Pourquoi Pâques a beaucoup plus d'importance que Noël dans le calendrier catholique<!-- --> | Atlantico.fr
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Les catholiques commèmorent ce dimanche la résurrection du Christ.
Les catholiques commèmorent ce dimanche la résurrection du Christ.
©Reuters

Y'a pas que le chocolat...

Après 40 jours de privation, de prière et de pénitence, les catholiques du monde entier terminent le carême ce dimanche et célèbrent la résurrection de Jésus-Christ.

Jean-Sébastien Philippart

Jean-Sébastien Philippart

Jean-Sébastien Philippart est philosophe. Il est Conférencier à l'Ecole Supérieure des Arts de Bruxelles. Il est également auteur pour la revue MondesFrancophones.com.

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Atlantico : Noël est souvent considéré comme la fête chrétienne la plus importante en Occident. La fête de Pâques, qui commémore la résurrection du Christ, n'est-elle pas traditionnellement plus importante pour les catholiques ?

Jean-Sébastien Philippart : La fête de Pâques est traditionnellement et théologiquement première. Sans les témoignages des premiers disciples attestant de la résurrection de leur maître, résurrection qui atteste elle-même de la nature christique de Jésus, ce dernier n’aurait pas survécu longtemps dans la mémoire des générations qui l’auraient suivi. La mort et la résurrection du Christ déterminent le cœur de la foi chrétienne. Ainsi, en plus d’être célébré tous les dimanches dès les origines, l’événement pascal comme objet annuel d’une célébration particulière sera déjà institué au IIe siècle, alors que Noël ne le sera qu’au IVe siècle. A cet égard, Saint Augustin n’envisageait Noël qu’à titre de rappel d’un événement, tandis que Pâques constituait pour lui un sacrement, c’est-à-dire l’actualité même du passage de Dieu parmi les hommes. Aujourd’hui encore, dans le monde orthodoxe comme en Grèce par exemple, c’est toute une population qui vibre au rythme d’une Semaine sainte se clôturant par un feu d’artifice de réjouissances. 

A quel moment de l'histoire s'est opéré le basculement et à quels facteurs peut-on l'attribuer ?

En Occident, à partir du XIVe siècle, Noël s’impose un peu partout comme la fête la plus importante car elle est devenue la préférée des chrétiens.Pourquoi ? Parce qu’elle est l’occasion de mettre en scène la relation entre une mère et son fils, laquelle satisfait une sensibilité populaire plongée dans une mariolâtrie qui fait le succès de l’Eglise au Moyen-âge. Quant à la diffusion de cette mise en scène, on la doit à la floraison des franciscains. C’est l’ordre mendiant du XIIIe siècle qui instituera en Europe la coutume de la crèche vivante, puisqu’il s’y raconte qu’un jour de Noël, présent dans une grotte, Saint François fera installer une mangeoire, un âne et un bœuf avant de célébrer la messe. Aujourd’hui, disons que l’importance accordée à Noël est probablement due aussi au règne de l’enfant-roi.

La différence avec l’Orient chrétien s’explique notamment par l’accent que les orthodoxes mettent sur la théologie de l’évangéliste Jean. Une théologie plus intellectuelle qui, même si elle fait la part belle à l’incarnation, n’évoque pas la petite enfance de Jésus, contrairement à Matthieu et Luc. Par ailleurs, la différence tient au paradigme missionnaire de chacune des Eglises. En Orient, l’esprit missionnaire est centré sur l’Eglise : celle-ci se vit comme une force d’attraction qui attire à elle l’humanité. En Occident, malgré un pouvoir centralisateur romain, tel est le paradoxe, l’Eglise ne cessera de se lancer dans des œuvres d’acculturation et, pour commencer, en rencontrant la culture et la sensibilité populaires.   

Est-ce que le fait que Noël ait été récupéré comme fête consumériste en a dénaturé sa valeur auprès des catholiques ?

Je ne suis pas sûr de voir, comme tous ces sociologues avides de changement, une atomisation consumériste de la fête. "L’esprit" consiste toujours à vouloir se rassembler autour d’une table et à la partager, ce qui constitue un geste spirituel en soioù la consommation est prétexte à un échange. D’ailleurs, tout en dénonçant le fameux consumérisme, ce sont les mêmes esprits chagrins qui dénoncent à cette occasion la mise en branle d’une solidarité avec les plus pauvres qui ne déborderait pas le cadre des fêtes.   

La fête de Pâques devient de plus en plus commerciale. Peut-elle subir la même "dé-spiritualisation" que Noël pour les catholiques ? Si oui, au profit de quelle autre fête ?

A nouveau, commerce et spiritualité peuvent faire bon ménage. La question n’est pas tant la "dé-spiritualisation" de Pâques que cette exigence qu’il y a pour le croyant à comprendre ce qui s’y passe. Ce n’est pas d’abord le désir de consommer qui nous détourne de Pâques, mais l’événement lui-même en ce qu’il est parfaitement scandaleux. Il ébranle toutes les certitudes que nous croyons avoir au sujet de la divinité et sur lesquelles nous nous reposons (cf. le tremblement de terre qui suit la mort de Jésus chez Matthieu). Comment le dernier et le plus humilié des hommes peut-il manifester la gloire divine à sa perfection ? Comment le dernier peut-il devenir le premier ? Toute la théologie de Jean tourne autour de cette élévation divine de l’homme rabaissé sur la croix, dont la sobriété du récit contrecarre par avance toute prétention au dolorisme (et montre que Mel Gibson avec saPassion sanguinolente n’a pas compris grand-chose contrairement à Pasolini, l’athée). Autrement dit, qu’un événement comme Pâques qui n’a pas sa place dans le cours des choses puisse être remplacé apparaît difficile.

En revanche, je m’inquiète du culturellement correct qui, sous couvert de bienveillance laïque, tend à vouloir étouffer toute référence à l’identité chrétienne comme si celle-ci constituait en soi une agression pour les autres, alors que l’autre ne peut-être autre qu’eu égard à mon identité. Je pense ici à un décret belge du gouvernement de la Fédération Wallonie-Bruxelles datant des années 2000 qui a rebaptisé les vacances de Pâques en "vacances de printemps". On aurait voulu donner l’occasion à la sensibilité chrétienne de pouvoir s’emparer de la mesure contre d’autres, qu’on ne s’y serait pas pris autrement.

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