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Célibat des prêtres, sacerdoce des femmes, rapport à l'argent : les assauts de la réalité finiront-ils par emporter le mur du dogme ?
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Ainsi soit-il

Selon le quotidien italien La Repubblica, Benoît XVI aurait été convaincu de démissionner après avoir appris l'existence d'un "lobby gay" au Vatican. La réalité sociétale pourrait-elle finir par l'emporter sur le dogme de l'Eglise catholique et les considérations d'ordre théologique ?

Kristoff Talin

Kristoff Talin

Kristoff Talin est politologue et sociologue, spécialiste des religions. Il est actuellement chargé de recherche au CNRS.

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Atlantico : Les révélations du quotidien italien La Repubblica sur les agissements d'un éventuel "lobby homosexuel" au sein du Vatican viennent s'ajouter à une série de scandales, avérés ou non, sur la sexualité des prêtres. Cela pourrait-il finir par encourager une réflexion de l'Eglise catholique quant à son rapport au réel ? La réalité sociétale pourrait-elle finir par l'emporter sur le dogme et les considérations d'ordre théologique ?

Kristoff Talin : La sexualité est quelque chose de tabou dans l'Eglise catholique. Je ne pense pas que ce type de scandales changera quoi que ce soit dans la vision du célibat des prêtres.Sur ces questions l’ouverture n’est pas envisageable. On devrait même plutôt assister à une rigidification des normes, particulièrement sur la sexualité, et continuer à nier la réalité des désirs sexuels nourris par les hommes d’Eglise. Dans l’état actuel, même si un nouveau pape va prochainement être nommé, la réalité sociale risque d’être mise de côté.

Pour rappel, en 325, une première tentative de faire reconnaître le célibat des prêtres échoue au concile de Nicée. L'interdiction de se marier après l'ordination est cependant instituée en vertu des traditions de l'Eglise. Malgré tout, cette dernière éprouve de grandes difficultés à imposer le célibat aux prêtres, qui sont nombreux à se marier et à avoir des enfants. Au fil des siècles, la volonté d’un encadrement plus strict du clergé ne faiblit pas. Ainsi, vont se succéder quatre conciles de Latran de 1123 à 1215, qui finiront d’instaurer le célibat des prêtres. Une règle qui sera de plus en plus respectée jusqu’aujourd’hui. 

L'évolution de cette question du célibat des prêtres pourrait résoudre la frustration d'un certain nombre d'entre-eux, mais malheureusement pas la crise de la vocation chez les jeunes. En effet, on observe que chez les pasteurs par exemple, qui peuvent s’unir, il y a également une crise de la vocation. Les traditions sont donc plus fortes que tout changement social.


D'autres éléments du dogme, au-delà du célibat des prêtres, pourraient-ils être remis en question ? 

Pour ce qui est du rapport à l’argent, la situation n’évoluera pas vers un enrichissement personnel car, pour les chrétiens, le bonheur ne réside pas dans la réussite matérielle. En revanche, LE grand changement, pourrait être le sacerdoce des femmes. Il y a tout un mouvement qui va dans ce sens, particulièrement en Amérique du Nord.

L’Eglise se retrouve dans une situation paradoxale : environ 80% des pratiquants réguliers sont des femmes, elles sont aussi nombreuses à avoir des responsabilités dans les paroisses, et ont souvent fait autant d’études que les prêtres en théologie. Mais l’Eglise est une institution patriarcale, le Christ n’a pas voulu de femmes parmi ses apôtres, donc il n’y a pas de raison que les femmes aient une place reconnue dans la religion. Là encore, la tradition prime sur la réalité sociale.

A partir de quel moment peut-on considérer que la situation deviendra ingérable ? 

En Occident, la pyramide des âges des prêtres est catastrophique. En 2010, La Croix révélait que l’âge médian des 14 000 prêtres français était de 75 ans. En 1990, ils étaient plus de 32 000. Il n’y a plus de prêtres, donc le regroupement de paroisses ne suffit plus. Il faut trouver une solution. Pendant un temps, l’Eglise de France pensait que des vocations viendraient d’Afrique, mais leur enthousiasme n’a pas été à la hauteur de nos espérances. A un moment donné, il n’y aura plus de religieux qualifiés pour encadrer le peu de fidèles qui résistent à la crise. Ce serait l’occasion rêvée de faire une place aux femmes qui souhaitent rentrer dans les Ordres. Malheureusement, l’Eglise reste hermétique à cette éventualité. A se demander si elle ne préfère pas perdre, au compte-goutte, ses fidèles. Si cela continue, la messe et l’eucharistie seront des rituels en voie de disparition dans certaines communes.

Comment expliquer l'attachement des catholiques au dogme ?

Les catholiques pratiquants sont des ritualistes, ils ont un attachement certain pour les traditions et, pour eux, les dogmes sont des sortes de protections face aux difficultés du monde actuel. Respecter les principes religieux en matière de sexualité par exemple va éviter aux catholiques les maladies telles que le sida et le recours à l’intervention volontaire de grossesse. Plus ils sont intégrés par la pratique, par le sacrement de pénitence, plus ils créent un cocon familial.

Aujourd’hui, on compte environ 70% de baptisés catholiques parmi lesquels 25% se rendent à la messe plusieurs fois par an et seuls 7 à 8% s’y rendent au moins une fois par mois. Donc quelques 40% des catholiques ne mettent pas un pied à la messe, d’où cette facilité à accepter l’évolution des dogmes. On appelle ce groupe les "catholiques culturels". Ils ont certes reçu le baptême, mais ils sont loin des traditionalistes. On y retrouve les divorcés remariés par exemple, personnes bien évidemment plus susceptibles de voir l’Eglise prendre des mesures pour moderniser les dogmes.

En Afrique et en Asie, le catholicisme a de beaux jours devant lui. En Occident, et principalement en Europe, la situation commence à être véritablement difficile. Les traditions finiront peut-être par user de nombreux catholiques, surtout les catholiques culturels qui font de moins en moins baptiser leurs enfants.

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