Pourquoi les terres agricoles d’Europe de l’est attirent autant ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Les firmes internationales convoitent des milliers d’hectares en l'Europe de l'Est.
Les firmes internationales convoitent des milliers d’hectares en l'Europe de l'Est.
©Antoine Jeandey - WikiAgri

Eldorado

La libéralisation du marché foncier des pays comme la Roumanie, la Pologne ou l'Ukraine est une réalité. Des firmes internationales et des Etats sont de plus en plus nombreux à convoiter des milliers d'hectares en jachères ou cultivés par de petits exploitants. Pourquoi ces pays ?

Lucien  Bourgeois

Lucien Bourgeois

Lucien Bourgeois est économiste spécialiste des questions d'agriculture et de politiques agricoles sur lesquelles il a publié plusieurs ouvrages. Il est également conseiller du président de l'Assemblée permanente des chambres d'agriculture et membre de l'Académie d'agriculture.

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Atlantico : L’accaparement des terres agricoles ne semble plus concerner seulement l'Afrique. En effet, des firmes internationales et des Etats sont de plus en plus nombreux à convoiter des milliers d’hectares en jachères ou non de l'Europe de l'Est et notamment la Roumanie. Pourquoi ces terres attirent autant ? Comment expliquer que l'Europe de l'Est soit devenue un nouvel "eldorado" ?

Lucien Bouregois :  Tout d’abord, force est de constater que les prix des terres sont inférieurs à ceux constatés en Europe de l’Ouest. Du coup cela peut être attirant pour un certain nombre de futurs propriétaires. Deuxième argument important : les prix des produits agricoles sont sur une tendance ascendante. Et c’est aussi un facteur d’explication. En effet, cela donne l’impression à d’éventuels investisseurs qu’il y a « du fric à se faire », de l’argent à gagner dans ce secteur. Le rapport qualité de la terre / prix d’achat est intéressant. Troisièmement, il y a une désorganisation de ces pays là (Roumanie, Bulgarie, Pologne ...) qui fait qu’il existe des terres disponibles. En effet, dans ces pays, un certain nombre de terres ne font pas l’objet d’une propriété paysanne individuelle très importante. Au moment de la collectivisation des terres, bon nombre d’agriculteurs ont été écartés de cette politique. Ils sont donc partis et cela leur est désormais beaucoup plus dur de revenir.

Ceci étant, c’est paradoxal car il y a encore une propriété extrêmement morcelée dans les pays comme la Roumanie, la Bulgarie et la Pologne. En effet, plus de la moitié des exploitations agricoles de l’Europe des 27 sont dans ces trois pays. Autrement dit, sur 12 millions d’exploitations en Europe, il y en a 6 millions dans ces pays. Le problème est que celles-ci font moins de 10% de la production totale.

Il faut aussi noterque les aides européennes permettent la mise en place d’un tel eldorado. En effet, celles-ci sont distribuées en fonction du nombre d’hectares possédés. Les aides européennes, telles qu’elles sont décidées actuellement, encouragent donc une concentration des terres. Plus vous avez d’hectares et plus vous avez d’aides. Alors qu’on pourrait très bien concevoir un système où les aides seraient décidées en fonction de l’emploi. Et comme en Europe de l’Est il y a de grandes possibilités d’achat cela amène la situation actuelle. Les terres agricoles de l’Europe de l’Est sont donc attractives.

Dans un certain nombre de pays de l’Est, les terres sont d’excellente qualité. Les terres noires de l’Ukraine et de la Russie ont un potentiel très élevé. Dans toute l’histoire de l’Europe, la Pologne a toujours été un grand fournisseur de blé. Cela a souvent été le « grenier de l’Europe ».  De même pour la Hongrie. Comme ces terres de qualité sont beaucoup moins chères qu’en Allemagne ou dans les pays d’Europe du Nord, elles attirent. Pour comparer, en France le prix des terres est déjà quatre ou cinq fois moins cher qu’en Allemagne. Donc pour les Allemands, les terres d’Europe de l’Est sont séduisantes.

Quels sont les risques d'une telle ruée ? Peut-ont parler d'une nouvelle spoliation des terres ?

Vous avez parfaitement raison. Le risque de spoilation est complètement évident. D’autant plus qu’à partir du moment où il y a crise dans un pays, les intérêts étrangers seront montrés du doigt. Les fermes des personnes qui pourraient être considérées comme spoliateurs ne seront donc pas forcément valorisées. C’est d’ailleurs le vrai sens du terme « colonisation » : acheter des terres à l’étranger. On connaît bien le succès relatif de ces opérations là par le passé. C’est toujours difficile d’être un propriétaire terrien à l’étranger. La terre est devenue une marchandise comme une autre qui fait l’objet d’échanges spéculatifs, de même que l’eau, les semences etc. Cette hyper commercialisation des biens communs conduit à des expropriations en masse des personnes qui vivent simplement de la terre. Les paysans et paysannes en sont particulièrement affectés.

Alors que le montant important des aides européennes (environ 150 euros par hectare) est dénoncé par certaines associations agricoles, quel impact cette attirance vers les terres d'Europe de l'Est peut-elle avoir sur les négociations de la nouvelle PAC (2014/202) ?

Dans les enjeux de la réforme de la PAC, il existe un chapitre sur la convergence des aides entre les pays européens. Mais quoiqu’on en dise ces pays là possèdent des aidesà l’hectare plus faibles que celles pratiquées en Europe occidentale. Il va falloir chercher à y remédier. Mais de toute manière, pour le moment, l’attractivité nouvelle de ces terres roumaines, polonaises ou bulgares reste un épiphénomène. A l’échelle de la PAC c’est quelque chose d’assez marginale.

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