Circulaire scolaire : que reste-t-il de la "refondation" voulue par Vincent Peillon ?<!-- --> | Atlantico.fr
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La nouvelle circulaire de rentrée montre qu'on est loin de la refondation scolaire voulue par Vincent Peillon.
La nouvelle circulaire de rentrée montre qu'on est loin de la refondation scolaire voulue par Vincent Peillon.
©Reuters

Alerte enlèvement

Elles se suivent et se ressemblent : les circulaires de rentrée. La nouvelle a été rendue publique jeudi. Pas de nouveauté dans ce texte de 20 pages. Les orientations de l'école restent a priori les mêmes. On est loin, très loin de la refondation scolaire voulue par le gouvernement.

Erwan Le Noan

Erwan Le Noan

Erwan Le Noan est consultant en stratégie et président d’une association qui prépare les lycéens de ZEP aux concours des grandes écoles et à l’entrée dans l’enseignement supérieur.

Avocat de formation, spécialisé en droit de la concurrence, il a été rapporteur de groupes de travail économiques et collabore à plusieurs think tanks. Il enseigne le droit et la macro-économie à Sciences Po (IEP Paris).

Il écrit sur www.toujourspluslibre.com

Twitter : @erwanlenoan

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Atlantico : La circulaire de rentrée qui fixe les priorités de la politique éducative du gouvernement pour l'année scolaire à venir vient d'être publiée ce jeudi. Est-elle conforme aux grandes annonces qu'il a faite depuis son arrivée rue de Grenelle ?

Erwan Le Noan : En un sens, oui : si l’on se place sur le terrain des gages donnés à une certaine vision de la gauche. En premier lieu parce que le Gouvernement se pose clairement en « anti-Sarkozy éducatif ». Pendant toute la campagne présidentielle puis au pouvoir, Messieurs Hollande et Peillon n’ont eu de cesse de répéter qu’ils allaient revenir sur ce qui était, selon eux, une « casse » de l’Ecole. Le projet de Vincent Peillon supprime en effet presque systématiquement ce qu’a fait le gouvernement précédent : internats d’excellence et assouplissement de la carte scolaire n’en sont que les exemples les plus voyants.

En second lieu parce que le Ministre avait quelques mesures électoralistes ou très marquées politiquement et idéologiquement. La création de 60000 postes par exemple, est un pur gaspillage financier. Pourquoi pas 65000 ou 72400 d’ailleurs ? L’Ecole a énormément de moyens: elle n’a pas besoin de quantité mais de qualité. Par ailleurs, Vincent Peillon remet une dose sur l’enseignement du « genre », la prolifération des missions attribuées à l’école (le numérique, l’ouverture sur le monde) et autres mesures marquées politiquement. On peut très bien vouloir enseigner ces sujets et méthodes, mais est-ce au ministère de le décider ? Est ce l’urgence ?

Par contre, si l’on se place sur le terrain de l’ambition d’une grande Refondation de l’Ecole, ce texte est une déception. Il n’y a aucune refondation structurelle, à peine quelques rustines sur un système qui fuit de toutes parts. Évidemment, il y a quelques pistes intéressantes, mais assez mal tournées. Il fallait revoir la formation des enseignants, en manque de stages notamment, mais restaurer l’IUFM qui a montré son échec est contre-productif (à part pour transmettre du prêt à penser idéologique, que les jeunes enseignants rejettent souvent d’ailleurs). Il fallait revoir les rythmes scolaires, beaucoup trop concentrés dans la semaine et dans l’année, mais pas en ajoutant une semaine de vacances ni en le faisant aussi mal…La refondation retombe comme un soufflet : elle n’a produit que du vent.

Vincent Peillon ambitionnait une "refondation" de l'école. Cette première circulaire marque-t-elle une véritable rupture avec la politique éducative du gouvernement précédent ? 

Le Gouvernement précédent n’avait pas fait grand-chose pour l’Ecole mais au moins il avait tenté quelques pistes intéressantes : les programmes ECLAIR par exemple allaient vers une plus grande autonomie des établissements, peut être inspirés de ce qui marche partout dans le monde ; l’assouplissement de la carte scolaire permettait d’introduire un début de commencement de liberté pour ainsi donner à plus de famille le choix de leur établissement.

Ces politiques, sûrement imparfaites, allaient dans le bon sens. Elles étaient aussi favorables aux plus défavorisés, si elles avaient été poussées un peu plus. Qui, aujourd’hui est condamné à rester dans le mauvais lycée ? Pas les petits bourgeois ni les fils de profs. Tout le monde sait bien que les enseignants du 93 envoient leurs gamins dans le lycée Hélène Boucher dans le XXème à Paris et que ceux qui le peuvent paient pour aller dans le privé !

Monsieur Peillon revient sur la plupart de ces politiques. C’est vraiment dommage et même inquiétant car il rigidifie tout encore plus.L’Education nationale a besoin de liberté ! La droite avait entamé une très timide glasnost, la gauche revient à une glaciation brejnévienne.

Quelles vrais changements présente-t-elle ?

Aucun. Le texte comporte plusieurs changements « en négatif », par suppression de politiques passées. Le Ministre semble considérer que c’était nécessaire. Soit, mais son texte ne présente aucun grand changement « en positif ». Il y a, comme je l’ai dit, quelques mesures intéressantes. Pour le reste, c’est beaucoup de verbiage…

Est-elle à la hauteur des enjeux ?  Sinon, comment l'expliquer

Clairement pas. L’Ecole a besoin de faire la Révolution de l’autonomie. Elle a besoin de changer structurellement, en favorisant la liberté et le choix.

La liberté, c’est celle des établissements, qui devraient pouvoir adapter leurs rythmes, leurs enseignements, leurs équipes en fonction des besoins. Fixons leur des objectifs (par exemple : 100 % des élèves doivent savoir lire et écrire à la sortie du CM2, contrairement à une réalité de 60 % aujourd’hui) et laissons les libres des moyens pour y parvenir : si celui-ci veut être traditionnel, qu’il le soit ; si celui-là veut miser sur le numérique, qu’il en soit libre. Il faudra assurer une publication des résultats d’évaluations nationales. Arrêtons de nous déchirer pour savoir s’il faut faire 2 heures de plus ou de moins partout en France. C’est totalement stalinien !

Le corollaire de cette politique, c’est le libre choix. Il faut que les familles soient libres de choisir leur école. Est-ce qu’on réalise que dans notre pays, les parents ne peuvent même pas intervenir dans ce choix fondamental pour l’avenir de leurs enfants ? Ce qui est incroyable, c’est que la France semble ignorer que tous les pays du monde se mettent à ce genre de politiques depuis des années. Cela aiderait les plus fragiles : ils auraient accès aux écoles qu’ils veulent - et celles-ci auraient des bonus financiers. Est-ce qu’il vaut mieux que le lycée du centre ville reçoive un peu plus d’argent pour accueillir des élèves défavorisés ou qu’on continue à déverser des sommes folles dans des établissements ghettos dont les résultats sont catastrophiques ? Ne peut on pas sortir un peu du dogmatisme pour voir la réalité ?

Par idéologie, Vincent Peillon ne veut pas de ces réformes structurelles (que la droite n’a pas faites, par manque de courage). Il faut dire que l’Education nationale est malheureusement bloquée par le poids de quelques syndicats. Les gens en ont cependant ras le bol de cet immobilisme qui nuit à tout le monde et ne bénéficie qu’à une minorité de privilégiés. Il y a fort à parier que l’avenir de l’Education nationale va conduire à une explosion des cours privés pour pallier l’échec du système public. Celui-ci va dépérir doucement, ne gardant que les plus mauvais enseignants et les élèves les plus en difficulté, abandonnés à eux-mêmes. Tous les autres seront partis…

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