e-Révolution : les pays où Internet se diffuse en masse peuvent-ils rester longtemps des dictatures ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Les réseaux sociaux sont des instruments très puissants pour organiser une révolte.
Les réseaux sociaux sont des instruments très puissants pour organiser une révolte.
©Reuters

Emancipation

En 2011, Facebook, Twitter et les blogs des jeunes Tunisiens ont joué un rôle incontestable dans la révolution tunisienne, prémice du Printemps Arabe. Les réseaux sociaux sont-ils la nouvelle arme pour renverser les dictatures ?

François-Bernard Huyghe

François-Bernard Huyghe

François-Bernard Huyghe, docteur d’État, hdr., est directeur de recherche à l’IRIS, spécialisé dans la communication, la cyberstratégie et l’intelligence économique, derniers livres : « L’art de la guerre idéologique » (le Cerf 2021) et  « Fake news Manip, infox et infodémie en 2021 » (VA éditeurs 2020).

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Y-a-t-il des pays dont la situation a empiré avec l'arrivée d'Internet ? C'est la question à laquelle a tâché de répondre le site Freedom to tinker à l'aide d'un graphique.

Variation en pourcentage du nombre d'utilisateurs d'Internet et le degré de démocratie des pays entre 2002 et 2011

Atlantico : Comment les dictateurs peuvent-ils tirer profit des réseaux sociaux pour asseoir leur autorité ? Quels sont les outils de la répression ?

François-Bernard Huyghe : Les dictateurs ont saisi depuis longtemps l’importance stratégique de contrôler Internet et en tirer profit. Les réseaux sociaux sont des outils dangereux pour les cyberdissidents, car il est très facile de les identifier, de les localiser, de comprendre leur plans et d’infiltrer leurs réseaux. De plus en plus de techniques sont à la disposition des régimes autoritaires pour neutraliser ou utiliser les réseaux sociaux pour leur propagande. Il est très facile d’acheter de la technologie pour contrôler le web. Si, dans un premier temps,  le printemps arabe semblait donner raison aux cyber-optimistes, la suite des évènement à plutôt donné raison aux cyber-sceptiques.

La Chine, dans sa lutte contre la cyber-dissidence et pour éviter d’être en conflit avec Twitter, Facebook et Google a crée des réseaux sociaux « made in china » qui  facilitent la censure et la surveillance de ces outils. Le régime de Pékin est très présent sur les réseaux sociaux, et au lieu d’arrêter les critiques préfère les submerger sous de faux commentaires à l’aide de profils falsifiés. De telle sorte, il est très compliqué de rentrer en contact avec de vrais cyber-dissidents. C’est ce que l’ont pourrait  appeler la « guerre de l’attention ». La Chine utilise des milliers d’internautes, que l’ont appelle « les 5 Mao » (sous monnaie du Yen) du fait de leur très faible salaire, qui passent leur temps à tenir des propos favorable au régime de Pékin sur les forums, ce qui est aussi le cas au Venezuela.

 La Chine va même jusqu’à utiliser de fausses identités pour manipuler l’opinion publique. C’est un service d’état qui opère comme le font les « Anonymous ». En Syrie également, ces méthodes sont utilisées par la « Syrian Electronic Army ». Ces hackers « fonctionnaires »  attaquent les sites hostiles et participent à la propagande du régime par la désinformation.

Le stade ultime est la robotisation de l’utilisateur. On peut par exemple acheter des amis sur Facebook ou des followers sur Twitter. Ces « amis » qui vous admirent, vous retweetent ou vous font monter dans les moteurs de recherche n’existent pas : ce ne sont rien de plus que des algorithmes. On peut par ce biais « noyer » les cyber-dissidents dans la masse de la désinformation et de la manipulation et simuler un courant d’opinion.

Dans quelle mesure Internet aide-t-il à la démocratisation d’un régime autoritaire ?

Les réseaux sociaux sont des instruments très puissants pour organiser une révolte. Les mouvements contestataires souffrent d’une logistique peu ou pas existante, du fait de l’oppression, et les réseaux sociaux leur permettent de se réunir, de s’organiser sans un appareil important. La diffusion des manifestations et des répressions par les smartphones sont des éléments considérables dans la communication des mouvements contestataires. Le problème réside dans le fait qu’il est très facile pour les forces de l’ordre d’infiltrer les réseaux sociaux pour surveiller l’évolution du mouvement et s’informer des évènements à venir.

Ce qui n’empêche pas tous les mouvements contestataires  « contemporains » d’avoir intériorisés et institutionnalisé l’utilisation des réseaux sociaux, ce qui n’est pas le cas des partis traditionnels. L’exemple de Bepe Grillo en Italie est l’exemple type d’une utilisation optimale des réseaux sociaux. Pour conclure, il y a un formidable potentiel  avec les réseaux sociaux, pour permettre à des mouvement peu structurés  de se faire connaitre et de grossir dans le cadre d’un régime autoritaire. C’est un outil obligatoire en 2013.

Est-ce un élément déterminant ou un élément parmi d’autres qui participe à l’émancipation d’une société civile ?

Premièrement,  même lors du Printemps arabe, les réseaux sociaux n’expliquent  pas tout. Dans le cas de l’Egypte, le rôle d'Al-jazeera, qui était en direct de manière continue place Tahrir, a été plus déterminant que les réseaux sociaux. Tout le monde arabe regardait les évènements jour après jour. Les modes de communications traditionnels gardent une importance primordiale dans les mouvements de contestation. C’est la liberté d’expression qui fait s’effondrer les tyrannies et les réseaux sociaux sont un des support de cette liberté d’expression. En revanche, il y a un moment pour les réseaux sociaux. Ils joue le rôle de déclencheur de la contestation mais ensuite il faut des élément plus structurants : des politiques, un programme, une constitution.

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