Pourquoi il est absurde de penser qu'on pourrait aujourd'hui importer à l'identique les réformes Hartz de Schroeder en France<!-- --> | Atlantico.fr
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L'ancien Chancelier allemand Gerhard Schroeder.
L'ancien Chancelier allemand Gerhard Schroeder.
©Reuters

Merkelophilie

Plusieurs experts affirment que la situation économique de la France pourrait être résolue si l'on s'inspirait (pour changer...) du modèle allemand de la fin des années 1990. Une fausse bonne idée.

Jakob Höber

Jakob Höber

Jakob Hoeber est chercheur associé en économie, compétitivité et modèles sociaux européens à l'Institut Thomas More.

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Les économies de l'Allemagne et de la France sont généralement assez appropriées à une comparaison en raison de leurs tailles, interconnexions et leur emplacement dans le monde. Cependant la situation allemande des années 90 est historiquement très rare, voire unique: elle comprend une unification de deux systèmes économiques et sociaux différents ainsi qu'un changement radical de l'emplacement géopolitique d'un pays périphérique et frontalier vers une position centrale.

Le contexte mondial est un autre aussi : les Etats-Unis sortent de la Guerre froide comme l'hyperpuissance ; les déséquilibres mondiaux qui se dessinent ne sont pas encore assez puissants pour pouvoir déstabiliser la position prédominante de l'Amérique du Nord et de l'Europe. L'opinion en général est optimiste en ce qui concerne le développement à l'avenir.

L'unification des deux Allemagnes mérite un regard plus proche. Les coûts monétaires n'étant que difficilement quantifiables – les estimations vont de 1 à 2,5 billions d'Euro – le processus d'unification mobilise également d'autres ressources notamment humaines qui manquent ailleurs. Les années 90 sont alors pour l'Allemagne une décennie de concentration sur elle-même, une réalité qui commence à changer avec l’élection du gouvernement Schröder en 1998. Finalement, le processus d'intégration n'est toujours pas terminé, même si certaines régions de l'ancienne RDA se sont affirmées comme centre d'innovation et moteur de la création d'emploi – en général, des problèmes comme le chômage et le départ des jeunes persistent.

Ce scénario à rien à voir avec la position française aujourd'hui : un déclin senti du modèle occidental et plus particulièrement celui de la France ainsi qu'une situation économique difficile à l’échelle globale qui demande une réévaluation du contrat social change complètement la donnée. Si la nature des enjeux se ressemble au premier regard – des problèmes économiques, une société s’interrogeant sur son contrat social, entre autres – le cadre n'est pas du tout le même. En Allemagne, on retrouvait sa place naturelle au milieu de l'Europe ainsi que son espace d'influence revendiquée – l'Europe de l'est. Quant à la France aujourd'hui, elle perd de plus en plus de terrain dans le réseau de la Francophonie et dans le bassin méditerranéen. Ou pour le dire plus brièvement : en Allemagne, c'était un nouveau départ, en France, c'est une refonte imposée par les circonstances extérieures.

On comprend alors que ni les dynamiques en intérieur du pays ni la situation mondiale sont comparables à celles d'aujourd'hui. Est-ce que cela veut dire qu'on ne peut rien apprendre d'une analyse comparative de deux entités politiques dans le temps en général et de la France d'aujourd'hui et de l'Allemagne des années 90 en particulier ? Pas tout à fait : étudier les mesures prises par le gouvernement allemand pour intégrer la RDA et profiter du réseau économique des pays de l'Est peut apprendre des solutions pour la crise actuelle. Par exemple, l'intégration verticale de l'industrie allemande – avec une délocalisation des industries à faible valeur ajoutée dans les pays de l'Est – qui est une raison principale pour le succès de la machine exportatrice allemande aujourd'hui. C'est alors une comparaison des détails qui peut servir – tout en tenant compte du contexte plus large qui est différent.

Lorsque le gouvernement français envisage une réforme du modèle social, elle doit alors respecter cette réalité ; et si les réformes Hartz en Allemagne peuvent servir comme modèle, il serait erroné de les adopter sans tenir compte de la particularité française. Au final, le but est de se laisser inspirer plutôt de suivre aveuglement. 

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