Le sauvetage de Chypre : une nécessité mal expliquée<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Economie
Le sauvetage de Chypre : une nécessité mal expliquée
©Reuters

Inversons le problème

La taxe chypriote sur les dépôts sensée rapporter 6 milliards fait polémique sur sa nature, mais aussi parce qu'elle a été mal expliquée.

Paul Goldschmidt

Paul Goldschmidt

Paul Goldschmit est membre de l'Advisory Board de l'Institut Thomas More,

Il a également été directeur du service "Opérations Financières" au sein de la Direction Générale "Affaires Économiques et Financières" de la Commission Européenne.

Voir la bio »

L’annonce des conditions du sauvetage de Chypre, au terme d’une longue nuit de négociations, a créé la stupéfaction, notamment par l’exigence d’un prélèvement sur l’ensemble des dépôts bancaires. Il s’agit, paraît-il, d’une mesure qui, à l’instar de la restructuration de la dette souveraine grecque, est de nature  "exceptionnelle". N’ayant aucun point de repère, d’aucuns y ont vu une transgression de l’accord intervenu à l’automne 2008 où chacun des pays membres de l’Union "garantissait " leurs dépôts bancaires à hauteur de 100 000 €  ; cette volte-face mettrait, donc, gravement en péril la crédibilité de l’Union européenne.

Or, il s’agit d’un cas de figure très différent : la garantie des dépôts prévoit de compenser l’incapacité d’une banque à honorer ses engagements vis-à-vis de ses déposants. S’il est vrai qu’à défaut du sauvetage envisagé, les banques chypriotes se seraient trouvées dans cette situation, le cas présent concerne, par contre, leur recapitalisation. Elle est financée par des prêts de la communauté internationale d’une part et par l’impôt de l’autre, permettant au système bancaire de continuer à fonctionner sans rupture.

Le prélèvement effectué sur les dépôts est donc un impôt dont la perception sera votée, dans l’urgence, au terme d’une procédure parlementaire qui en assure la légitimité.

Le manque de clarté dans la communication hâtive des autorités, laissant libre cours aux interprétations les plus diverses, a déjà induit une première réaction négative des marchés. Elle affecte surtout le secteur bancaire mais se propage à celui des dettes souveraines ce qui met en péril les timides progrès réalisés récemment visant à enrayer la fragmentation du marché de l’Euro.

La mobilisation de ressources fiscales dans le traitement de la crise chypriote est un signal fort et bienvenu de la volonté d’une reprise en main par les gouvernements de leurs responsabilités, comme le demande avec insistance la BCE. En effet, les choix retenus par l’Eurogroupe peuvent s’analyser comme une tentative de couper, dans le cas de Chypre, le cercle incestueux de dépendance mutuelle du secteur bancaire et de la dette publique.

Pour éviter le risque de contagion, il est urgent de lever toute ambiguïté sur la nature des mesures proposées, dont la crédibilité quant à leur caractère exceptionnel serait ainsi renforcée. Il importe, cependant, de préserver le droit absolu d’un État de lever légalement l’impôt et d’en fixer l’assiette. C’est d'ailleurs dans ce cadre que des amendements, destinés à protéger les Chypriotes les plus fragiles, sont non seulement envisageables, mais souhaitables.

Il faut, à tout prix, éviter que la perception des mesures adoptées par les gouvernements nationaux au sein de l’Eurogroupe ne soit interprétée, une fois de plus, comme une exigence malfaisante de "l’Europe" imposée à Chypre. En effet, le désamour du citoyen européen pour l’Union ne fera que croître si les ministres se défaussent systématiquement sur l’Europe, chaque fois qu’il s’agit de justifier des mesures impopulaires au lieu de promouvoir l’indispensable "solidarité", seule capable d’apporter des réponses aux défis de la crise.

Les sacrifices demandés aux Chypriotes sont pénibles ; les sommes nécessaires à sauver Chypre (et probablement à terme l’euro) sont gérables. Faisons en sorte que toutes les parties prenantes y trouvent leur compte et que l’Union européenne en sorte renforcée.

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !