Végétal, infantile ou maternel : pourquoi tous les laits ne se valent pas pour nourrir son bébé<!-- --> | Atlantico.fr
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Tous les laits ne se valent pas pour nourrir son bébé.
Tous les laits ne se valent pas pour nourrir son bébé.
©Reuters

Montée de lait

L'Agence nationale de sécurité de l'alimentation (Anses) tire la sonnette d'alarme : le lait de soja, le lait d'amande, de riz ou tout autre lait végétal ne doivent pas être utilisés pour nourrir les bébés. Tout comme les laits de brebis et de chèvre.

Patrick Tounian

Patrick Tounian

Patrick Tounian est professeur de pédiatrie, chef du service de nutrition et gastroentérologie pédiatrique de l'hôpital Trousseau à Paris.

Il dirige le diplôme universitaire " Nutrition et Obésité de l'enfant et de l'adolescent " à Sorbonne Université et intervient comme expert reconnu en nutrition pédiatrique dans de nombreuses conférences.

Ancien secrétaire général de la Société française de pédiatrie et président de la Société francophone de gastroentérologie et nutrition pédiatriques, il est actuellement président de l’Association des pédiatres de langue française. Il est l’auteur de nombreux livres et publications scientifiques sur la nutrition et l'obésité de l'enfant et de l'adolescent.

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Atlantico. L'Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) a tiré la sonnette d'alarme, dans une expertise rendue publique ce jeudi, quant aux conséquences néfastes chez les nourrissons des laits végétaux (soja, amande, riz) et des laits de chèvre ou de brebis. Des produits qui ne sont pas adaptés aux enfants de moins de un an. Pourquoi faut-il être inquiet ? Quels dangers encourent-ils réellement ?

Patrick Tounian : Les laits infantiles assurent l’ensemble des besoins nutritionnels des nourrissons avant un an : un enfant qui boit au moins 500 ml de ce type de lait est assuré de recevoir les quantités nécessaires de fer, de graisses, de vitamines ou encore de minéraux, qui vont lui permettre de bien se développer. C’est la base de l’alimentation d’un enfant de moins d’un an, s’il ne profite pas du lait maternel qui demeure l'aliment idéal à cet âge.

La composition de "laits" végétaux quant à elle n’est pas du tout conforme à la réglementation européenne. Ces "laits" ne sont pas adaptés aux nourrissons de moins d'un an. Le remplacement du lait infantile par ces produits abouti même à de graves carences. Dans la pratique, les enfants peuvent souffrir d’anémie en fer - pour lesquelles on est parfois obligé de procéder à des transfusions -, de carences en protéines, en zinc - qui donnent des problèmes cutanés majeurs – et des carences en vitamines D ainsi qu’en calcium qui peuvent aboutir à des convulsions. Enfin, il y a toutes les carences qu’on ne voit pas telles que les acides gras essentiels ou le fer. Ces carences peuvent provoquer des anomalies du développement cérébral de l’enfant.

Donner des carences à ses enfants si tôt, c’est de l’ordre de la maltraitance nutritionnelle. Les premiers mois de la vie sont, je le rappelle, décisifs pour le développement physique et cérébral des petits. Le problème, c’est que certains médecins vont donner aux parents de mauvais conseils. C’est quand l’enfant va montrer des signes de faiblesse, de dénutrition, ou encore d’un arrêt de sa croissance que les parents vont réaliser quelles erreurs ils ont faites.

Les autorités de santé publiques nous alertent depuis plusieurs années sur les dangers de l'huile de palme sur la santé des enfants et des adolescents (notamment les risques d’obésité). Celle-ci apparaît en deuxième position dans la liste des ingrédients constituant le lait infantile. Pourquoi ne pas le retirer de la composition des laits si elle est véritablement dangereuse pour la santé ?

L’huile de palme n’a aucun lien avec l’obésité, c’est de la pure intox. C’est une huile qui est simplement un peu plus riche en acides gras saturés que les autres huiles végétales. Elle se rapproche d’ailleurs du beurre. Et c’est parce qu’elle est riche en acides gras saturés que, chez l’adulte, elle peut avoir la même toxicité que le beurre. Ni plus, ni moins. Chez l’enfant, on sait aujourd’hui qu’il faut que 50% des apports soient sous forme d’acides gras, il n’y a donc aucune raison de diminuer ce type d’apport. De plus, l’acide palmitique, principal constituant de l''huile de palme, entre dans la composition du lait maternelle à hauteur de 25% ! Le problème est par conséquent exclusivement écologique en raison des déforestations nécessaires à la plantation de palmiers à huile… Mais je suis formel, l’huile de palme n’est en rien dangereuse pour les nourrissons. La retirer des laits infantiles est une pure démarche commerciale.

En réalité qui surveille la qualité des produits alimentaires destinés aux premiers âges ? Les contrôles sanitaires sont-ils les mêmes que pour les produits destinés aux adultes ?

Il y a une réglementation européenne, extrêmement stricte, qui régit la composition de tous les aliments destinés aux enfants que ce soit pour les petits pots ou les laits infantiles. Il y a des fourchettes basses, parfois hautes, limitant les taux de fer, ou d’acide gras essentiel. Il y a des contraintes bactériologiques également. Pour les petits pots, il y a un taux de nitrates et de pesticides maximum à ne pas dépasser, qui sont de l’ordre des produits biologiques. On constate donc, bien heureusement, que la qualité sanitaire est bien plus importante lorsque l’on parle de l’alimentation des enfants. Chez l’adulte, il n’y a pas de fourchette à respecter. Juste des normes sanitaires.

Les produits biologiques ne sont-ils pas une simple arnaque ?

Complètement, c’est idéologique. Des études ont d’ailleurs démontré qu’il n’y a aucun bénéfice à une alimentation biologique, en tout cas chez l’adulte. C’est sûrement plus écologique donc idéal pour l’environnement mais pas spécialement pour la santé. Pour les enfants, les normes sont tellement strictes en matière de nitrates et de pesticides que les produits, qu’ils soient indiqués comme étant issus de l’agriculture biologique ou pas, sont d’une qualité équivalente.

Y a-t-il un manque de diversité dans l’alimentation proposée aux enfants ?

Tout à fait, et cela est dû à un problème de production et de coût. C’est-à-dire que des petits pots à base de foie gras ou de homard, ce n’est pas envisageable ! Les grandes firmes proposent donc des produits assez similaires même si les produits se sont relativement diversifiés ces dernières années. On peut désormais trouver des pots à base de quinoa par exemple. C’est une nouveauté. D’un autre côté, l’alimentation des enfants est finalement très simple… Je suis des enfants qui ne se nourrissent que de quinze ou vingt aliments différents et qui sont en excellente santé. La nature est très bien faite donc ils mangent ce qui leur est nécessaire pour bien grandir. Quelques aliments bien choisis suffisent à assurer les besoins nutritionnels, pour le reste, il s’agit de la découverte des saveurs.

Finalement, quelle alimentation faut-il privilégier ? Laquelle prohiber ?

Il faut prohiber les jus végétaux, qui plus est si l’enfant est très jeune et se nourrit par conséquent quasi exclusivement de produits laitiers. Le lait de vache n’est pas non plus adapté aux enfants puisqu’il est trop pauvre en fer et en acides gras, et induit des carences. Idem pour le lait de chèvres ou de brebis.

Voici ce qui est essentiel à une alimentation équilibrée :

  • Le fer : le lait infantile et la viande pour les plus petits. Au-delà de trois ans, de la viande deux fois par jour.
  • Le calcium : deux à trois produits laitiers par jour
  • Les acides gras essentiels : le lait infantile puis, toujours au-delà de trois ans, du poisson consommé une à deux fois par semaine
  • La diversité alimentaire : manger un peu de tout. Sachant qu’un fruit ou un légume par jour est suffisant à assurer les besoins en vitamines.



Propos recueillis par Mathilde Cambour

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