Il est également président du think-tank Etienne Marcel et assureur.

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Les Français sont connus pour être de grands épargnants, mettant de côté environ 15% de leurs revenus chaque année. Les entreprises, quant à elle, manquent de financements. Si l’épargne n’y contribue pas, où celle-ci va-t-elle donc ? Dans quelle mesure la croissance y perd-elle ?

L’épargne financière des français représente 3600 milliards d’euros. On doit s’en réjouir car cela montre que les français sont responsables et prudents. Mais c’est un patchwork car quand on parle d’épargne on fait référence à une multitude de supports : l’assurance vie, l’épargne réglementée (livret A, LDD), l’épargne retraite, l’épargne salariale, l’épargne en actions des ménages, le fonds de réserve des retraites, la retraite additionnelle de la fonction publique.  Et les mécanismes financiers actuels ne l’orientent pas assez vers le financement des PME et des ETI. Il manque toujours un tableau du financement des PME dans l’économie. A part l’épargne réglementée et l’assurance vie qui ont communiqué en partie sur leurs destinations PME, aucune de ces épargnes ne dresse un tableau, a fortiori, un bilan des fonds qui sont destinés aux entreprises. Alors que les entreprises, moteurs de la croissance, sont en attente de sources nouvelles de financement, il est urgent de flécher une partie de ces réserves, directement ou non, vers l’économie pour répondre aux besoins des PME sous capitalisées.  A défaut, on n’arrivera pas à relancer la machine et donc l’emploi.

François Hollande a déclaré lundi soir vouloir "libérer l'épargne" via de nouveaux modes de financement. Le goût du risque manque-t-il aux Français ? Comment les encourager à investir davantage dans les entreprises ?

Ne vous méprenez-pas le Président de la République et le Ministre de l’Economie et des Finances ont bien rappelé leur feuille de route : aligner la fiscalité du travail sur la fiscalité du capital. Cette invitation à « libérer l’épargne » vers les entreprises  est sans doute un signe d’ouverture compte-tenu du niveau de nos dettes publiques. Elle ouvre la porte à de nouveaux vecteurs d’investissements des particuliers dans les entreprises, le crowfunding ou le renforcement du rôle des business-angels  par exemple. Mais ne rêvons pas ils s’agit de sommes à la marge, portées par des nouveaux médias, le web, ou la confiance. Un pari sur l’avenir. Car la photographie actuelle de l’épargne tourne plutôt autour d’une population vieillissante qui souhaite jouer la sécurité. Faut-il l’en blâmer ? Non car la première des conditions est de mettre fin à l’instabilité juridique et fiscale qui touche les classes moyennes. Il faut aussi encourager les jeunes ménages à épargner, leur garantir des produits d’épargne rentables et leur permettre d’apprécier justement la prise de risque et la liquidité. Mais seule l’épargne longue pourra accompagner durablement toutes les entreprises dans leur recherche de financements.

Un rapport intitulé « Dynamiser l’épargne financière des ménages pour financer l’investissement et la compétitivité » (par Karine Berger et Dominique Lefebvre), remis à Jean-Marc Ayrault début avril, recommande de réorienter 100 milliards d’euros issus de l’épargne financière des Français vers le financement des entreprises d’ici 2017. Cela est-il réalisable ? Devrait-on affecter encore plus de fonds à cet usage ?

Ce rapport est sorti en pleine affaire Cahuzac. Il aurait mérité une autre médiatisation. Le débat public et le débat d’idées ne font donc que commercer. Et il faut dépasser les sommes annoncées: 100 milliards d’euros, c’est à la fois beaucoup et trop peu. A chacun de se faire sa religion en fonction des priorités retenues et des sommes réellement affectées, aujourd’hui et demain. On en revient à la question du fléchage, de la traçabilité et du contrôle des fonds. Mais attention à la réclamation permanente non étayée. Je suis surpris d’entendre, ici et là dans les milieux bien-pensants, que les PME sont des pleureuses parce qu’elles demandent des financements. N’oublions pas que beaucoup d’entre-elles ont été essorées par la crise en voulant sauvegarder l’emploi. Elles paient, chaque année, un tribut de 60.000 fermetures ou liquidations depuis 2009. Et considérons que ces 100 milliards sont une première étape. La demande en fonds propres et quasi fonds propres est forte si l’on veut relancer la croissance. Une chose est sure, toutes les entreprises patrimoniales petites et moyennes et les ETI doivent pouvoir en bénéficier.

Afin d’atteindre cet objectif, les deux parlementaires proposent de créer un nouveau contrat d’assurance-vie, suivant le principe des contrats euro diversifiés. Celui-ci donnerait plus de liberté aux gérants dans l’investissement des capitaux et la gestion des risques. François Hollande a d’ailleurs évoqué lundi soir un Plan d’épargne en actions (PEA) avec un plafond de 75 000 euros. Ce placement pourrait-il séduire les Français, et suffira-t-il à porter l’objectif des 100 milliards ?

Le Président de la République a répondu à l’un des engagements du candidat François Hollande, faire un PEA PME. On va donc créer un PEA PME. Cela répondait à une demande exprimée par beaucoup d’acteurs économiques. C’est un nouveau produit, un nouveau support d’épargne.  K. Berger et D. Lefebvre ont proposé également la création d’un nouveau contrat d’assurance vie. C’est un autre produit, un autre support d’épargne. On voit bien la volonté de trouver « la solution » pour mieux orienter l’épargne des français vers les entreprises. Il faut aussi disposer de plusieurs outils dans la boite, car il n’y a pas de solution miracle. Des produits ils y en avaient pourtant. Mais on s’est orienté vers des produits qui ne sont pas vraiment grand public. Profilés PME, en actions et sécurisés sur la longue durée. Des produits de niches, pour inviter surtout les investisseurs, ou les épargnants aisés et avertis à y abonder. Avec comme corollaire l’arbitrage entre la prise de risque et la défiscalisation à l’entrée ou à la sortie. Si les incitations sont intéressantes, et si la confiance est restaurée les français y répondront. Et en matière d’épargne, il faut une subtile alchimie pour réussir. De leur côté, les entreprises moyennes restent attentives. Lesquelles d’entre-elles en bénéficieront ? Mais quoi qu’il en soit, les PME n’ont rien à gagner d’un échec de ces propositions.

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