L’âge de la déflation : les économies mondialisées sont-elles condamnées à la spirale dépressive ? <!-- --> | Atlantico.fr
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Les économies globalisées doivent se préparer à affronter une spirale dépressive.
Les économies globalisées doivent se préparer à affronter une spirale dépressive.
©Reuters

Prix en baisse, tristesse

D'après une analyse de l'éditorialiste de Bloomberg A. Gary Shilling, les économies globalisées doivent se préparer à affronter une période de déflation qui s'annonce durable. Le "develeraging" (désendettement) des acteurs financiers couplé à d'autres facteurs économiques et sociaux amènera une inflation négative préjudiciable. Une perspective crédible ?

André Fourçans

André Fourçans

André Fourçans est professeur d'économie à l'Essec. Il a aussi enseigné dans deux universités américaines ainsi qu’à l’Institut d’études politiques de Paris.

Il est l'auteur de plusieurs ouvrages de vulgarisation économique dont Les secrets de la prospérité - l’économie expliquée à ma fille 2, Seuil, 2011.

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Atlantico : A. Gary Shilling prétend que la déflation va probablement venir frapper les économies mondialisées. Vous-même, croyez-vous que cette perspective est un réel danger ? La déflation va-t-elle faire son retour dans les pays industrialisés ? 

André Fourçans : La déflation peut toujours revenir, et ce dans n'importe quel pays. Cela dépend pour l'essentiel des choix de politique économique, et surtout des politiques monétaires qui sont à la source de l'évolution de l'ensemble des étiquettes, du moins sur le long terme. Si la croissance du stock de monnaie est très faible, voire négative, le taux d'inflation peut devenir négatif, ce qui définit la déflation. C'est ce qui passé durant la grande Crise de 1929.

Nous n'en sommes pas là. Si on regarde l'Europe ou les États-Unis, depuis 2007, la croissance du stock de monnaie a d'abord chuté brutalement. Mais depuis environ deux ans, cette croissance monétaire a repris. La tendance du taux d'inflation n'a donc pas à être négative, elle tourne en gros autour de 2%. Il est vrai que si les problèmes monétaires très sérieux qui sont survenus n'avaient pas été résolus, on aurait pu effectivement déboucher, à terme, sur la déflation.

Est-ce que le "develeraging", à savoir la volonté des agents de se désendetter et de ne plus injecter d'argent dans le système économique, sera la source de la déflation que l'éditorialiste de Bloomberg.com nous annonce ?

Effectivement, quand les banques ne prêtent pas d'argent, elles ne contribuent pas à la création de monnaie, et cela a un impact sur l'économie. Depuis le début de la crise les banques centrales ont injecté énormément de liquidités dans le système monétaire, à des niveaux historiques. Pourtant, la création monétaire  reste faible. Pourquoi ? Parce que les banques gardent les liquidités en réserve et ne prêtent qu'au compte goutte. Et pourtant le taux d'inflation reste positif. L'effet sur l'économie est indéniable, mais il n'est pas suffisant pour conduire à la déflation tant la masse de fonds distribués par les banques centrales sont imposants et compensent largement ce "develeraging" par les banques (ou autres agents).

D'ailleurs, si les banques commerciales se mettaient à prêter toutes leurs liquidités, l'inflation s'envolerait. On peut espérer que les banquiers centraux feront, avant, l'opération inverse de celle qu'ils font depuis le début de la crise, à savoir qu'ils retireront aux banques les océans de liquidité qu'elles possèdent. Mais cette opération "d'extraction" est plus difficile à accomplir que celle "d'injection", pour des raisons techniques et politiques. Donc, croisons les doigts pour que tout se passe bien.

L'analyse de Shilling souligne également le rôle d'autres facteurs : la rigidité salariale, la tendance plus forte des ménages à épargner, les prix élevés du pétrole qui freinent la production et même la démographie peu dynamique qui entraîne une baisse de la population active. Ces éléments peuvent-ils être source de déflation ?

Cela me parait exagéré. D'ailleurs à court terme, la hausse du pétrole, par exemple, est une source d'inflation, même si cela peut avoir à terme un effet de contraction sur la croissance économique. La rigidité des salaires à la baisse est réelle, mais on est loin d'avoir des hausses du salaire réel comparables à celles de la Grande Dépression. Quant à l'argument démographique, s'il peut jouer un rôle, celui-ci ne peut être qu’extrêmement minime comparé à celui des autres facteurs dominants : dans le court terme, le déficit budgétaire  le taux de change, ou les prix à l'importation, par exemple, dans le long terme essentiellement la création monétaire.

Vous savez, on peut prendre n'importe quelle variable dans une économie et lui trouver un rôle dans un sens ou dans l'autre sur l'inflation, ou sur la croissance, ou sur l'emploi, ou sur n'importe quelle autre grandeur. Ce n'est pas une démarche très scientifique de procéder ainsi, cela n'a guère de sens.

Concrètement, quels sont les risques pour une économie de connaître une légère déflation ? Est-ce si grave que ça ? 

La déflation, cela veut dire une croissance négative du niveau général des prix. Ce qui implique l'inverse de l'inflation. Si les agents continuent d'anticiper la baisse des prix , ils vont ralentir leurs investissements et leur consommation. Ce comportement va entraîner une diminution de la production. De plus, les salaires réels vont probablement augmenter, ce qui alourdira les coûts de production des entreprises, donc diminuera l'emploi et la croissance.

Ceci dit, si la déflation ne dure que quelques mois, l'effet n'est sans doute pas dramatique. En revanche, si elle s'installe pendant longtemps et que le système économique ne s'adapte pas, les conséquences peuvent s'avérer néfastes et diminuer dangereusement la croissance.

Mais est-il inutile de rappeler qu'à chaque fois qu'il y a un ralentissement économique, nombreux sont les observateurs qui avancent la menace de la déflation et annoncent une catastrophe imminente? Dans les faits, si l'on observe les périodes délicates depuis plusieurs décennies, cela ne s'est jamais passé ainsi.

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