Et si nous étions en train de découvrir que l’abus de morale anti-raciste à l’école faisait en fait le jeu de l’intolérance ?<!-- --> | Atlantico.fr
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La morale anti-raciste à l’école fait-elle sans le vouloir le jeu de l’intolérance ?
La morale anti-raciste à l’école fait-elle sans le vouloir le jeu de l’intolérance ?
©Reuters

Paradoxe

Une étude réalisée aux Pays-Bas et publiée dans l'European Sociological Review avance que les enfants à qui l’on donne des leçons d’anti-racisme à l’école sont plus susceptibles d’être intolérants en dehors de leur classe. Selon ce rapport, l’animosité entre groupes minoritaires peut aussi être causée par "une approche unilatérale agresseur-victime du racisme".

Patrick Lozès,Robert Ménard et Guylain Chevrier

Patrick Lozès,Robert Ménard et Guylain Chevrier

Patrick Lozès a fondé le CRAN (Conseil représentatif des associations noires).

Diplômé de l'Ecole Supérieure de Commerce de Paris, il est l'auteur de Les noirs sont-ils des Français à part entière ? (Larousse, 2009).

Il a été candidat à l'élection présidentielle de 2012

Robert Ménard est journaliste et fondateur de Reporters Sans Frontières (RSF).

Président de l'association de 1985 à 2008, il a dirigé un centre d'accueil pour les journalistes à Doha (Qatar) de 2008 à 2009.

Il anime depuis fin 2009, l'émission Ménard sans interdit, sur la chaine d'information en continu iTélé.

Guylain Chevrier est docteur en histoire, enseignant , formateur et consultant.

Il est membre du groupe de réflexion sur la laïcité auprès du Haut conseil à l’intégration.

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Atlantico : Une étude réalisée aux Pays-Bas et publiée dans l'European Sociological Review, avance que les enfants à qui l’on donne des leçons d’anti-racisme à l’école sont plus susceptibles d’être intolérants en dehors de leur classe. Ce résultat vous semble-t-il fondé ? La morale anti-raciste à l’école fait-elle sans le vouloir le jeu de l’intolérance ?

Patrick Lozès : Je ne suis pas étonné par les résultats de cette étude. Ce n’est pas tant l’antiracisme qui est en cause que la méthode. L’antiracisme moralisateur des années quatre-vingt est en profond décalage avec la société d’aujourd’hui, d’où son inefficacité.
C’est le retour de bâton d’années pendant lesquelles on a laissé se développer un antiracisme diviseur dont nous voyons les conséquences dans l’éducation, la laïcité, les questions de sécurité etc…

L’antiracisme tel qu’il a été conduit pendant ces années est contreproductif. Désormais, nous devons dire non à l’antiracisme victimaire, à la diversité-revancharde, au multicuralisme-culpabilisateur. Les associations antiracistes et de lutte contre les discriminations ont été souvent inféodées à des partis de gauche ou avaient à leur tête des dirigeants de gauche ce qui a introduit un biais. On a pensé que l’antiracisme était forcément de gauche ce qui a redu la droite silencieuse sur ce sujet et a empêché les associations antiracistes de critiquer la gauche. Nous sommes à la fin d’une vision anti-raciste binaire. Non les racistes ne sont pas d’un côté de l’échiquier politique et les anti-racistes de l’autre ! L’anti-raciste axé sur des valeurs, sur les droits et les devoirs est bien plus efficace et en phase avec les attentes de nos concitoyens.

Robert Ménard : Cette étude me laisse stupéfait. J'ai des griefs contre certaines associations, mais je pensais que l'antiracisme pouvait avoir des effets positifs. Ce résultat renforce mes doutes sur la proposition de Vincent Peillon concernant la morale laïque. Je crains que celle-ci ne soit qu'un prétexte pour inculquer aux enfants une vulgate socialiste convenue.

Guylain Chevrier : Le problème est surtout dû au fait que, l’enseignement qui se prétend anti-raciste, consiste en deux tendances : d’une part, un relativisme à destination de celui qui accueille et ne doit voir aucune différence entre les uns et les autres qui viennent d’ailleurs, quitte à faire l’impasse sur des pratiques sociales et culturelles qui sont totalement contraires au droits et libertés communes au nom du respect des cultures. Exemples : l’inégalité hommes-femmes, la polygamie voire le mariage forcé, la communauté de religion comme supérieure à l’exercice des droits et libertés individuels… Et, simultanément, de valoriser la différence de l’autre, de l’étranger où le principe d’altérité devient alors tout, présentant le droit à la différence comme un droit humain supérieur à tous les autres, et spécialement la liberté religieuse. Une place qui n’a de commune mesure que la martyrologie et la victimisation qui l’accompagnent.

N’est-ce pas la lecture analogique qu’il faudrait faire finalement du récent cas de la crèche Baby loup, où la Cour de cassation a donné raison à une personne manifestant de façon ostensible, à travers le port d’un voile, des opinions contraires à celles sur lesquelles la crèche associative avait fondé son action, ses buts. En l’occurrence, la laïcité et la neutralité de son activité, pour accueillir sereinement les enfants de 54 nationalités du quartier. On a ainsi tenu peu cas de la liberté propre à la loi de 1901, la dynamique collective d’une association sur des valeurs collectives pourtant essentielles ne pesant rien ici, face à la liberté religieuse individuelle attachée à une revendication à rattachement communautaire.

Au lieu de l’effet recherché, qui serait d’arriver à plus de tolérance entre les uns et les autres, on arrive à l’effet contraire. Il n’y a là rien d’étonnant puisqu’on explique à ceux du pays d’accueil qu’ils doivent mettre leur identité entre-parenthèse pour laisser de la place à celle de ceux qui viennent d’ailleurs, y compris sans qu’il paraisse il y avoir de limites à cette logique. Une façon de voir l’antiracisme qui ne peut que créer des déséquilibres à insister ainsi sur ce qui différencie au lieu de ce qui peut réunir, rassembler : les libertés et des droits du pays qui accueille fait pour tous et à respecter par tous. Résultat, d’un côté, on encourage un ressentiment lié à cette aphasie de ceux qui accueillent et de l’autre, une arrogance dans l’affirmation de la différence avec laquelle on vient d’ailleurs, qui crée encore un peu plus de rejet et de contentieux.

L’étude affirme que les garçons tendent à être plus intolérants que les filles, et que l’intolérance serait plus élevée chez les élèves les plus croyants ou à la plus forte identité ethnique. Selon ce rapport, l’animosité entre groupes minoritaires peut aussi être causée par "une approche unilatérale agresseur-victime du racisme". Le risque de l’enseignement d’une morale antiraciste à l’école n’est-il pas d’exacerber les tensions communautaires en soulignant inutilement les différences ?

Patrick Lozès : Les accusations infondées produisent souvent des résultats désastreux.  Il est contreproductif de vouloir lutter contre le racisme, l’homophobie ou toute autre forme d’intolérance en accusant à tort celui-ci ou celle-là d’être raciste, homophobe etc. L’animosité envers un groupe minoritaire est exacerbée lorsque l’on insiste sur des exemples tels que les crimes d’honneurs ou l’excision qui dépeignent sous un jour négatifs un groupe de population.

Robert Ménard :  Premièrement, cela montre que le racisme n'est pas seulement le fait du "petit blanc". Il y a un racisme dans toutes les communautés et il est dommage de ne voir du racisme que lorsqu'il s'agit de celui des blancs à l'égard des arabes ou des noirs.

Deuxièmement, il faut faire attention à ne pas mettre les communautés en avant à l'école. L'essentiel est de créer un sentiment national au lieu de vouloir mettre en avant les particularismes des uns et des autres. Les enfants de différentes origines qui fréquentent l'école républicaine doivent devenir des petits Français. Il faut leur raconter l'Histoire de France et leur faire aimer ce pays qui n'est pas composé d'une somme de communautés mais de gens qui oublient leurs particularismes pour se fondre dans l'identité française. Ce qui à l'école va à l'encontre de cela, participe à créer les problèmes de demain.

Guylain Chevrier : Il est évident que d’encourager essentiellement l’ethnicité et la culture religieuse chez les migrants est le contraire d’une bonne politique d’intégration. Il faut faire la part des choses entre la prise en compte de la diversité culturelle et ce que l’on entend mettre en commun pour faire société. Pour prendre l’exemple de l’islam qui est la religion largement majoritaire chez ceux issus de l’immigration dans notre pays, Français ou non, la femme y occupe un statut inférieur (Coran, sourate IV), comme dans toutes les religions monothéistes car produites dans le cadre de sociétés patriarcales. Ce qu’il faudrait, pour faire évoluer cet état de fait, ce serait d’enseigner la modernité démocratique à laquelle appartient l’égalité hommes-femmes et la liberté de conscience comme de pensée, d’enseigner le droit de croire et de ne pas croire, ainsi que les conditions de leur conquête historique. Ce serait sans doute mieux que de laisser penser, comme c’est le cas en général, que ne pas avoir de religion c’est ne pas avoir de morale, comme le précédent président de la République l’avait clairement laissé entendre. Ceci, alors que plus de la moitié des Français son athées ou agnostiques.

Au lieu de prôner de façon sacrée le respect des différences qui rejoint l’esprit du délit de blasphème, il faudrait enseigner l’esprit critique, le libre arbitre, l’universalisme des droits de l’homme. Il faut voir dans l’idée de Vincent Peillon d’enseigner une morale laïque à l’école un pas vers cette autre façon d’aborder la question des différences, en repartant d’abord de nos valeurs collectives qui fondent notre pacte républicain sur la dimension laïque et sociale, sur le principe de solidarité qui fait la qualité de notre lien social et de notre vivre ensemble à l’aune de la mixité sociale. Encore faudra-t-il que, des enseignants ne viennent pas y réintroduire une vision différentialiste, l’enseignement des valeurs laïques étant désigné par certains comme un ethnocentrisme honteux et une atteinte au droit à la différence.

Doit-il y avoir un enseignement spécifique de l’anti-racisme ou celui-ci doit-il passer par l’enseignement de l’Histoire et de la littérature notamment ? 

Patrick Lozès : L’antiracisme doit être moins moralisateur, plus pragmatique, et plus en phase avec le monde d’aujourd’hui. La lutte contre toutes les formes d’intolérance passe notamment par l’enseignement de l’Histoire et de la littérature. Mais ce n’est pas tout, il faut évoquer les devoirs lorsque l’on invoque les droits. Il n’y pas de droits sans devoirs. Il faut revenir aux évidences : le racisme existe en France mais on ne peut pas dire "La France est raciste !". Il ne faut pas rendre nos contemporains responsables des erreurs de leurs aïeux. Il faut cesser de rendre la France responsable des fautes des dirigeants politiques d’antan. Non, les victimes ne sont d’un côté et les bourreaux de l’autre. Les Français issus de l’immigration ont besoin aussi de participer à un récit positif de la France. Ces Français-là ne doivent être associés uniquement aux commémorations des pages les plus sombres de notre récit national. Il faut favoriser l’amour de la France en célébrant aussi les grands faits nationaux.

Il faut accepter sur ces questions sensibles, la diversité des points de vue. Il faut entendre la voix de la droite autant que celle de la gauche sur le multiculturalisme, la diversité et l’antiracisme. Nous devons  promouvoir l’exemple et le mérite lorsqu’il s’agit de la lutte contre les inégalités. Nous devons éviter tout ce qui fait croire que l’on veut donner des avantages à celui-ci ou celle-là en fonction de son appartenance réelle ou supposée à un groupe.

Guylain Chevrier : Sans doute, l’idée d’un enseignement du fait religieux à l’école, comme cela fut avancé par le rapport de Régis Debray commandé par Jack Lang, interprétant cette démarche comme répondant au besoin d’intégrer par la reconnaissance des différentes cultures et religions de ceux qui la fréquentent, sous le signe d’une démoralisation postmoderne où il était aussi question de redonner du sens commun par le religieux, est à revoir. La méthode n’a en rien améliorée les choses, bien au contraire.

Il faut replacer l’étude du fait religieux dans l’histoire, dans le champ de la connaissance et de la raison, contrairement à ce qui est fait trop souvent en primaire où l’on présente par exemple, dans l’étude du Moyen-âge, les religions en en reprenant les affirmations sans aucun conditionnel et aucune contextualisation. Une attitude proprement antiscientifique et même à tendance obscurantiste. On doit former tous les enfants à l’esprit de la science et du progrès social qui y est attaché ! C’est aussi cela qui fait la grandeur d’une nation qui est la notre, dans le prolongement d’une riche tradition de la pensée scientifique française qui tient d’une histoire qui a vu l’émancipation de l’école de la tutelle de la religion.

Cette étude intervient en plein débat sur le "multiculturalisme" en Grande-Bretagne où le ministre de l’éducation Michael Gove a été soumis à des invectives d’académiciens de gauche car il projetait d’arrêter d’enseigner aux adolescents des sujets tels que "La grande diversité sociale, culturelle et ethnique de la Grande Bretagne." Le modèle républicain français qui refuse toute différenciation ethnique est-il finalement le plus efficace pour combattre le racisme ?

Patrick Lozès : Le modèle républicain français est le bon pour lutter efficacement contre l’intolérance en général ! Il ne faut pas changer ce modèle républicain mais l’appliquer pleinement. C’est le rôle de tous les républicains. Honni soit le jour où seuls ceux qui sont victimes d’une forme d’intolérance lutteront contre cette intolérance !

Robert Ménard : Le modèle républicain est non seulement le modèle le plus efficace, mais également le seul modèle valable.Les Anglais qui avaient tenté un modèle communautariste en reviennent. Une fois de plus, le rôle de l'école n'est pas de valoriser les spécificités des uns et des autres, mais de faire de gens différents les Français de demain.

Guylain Chevrier : Le modèle britannique a produit une organisation spatiale dans les villes qui reproduit l’ancien Empire à travers une séparation en quartiers ethno-culturels et religieux qui n’est rien d’autre que ce nous appelons nous, des ghettos, de la ségrégation résidentielle. Ce qui est encouragé par une société anglo-saxonne où on ne se mélange que peu à encourager des différences souvent revendiquant de ne pas se mélanger au-delà de la communauté sur une base traditionnelle ou/et religieuse, qui a la peau dure.

Le philosophe John Rawls (1921-2002), dont la théorie estime qu’une société juste est celle qui donne les mêmes chances à tous par une conception de la liberté qui respecte d’abord les différences, est devenue la référence pour ceux qui entendent justifier les inégalités produites par une économie libérale, à partir du moment où on donne plus de chances à ceux qui sont plus défavorisés par des compensations à géométrie variables. Il s’agit de la justification de la discrimination positive et de l’équité, remplaçant l’égalité conçue comme une exigence jugée utopique tout en faisant obstacle à la libre reconnaissance des différences comme principe de liberté premier. 

Cette mixité sociale à laquelle nous tenons tant, est inimaginable dans les pays anglo-saxon fondés sur le multiculturalisme où la séparation est organisée au nom de la reconnaissance des identités. Cette dernière n’est pourtant rien d’autre qu’un séparatisme sur une base raciale, qui devrait être dénoncée par tous les défenseurs des droits de l’homme avec la théorie de J. Rawls, une morale qui sert d’auto-justification à la domination d’un libéralisme économique ultra-inégalitaire sur le politique qui entend imposer ses règles à l’organisation de toute société.

La laïcité qui marque en profondeur les institutions de notre pays, porte la citoyenneté au-dessus des différences, la séparation du politique et du religieux étant une condition de l’efficience de la démocratie. C’est ainsi que nous avons acquis une société où l’on se mêle plus qu’ailleurs et c’est un formidable atout contre le racisme. Mais cet aspect recule devant la montée de la référence à la communauté et à la différence. Il y a concurrence entre un modèle laïque qui est fondé sur le principe d’égalité avant tout, et un modèle anglo-saxon fondé sur la non-discrimination qui légitime la reconnaissance des inégalités culturelles autour desquelles s’organise le communautarisme et les séparations. L’humanisme et le progrès humain ont toujours été, et c‘est incontestable, du côté de la dynamique de l’égalité, libertés, droits et devoirs, responsabilité commune, sans nier les différences mais en interdisant qu’elles se mettent entre le citoyen et l’Etat. Il y a une conception de l’organisation social et du politique qui justifient la séparation des chemins que peuvent prendre les hommes selon leurs cultures, religions, et une autre qui les fait converger, s’élever ensemble au même rang d’universalité. C’est un choix de société et même de civilisation, qui conditionne peut-être même l’avenir de notre monde…

Alors que s'ouvre le premier procès pour "racisme anti-blanc"en France, le représentant du Mrap a expliqué à Europe 1 pourquoi l'association, exceptionnellement, ne se porte pas partie civile. Le racisme anti-blanc ne serait qu'une réaction au racisme envers les noirs et les arabes, et serait instrumentalisé politiquement. N’avons pas un problème avec notre définition du racisme ? En multipliant les plaintes ces dernières années, les associations anti-racistes ont-elles ouvert la porte de la concurrence victimaire ?

Patrick Lozès : Je respecte le MRAP, mais je suis en profond désaccord avec lui sur cette question. Certes il y a une instrumentalisation politique de cette question par des groupes politiques, mais cela ne doit pas nous conduire à nier l’évidence ! En matière de lutte contre le racisme, n’alimentons pas le sentiment du "deux poids, deux mesures." Le racisme anti-blancs existe. Nier son existence est contreproductif.

Le ministre de l’Intérieur, et le ministre des Affaires étrangères et européennes du gouvernement Fillon m’avaient confié une mission de lutte contre le racisme et le communautarisme. Le 9 mars 2010, je leur ai rendu, un rapport dans lequel je préconisais de lutter efficacement contre le racisme "sous toutes ses formes, et quelles que soient les populations, ou groupes de populations, concernées." Il faut lever le tabou du racisme anti-Blancs : "sale Blanc" est tout aussi odieux que "sale Noir".

Dans une démocratie, faire appel à la justice ne peut pas être délégitimé. Mais il est vrai que dans certains dossiers, on a crié un peu vite au racisme ou à l’intolérance. Il faut cesser de  voir du racisme là où il n’y a quelque fois que de la maladresse. Rien de pire que d’accuser de racisme ou d’homophobie quelqu’un qui n’a pas agi pour cette raison. On peut être opposé au mariage des personnes de même sexe jugé consubstantiel de l’adoption, sans pour autant être homophobe. Non, les bons ne sont pas d’un côté et les méchants de l’autre.

Robert Ménard : Le problème n'est pas la lutte contre le racisme mais ceux qui la mènent avec des œillères politiques et idéologiques. Je suis content que la Licra ait découvert l'existence du racisme anti-blanc que tout le monde peut voir. Je crains que le Mrap ait une vision trop idéologique de la réalité et instrumentalise la lutte antiraciste à des visées politiques. L'idée saugrenue de vouloir supprimer le mot "race" de la constitution, qui fait pouffer de rire toute personne raisonnable, est le reflet de cette vision idéologique du racisme. Comme si en supprimant un mot, on allait supprimer le racisme.

L'autre problème majeur de la lutte anti-raciste en France est la tentation systématique de diaboliser les propos racistes et de les sanctionner toujours plus lourdement. On a la législation antiracisme la plus draconienne qui soit. Mais il ne suffit pas de faire taire l'expression du racisme pour tuer le racisme. Si c'était le cas, cela ferait bien longtemps qu'il n'y aurait plus de racistes en France. C'est une mauvaise approche : une approche politique et normative alors qu'on devrait avoir une approche pédagogique et explicative. On voit le résultat tous les jours en France.

Guylain Chevrier :

Ce dont on parle d’abord ici, si c’est d’insultes : "Sale français", "sale blanc-bec", "sale blanc", "sale gaouri" (terme dépréciatif en argot maghrébin, désignant un Français ou plus généralement un étranger). Il s’agit aussi de violences qui ont failli valoir un procès d’Assise à son auteur, ses auteurs devrait-on dire, puisque l’autre agresseur n’a pas pu être identifié par la police, on sait seulement grâce au caméras de surveillance qu’il s’agit selon le tribunal "d’un noir ou un métis". Tout aurait commencé par une vague histoire de cigarette qui aurait dégénérée. La victime a été frappée à coups de poings et de tessons de bouteille avec une entaille à la joue de quinze centimètres, entraînant une interruption temporaire de travail de 39 jours !

Avec tout cela, il semble effectivement que l’on relativise beaucoup ce qui se joue avec ce procès, ce qui est tout de même assez inquiétant. L’attitude de certains médias et certaines organisations antiracistes tend à laisser penser que seul le racisme anti-autre, celui envers "l’étranger" et spécialement extra-européen, relèverait véritablement du délit de racisme. Chez l’agresseur lui-même, on retrouve cet état d’esprit, celui-ci affirmant qu’il ne peut pas être raciste, puisque "toutes mes copines sont noires ou métisses". On a bien compris.

Ce n’est pas ce que pense heureusement le tribunal conformément à l’article 132-76 du Code pénal qui établit cette circonstance dès lors que l’infraction est commise « à raison de l’appartenance ou de la non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée. » Le prévenu risque ainsi jusqu'à cinq ans de prison et 75.000 euros d'amende.

On soulignera que, ni les parties civiles, ni la défense n’ont jugé utile d’interroger l’accusé, né à Montreuil, sur l’origine de son nom, à consonance maghrébine, probablement kabyle. Elles n’y avaient pas intérêt, ont-elles reconnu à demi-mot entre deux audiences. Seules les origines de la victime, du fait même de l’infraction jugée, devaient être prises en compte, non celles de ses agresseurs selon ce qui s’est dit au tribunal.

La Ligue internationale contre le racisme et l'antisémitisme (Licra) s'est portée partie civile dans ce dossier, une première pour l'association dans une affaire présumée de racisme anti-blancs. "Pour nous, c'est une question de principe", a dit à Reuters Alain Jakubowicz, son président, qui s’est senti obligé de se justifier en expliquant qu’il n’était pas question "d’amalgame" et encore qu’ "on se rend bien compte que les Français blancs ne sont pas majoritairement victimes du racisme dans leur propre pays". "Certains nous reprochent de faire le jeu de l'extrême droite, mais je ne veux pas abandonner ce combat aux extrémistes" devait-il ajouter On saluera le courage de l’association tout en constatant toutes les réserves mises qui décrivent à elles seules le climat ambiant sur ces questions.

Propos recueillis par Alexandre Devecchio

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