Le traitement de Véronique Genest par le service public relève-t-il de la censure ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Véronique Genest se lance en politique et se présente aux élections législatives.
Véronique Genest se lance en politique et se présente aux élections législatives.
©Capture d'écran

Sois bien-pensante ou tais-toi

Après avoir déclaré qu'elle était "islamophobe" sur les réseaux sociaux, Véronique Genest est devenue la nouvelle cible favorite des médias. Quoi que l'on pense des idées de l'ex-actrice, un tel traitement relève plus du procès en sorcellerie que de la critique intelligente.

Robert Ménard

Robert Ménard

Robert Ménard a été journaliste et fondateur de Reporters Sans Frontières (RSF).

Président de l'association de 1985 à 2008, il a dirigé un centre d'accueil pour les journalistes à Doha (Qatar) de 2008 à 2009.

Il a été élu en avril 2014 maire de la ville de Béziers

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Atlantico : Véronique Genest a été très critiquée dans l'émission On n'est pas couché diffusée samedi soir. Notre service public fonctionne-t-il désormais comme un organe de censure ?

Robert Ménard : Nous sommes bien évidemment dans une censure, et cela est d'autant plus problématique quand on sait que cette censure se fait au nom d'une certaine idéologie politique. Si Véronique Genest avait eu un engagement bien pensant, raisonnable et hautement consensuel, il est clair qu'elle n'aurait pas été embêtée. Le problème est que c'est une grande gueule iconoclaste qui, sur certain sujets, ose dire ce que bon nombre de Français pensent. Le service public a une idée bien définie de ce qu'est une pensée convenable et Mme Genest a le malheur d'échapper à cette définition. Je ne vois pas de quoi cette annulation pourrait relever sinon d'une censure pure et simple.

Peut-on parler d'une opposition entre opinion populaire et opinion médiatique ?

Les medias et le monde politique ont un réflexe de "caste" qui est mécanique. Je me permets cette expression car on parle ici de personnes qui vivent ensemble, sortent des mêmes écoles, pensent à l'identique et finissent dans les mêmes lits. Soit vous en faites partie et l'on vous pardonne vos engagements politiques, comme avec Audrey Pulvar, soit vous pensez différemment et l'on vous marginalise aussitôt. Dès que l'on est trop à droite ou trop à gauche et que l'on sort de la pensée majoritaire de cette caste, on en est presque disqualifié. Il n'y a qu'a voir comment sont reçus des personnages comme Marine Le Pen dans l'émission de David Pujadas (Des Paroles et Des Actes) ou Laurent Obertone sur le plateau de Laurent Ruquier. Les échanges y relevaient davantage du combat idéologique que du journalisme et illustrent très bien le fait que certaines choses ne peuvent être dîtes sur le service public. 

Cette "caste" agit-elle par conviction ou par auto-censure ?

Je dirais plutôt par connivence. Nous sommes ici dans une pensée qui représente la "globalité" du monde médiatique. Il suffit de dire comme ses autres collègues, que l'immigration est une bonne chose, que le mariage homosexuel va dans le sens de la modernité, ou encore que la peine de mort est une abomination, et tout va pour le mieux. Penser cela, c'est penser bien de nos jours. Pensez différemment, et vous deviendrez immédiatement quelqu'un de "sulfureux". 

Ce type de censure n'a rien en commun avec la censure d'Eglise ou la censure d'Etat. Comment la définir ?

Elle est effectivement différente, puisqu'à l'inverse de leurs "ancêtres", ses acteurs ne sont pas conscients de leur fonction. Lorsqu'on est sincèrement convaincu d'incarner le vrai et le bien, le débat devient logiquement impossible, l'adversaire étant "diabolisé" jusqu'à devenir le mal absolu. Une fois n'est pas coutume, je vais emprunter à Karl Marx pour dire que c'est là le mode de fonctionnement de "l'idéologie dominante" : la bien-pensance ne s'argumente pas, elle va de soi.

Aujourd'hui une société ouverte sur le monde, l'idéal européen, sont des idées qui relèvent de ce type d'automatisme, au-delà des réels bénéfices qu'elles peuvent potentiellement nous apporter. Le fait que Mme Genest ait déclaré qu'elle était islamophobe a laissé l'impression qui fallait lui réserver le même sort qu'aux sorcières d'autrefois : un bûcher sur la place publique. A aucun moment, on a pu entendre de critiques argumentées. La classe médiatico-politique emprunte ce schéma dans sa grande majorité et n'hésite pas à dire "Dégage" à ceux qui ne font pas de même. Nous sommes entrés dans le règne des fausses évidences que l'on ne peut presque plus questionner sans être mis au pilori.

S'agit-il d'un phénomène typiquement français ?

Absolument. Je prendrais pour exemple l'équivalent américain des militants de la Ligue des Droits de l'Homme qui ont défilé à Détroit pour que le Ku Klux Klan puisse lui aussi manifester librement. L'idée était de dire que le respect de la liberté d'expression passait par un refus total d'employer la censure, et ce même contre des organisations violentes. L'idée n'était évidemment pas de soutenir les idéaux du KKK mais bien de dire que l'on ne pouvait interdire à quiconque de parler. Cela devrait être pareil en France. On peut tout à fait tomber en désaccord avec Véronique Genest mais il faut en discuter plutôt que de l'exclure du débat. Le dialogue est préférable au procès en sorcellerie.

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