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Les salariés de l'usine Goodyear de Rueil-Malmaison s'en sont violemment pris aux forces de l'ordre lors d'une manifestation ce jeudi.
Les salariés de l'usine Goodyear de Rueil-Malmaison s'en sont violemment pris aux forces de l'ordre lors d'une manifestation ce jeudi.
©Reuters

Les patrons, c'est comme les...

La manifestation des salariés de Goodyear, jeudi au siège à Rueil-Malmaison, a dégénéré en affrontements contre les CRS. Des accidents qui semblent de plus en plus récurrents et violents.

Hubert Landier

Hubert Landier

Hubert Landier est expert indépendant, vice-président de l’Institut international de l’audit social et professeur émérite à l’Académie du travail et de relations sociales (Moscou).

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Atlantico : Les salariés de l'usine Goodyear de Rueil-Malmaison (Hauts-de-Seine) s'en sont violemment pris aux forces de l'ordre lors d'une manifestation ce jeudi. Des accidents qui semblent de plus en plus récurrents et violents. Peut-on parler d'une radicalisation de l'action syndicale ou le phénomène reste-t-il marginal ?

Hubert Landier : Il ne faut pas confondre l’attitude des salariés français et l’attitude des organisations syndicales, y compris la CGT, avec ce qui se passe chez Goodyear. Nous avons affaire, chez Goodyear, à un comportement extrémiste, jusqu’auboutiste, fondé sur une rhétorique marxiste qui date des années soixante et qui a fini par excéder les investisseurs et provoquer la catastrophe, à savoir la fermeture de l’usine.

Ce qui me frappe au contraire, dans bon nombre de dossiers difficiles, où le maintien en activité d’un site ne va pas de soi et passe par des sacrifices venant des salariés, c’est l’attitude très responsable des dirigeants syndicaux, y compris à la CGT, qui s’efforcent de limiter la casse au mieux des intérêts de leurs mandants mais en tenant compte de ce qui est possible et réaliste ou pas. C’est moins spectaculaire que le fait de prendre la tête d’une manifestation violente, mais c’est sans doute plus courageux. Le problème, c’est qu’on en parle moins.

A Rueil-Malmaison, peut-on considérer aujourd'hui que l'on a atteint un point de non-retour ?

On voit mal comment il serait possible de continuer l’exploitation du site dans ces conditions. Donc, pour le syndicat CGT de l’usine, c’est un échec. Mais en même temps, il convient d’en tirer la leçon. Nous sommes dans une conjoncture économique où la décroissance industrielle est devenue une réalité. Il ne faut pas se boucher les yeux. Et il va donc falloir imaginer des solutions qui permettent de limiter au maximum la casse qui en résulte sur le plan social. Cela passe par la recherche de compromis.

Dans cette perspective, les vieilles recettes d’origine marxiste consistant à mettre en accusation les employeurs sans chercher à comprendre leur point de vue ne marchent plus. Cela ne veut pas dire que les employeurs soient toujours exemplaires, loin de là. Cela veut dire qu’il faudra se mettre autour de la table pour imaginer des solutions qui tiennent compte du point de vue et des intérêts de l’ensemble des parties prenantes : les actionnaires, les salariés, et également les collectivités publiques. Evidemment, chez Goodyear, ce n’est pas la démarche qui a été adoptée.

Comment le rapport de force va-t-il évoluer ?

Il me semble que les démarches en termes de bras de fer, autrement dit, de rapport de force, devront laisser la place à des démarches intelligentes, visant à trouver des solutions intelligentes. Et c’est ce qui me frappe depuis le début de la crise : côté employeurs et côté syndicats, on assiste à une recherche de solutions innovantes tenant compte de ce qui est possible ou pas et prenant en compte les intérêts en présence.

C’est le sens de l’accord national inteprofessionnel du 11 janvier, et de la loi qui en sortira, et qui vise à renforcer cette capacité d’expérimentation, au niveau de l’entreprise. Il est dommage que la CGT ne l’aie pas signée, mais c’était peut-être difficile pour elle, à l’approche de son congrès, compte tenu de la présence dans ses rangs de militants comme ceux de Goodyear, qui ne sont certainement pas la majorité mais qui sont ceux qui se font le plus entendre.

François Hollande promettait une relation privilégiée avec les salariés et principalement les représentants des syndicats. Quelle politique aurait-il dû mener ?

Plutôt que de finasser, il aurait peut-être été plus judicieux de mener une politique à la Churchill et d’admettre que nous étions dans une situation catastrophique, de promettre “du sang et des larmes” mais de tracer un projet d’avenir. Or, ce n’est pas le cas. Et c’est peut-être cela le plus inquiétant : les gens veulent bien se serrer la ceinture, au moins provisoirement, mais à condition de savoir pourquoi. Or, on ne leur dit pas pourquoi. Un déficit budgétaire limité à 3%, ça ne fait pas rêver…

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