Anatomie d'une erreur de diagnostic : pourquoi l'austérité n'a aucune chance de permettre de lutter contre le chômage<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Economie
Les mesures d'austérité ont touché de plein fouet des pays européens déjà très appauvris, comme la Grèce ou l'Espagne.
Les mesures d'austérité ont touché de plein fouet des pays européens déjà très appauvris, comme la Grèce ou l'Espagne.
©Reuters

Mauvaise recette

La forte poussée du chômage ces deux dernières années - 12% dans la zone euro depuis janvier - marque la faillite du diagnostic budgétaire dressé par les responsables européens.

Nicolas Goetzmann

Nicolas Goetzmann

 

Nicolas Goetzmann est journaliste économique senior chez Atlantico.

Il est l'auteur chez Atlantico Editions de l'ouvrage :

 

Voir la bio »

Après avoir pronostiqué une crise financière au cours de l’année 2008, les responsables européens se sont enfermés dans un diagnostic budgétaire dont les remèdes paraissent aujourd’hui sans effets. La forte poussée du chômage au cours des 2 dernières années en marque la faillite.

L’analyse monétaire reste encore peu abordée dans le débat public. Et pourtant, de la même façon que lors des années 30 cette crise est bien de nature monétaire. En voici le fondement.

Le rôle d’une banque centrale est d’offrir la cadre à un développement économique optimal, son pouvoir étant d’opérer un choix entre plein emploi et maîtrise des prix. Pour parvenir à cet objectif Ben Bernanke (alors encore universitaire) définissait la mission d’une autorité monétaire comme étant la stabilisation de la croissance nominale (la croissance nominale étant la somme de la croissance et de l’inflation).

La croissance nominale ou son synonyme la demande agrégée représente la variable économique primaire. Le calcul de l’évolution des prix à travers « le panier de la ménagère » permet dans un second temps de décomposer cette « demande » entre croissance et inflation. Dès lors, et puisque nous admettons que l’inflation est maitrisée par la BCE, nous devons admettre qu’elle contrôle la demande, soit le niveau d’activité d’une économie.
Nous pouvons ainsi établir le caractère strict, neutre, ou laxiste d’une politique monétaire en mesurant l’évolution de cette croissance nominale par rapport à sa tendance longue. Si celle-ci s’accélère au-dessus de sa tendance, la politique est laxiste, si celle-ci chute sous cette tendance, cette politique peut être définie comme stricte.

La politique monétaire européenne peut être jugée dans le graphique ci-dessous. Après avoir été parfaitement neutre entre 1995 et 2007 à un rythme régulier de croissance nominale de 4%, celle-ci chute lourdement et marque dès lors son caractère restrictif. Malgré des taux à 0, la politique monétaire Européenne fonctionne comme un étau sur l’économie de la Zone.

Variation de la Croissance nominale Européenne comparée à sa tendance longue

Cette situation d’austérité monétaire entraine des conséquences immédiates sur les deux sujets majeurs actuels : l’endettement des Etats et le taux de chômage.

La chute de la croissance nominale (sous contrôle de la BCE) brise les ressources nécessaires à un Etat dans la gestion de sa dette. En privant un Etat de la croissance de ses ressources, l’austérité monétaire déclenche une distorsion économique entrainant la dette vers des sommets. La corrélation représentée ci-dessous démontre l’effet  d’une politique monétaire restrictive sur le niveau d’endettement.

Pourcentage de dette sur PIB (Bleu). Variation du PIB nominal par rapport à sa tendance de long terme. (Rouge). 97-2011

De la même façon, dès lors que la BCE permet l’écroulement de la variable monétaire ; le taux de chômage est affecté. La politique monétaire peut être parfaitement représentée comme un arbitrage, entre le niveau d’activité et le niveau de chômage. Les 19 millions de chômeurs actuels au sein de la zone euro sont la conséquence du choix fait la BCE pour empêcher les prix de s’élever au-delà du seuil de 2.00%. La corrélation parfaite entre la chute de la croissance nominale et le taux de chômage est représentée ci-dessous.


Variation du PIB nominal par rapport à sa tendance de long terme (bleu) et taux de chômage en Europe. (Rouge)


Enfin, et pour comprendre les différences de résultats entre l’Allemagne et le reste de la zone euro, nous pouvons observer l’évolution de cette même variable qu’est la croissance nominale au niveau de l’économie Allemande : (les graphiques sont ici empruntés au Professeur David Beckworth)



La politique menée par la BCE est parfaite pour l’Allemagne, et lui permet d’afficher le plein emploi aujourd’hui.
Il en va autrement pour le reste de la zone Euro :


Le décrochage total affiché par le reste de la zone Euro marque le manque de « demande » en Europe, et la nature monétaire de la crise que nous traversons.

Ce diagnostic a aujourd’hui été opéré aux Etats Unis, au Japon ainsi qu’au Royaume Uni.  L’Europe reste sourde et aveugle devant l’évidence du constat. Une crise monétaire appelle une réponse monétaire, et non budgétaire.

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !