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Desolación y consternación : ces éléments confondants que révèle l’opération transparence sur le patrimoine des politiques
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C'est la seule explication

Les patrimoines rendus publics par les politiques sont souvent inférieurs à la moyenne de ceux des Français. Approximation, mauvaise gestion ou déconnexion de la réalité ?

Pierre Guyot

Pierre Guyot

Pierre Guyot est journaliste, producteur et réalisateur de documentaires. Il est l’un des fondateurs et actionnaires d’Atlantico.

 

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"Le bien ne fait pas de bruit et le bruit ne fait pas de bien", le vieil adage attribué à Saint François de Sales est en train de voler en éclat, au moins pour la première des deux affirmations. Peut-être est-ce parce que cet intellectuel et homme d’Eglise fût au XVIème siècle évêque de Genève, capitale économique d’une Suisse qui n’est plus en odeur de sainteté dans l’opinion française ces derniers jours, mais nombreux sont les élus de la République à désormais faire fi de ses conseils et à dévoiler leur patrimoine privé.

(A lire aussi : Tous ces moyens légaux qui permettent de contourner sans problème l'opération vérité sur les patrimoines)

Y-a-t-il volonté de démontrer leur honnêteté ?  De convaincre que la faute d’un seul homme ne fait pas de tous des coupables ? Est-ce la peur d’être durablement rejetés par des Français qui - les sondages le démontrent - pensent désormais majoritairement que le mensonge, la fraude et la corruption appartiennent plus en politique au domaine de l’habitude qu’à celui de l’exception ?  Il y a sûrement un peu de tout ça dans cet étalage - via la télévision, les blogs ou même les tweets -  de propriétés immobilières, d’assurances vie et de voitures d’occasion.

Mais la méthode, ou plutôt le manque de méthode qui voit des élus de tous bords se bousculer pour lancer, de préférence avant les autres, des chiffres un peu dans tous les sens, ne va pas forcément rassurer les Français. Il est surprenant par exemple de constater qu’aucun patrimoine professionnel n’a jamais été évoqué par les élus jusqu’à présent. Tous les artisans, commerçants ou patrons de PME savent pourtant bien l’importance financière (et aussi affective, mais c’est un autre sujet…) de leur entreprise dans leur patrimoine, de même que les avocats ou les médecins, celle de leur cabinet et de leur clientèle.

Autre sujet d’inquiétude : la modestie de certaines des déclarations qui ont été faites jusqu’à présent. Si on les croit, beaucoup de nos édiles ne roulent pas sur l’or. Entendons-nous bien : un élu est comme tout citoyen, libre de vivre et de dépenser son argent comme il le souhaite. Critiquer ceux dont le patrimoine est singulièrement humble serait aussi idiot que de soutenir que d’atteindre la cinquantaine sans Rolex signifie qu’on a raté sa vie.

Il n’est donc pas question ici de prononcer un quelconque jugement moral, mais de constater un étonnant défi lancé aux lois de la statistique. Au regard des quelques dizaines de patrimoines qui ont été rendus publics, on découvre que députés et ministres qui bénéficient de revenus largement supérieurs au salaire moyen, disposent au contraire d’un patrimoine plus modeste que celui de leurs concitoyens.

Les parlementaires et les membres du gouvernement ne font  évidemment pas l’objet d’une ligne spécifique dans l’édition 2012 de l’enquête de l’INSEE sur les revenus et les patrimoines des ménages, mais au regard de leurs  revenus, plusieurs  catégories socio professionnelles leur sont comparables : le patrimoine brut  moyen des cadres est de 415 000 euros, celui des artisans, commerçants et chefs d’entreprise de 643 000 euros. Pour les professions libérales, le chiffre grimpe à 911 000 euros.

Parmi les déclarations faites à ce jour, Delphine Batho, ministre de l’écologie et ancienne députée, annonce un patrimoine de 110 000 euros. Au même âge et en incluant les inactifs, les ouvriers et les employés, les Français, disposent plutôt d’un patrimoine moyen de  200 000 euros.

La porte-parole du gouvernement, Najat Vallaud –Belkacem présente un patrimoine de 25 000 euros. A son âge, les Français ont capitalisé en moyenne 124 000 euros.

Surprenante déclaration encore, jeudi sur France Info, du nouveau ministre du Budget, Bernard Cazeneuve qui fut député pendant plus de dix ans, conseiller général, président de la communauté urbaine de Cherbourg, magistrat, puis avocat d’affaires et qui explique que son patrimoine « se résume à une ligne » : une maison d’environ 500 000 euros sur laquelle il lui reste à payer un emprunt sur 20 ans.
Patrimoine : Cazeneuve prône un "compromis"par FranceInfo

A droite, les exemples de ce genre sont logiquement plus rares, tout simplement parce qu’à ce jour, les élus de l’UMP ou de l’UDI sont beaucoup moins nombreux à avoir dévoilé leur patrimoine que leurs homologues du PS ou d’Europe Ecologie-Les Verts. Néanmoins, la modestie du patrimoine annoncé par François Fillon, (membre du gouvernement plus de dix années, député pendant 20 ans, président de conseil régional…)  « une maison estimée à 650 000 euros, moins de 100 000 euros d’épargne et deux voitures de plus de dix ans » en a surpris plus d’un.

Que penser de tous ces chiffres ? Qu’être élu par ses semblables incite à être plus cigale que fourmi ? Si tel est le cas, les études sociologiques qui vont être lancées sitôt fait ce constat de départ vont être passionnantes à lire.  

Que ceux qui ont rendus publics leur patrimoine auraient, sinon menti, tout au moins joué sur certains flous artistiques (patrimoine transféré au conjoint par exemple) ? Si plusieurs parlementaires et membres du gouvernement sont déjà dans ce cas, cela augure mal de la suite du processus de moralisation de la politique voulu par le Président de la République.

Que nos élus sont moins capables en matière de gestion que la moyenne des Français ?  Ca n’est pas plus rassurant que l’hypothèse précédente.

Il y a encore une autre explication possible : lire dans l’ampleur de ces décalages celle de la déconnexion des politiques avec la réalité et le quotidien du reste de la population.  Comment expliquer autrement la déclaration de ce député UDI qui calcule son patrimoine sur la base du prix d’achat de son appartement… il y a plus de vingt ans ?

Le vrai souci est que si la crise de confiance s’aggrave, aucune de ces explications n’est de nature à réconcilier les citoyens avec leur démocratie représentative.

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