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Londres brûle-t-elle ?
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Révolte britannique

Retour sur les manifestations contre la politique d'austérité du gouvernement Cameron de samedi dernier. Au-delà des manifestations, c'est l'organisation entière de la société anglaise dont il est en fait question.

Gaspard Koenig

Gaspard Koenig

Gaspard Koenig a fondé en 2013 le think-tank libéral GenerationLibre. Il enseigne la philosophie à Sciences Po Paris. Il a travaillé précédemment au cabinet de Christine Lagarde à Bercy, et à la BERD à Londres. Il est l’auteur de romans et d’essais, et apparaît régulièrement dans les médias, notamment à travers ses chroniques dans Les Echos et l’Opinion. 

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Il semblerait que, rompant avec une longue tradition de « keep calm and carry on », les Britanniques aient finalement perdu leurs nerfs. 250 000 d’entre eux sont descendus dans les rues de Londres samedi dernier pour protester contre la politique d’austérité du Gouvernement.

La manifestation a été émaillée d’incidents particulièrement violents. Des bandes de casseurs organisées ont vandalisé des boutiques à coups de barres de fer et attaqué les forces anti-émeute, débordées. Deux cents d’entre eux ont été arrêtés. On craint le pire pour le mariage royal, fin-avril.

Chacun porte son masque...

Est-ce à dire que, à leur tour, les flegmatiques sujets de Sa Majesté jouent cette scène bien connue des continentaux : le peuple contre ses gouvernants ? Plus de deux siècles après les pamphlets d’Edmund Burke contre la Révolution française, le Royaume-Uni s’offrirait-il une bonne jacquerie ? Ce serait à la fois méconnaître le peu d’appétit des Anglais pour la lutte des classes, et sous-estimer leur goût pour le théâtre. Dans cette histoire, tout le monde porte des masques.

Le peuple, d’abord, n’est pas le peuple. Les réseaux anarchistes comme Whitechapel Anarchist Group, Riseup East ou Black Bloc recrutent plutôt parmi l’upper class en mal d’extravagance. Ainsi « The Love Police Academy », dont les membres ont investi Fortnum & Mason et saccagé le McDonalds de Leicester Square, a été fondée par Charlie Veitch, un ancien financier passé par la très privée Edinburgh Academy. Quant à Ukuncut, qui revendique la destruction des vitrines du Ritz avec des panneaux de signalisation et le jet d’ampoules d’ammoniaque sur la police, il est dirigé par Thom Costello, un souriant et propret étudiant d’Oxford aux allures de Marc Zuckerberg. Et que veut faire ce jeune homme prometteur quand il sera grand ? Ecrire des pièces de théâtre. Bon début. Après tout, Oscar Wilde est bien passé par les geôles de Reading.

Les élus du peuple, eux non plus, ne sont pas vraiment du peuple. Regardons de plus près les trois Messieurs qui font aujourd’hui la politique économique outre-Manche : David Cameron, Premier Ministre ; Nick Clegg, son numéro 2 libéral ; et George Osborne, le ministre de l’Economie. Tous trois ont été éduqués dans les meilleures écoles privées du Royaume (Eton, Westminster School, St Paul’s School), éduqués à Cambridge et Oxford, et encore dans la force de l’âge (ils ont de 39 à 44 ans). Mieux, ce sont des aristocrates : Osborne est l’héritier direct d’un baronnet irlandais, Clegg descend d’une baronesse russe, et Cameron, le patron, se devait d’avoir au moins un ancêtre royal : Guillaume IV, dernier souverain de la maison de Hanovre. Peut-être cet air de noblesse oblige leur donne-t-il l’audace de mener une politique aussi radicale. En tout cas, sociologiquement, ils ressemblent davantage aux anarchistes qu’aux policiers chargés de les réprimer.

Une révolte bien dérisoire

Enfin, cette révolte paraît bien dérisoire. 250 000 manifestants, c’est à peine de quoi remplir l’artère Bastille-République lors d’un classique dimanche parisien. D’autant que le Gouvernement n’y a pas été par le dos de la cuillière : 90 milliards d’euros de coupes budgétaires, un demi-million d’emplois supprimés dans le secteur public, l’âge de la retraite porté à 66 ans d’ici 2020, le tout assorti d’une augmentation d’impôts. A ce tarif-là, la France serait à feu et à sang.

Mais nos voisins d’Outre-Manche, qui ont toujours été plus doués en économie, savent bien que ces coupes drastiques constituent la seule solution rationnelle pour éviter la faillite à moyen terme du pays et ramener le déficit public, selon les prévisions du Gouvernement, de 11 % du PIB aujourd’hui à 2,1 % en 2014. La manifestation de samedi s’était baptisée « March for the Alternative ». Or, tous les Britanniques le savent depuis Margaret Thatcher : comme l'indique son surnom TINA, « There is no alternative ».

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