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Voilà que la polémique enfle autour des statines, utilisées dans le traitement contre le "mauvais cholestérol".
Voilà que la polémique enfle autour des statines, utilisées dans le traitement contre le "mauvais cholestérol".
©Reuters

Un mal pour un bien ?

Après le scandale des progestatifs de troisième et quatrième générations, voilà que la polémique enfle autour des statines, utilisées dans le traitement contre le "mauvais cholestérol". Dans son ouvrage La Vérité sur le cholestérol (aux éditions du Cherche-Midi), le Pr Philippe Even réfute le lien entre cholestérol et maladies cardiovasculaires.

Xavier  Deau

Xavier Deau

Il est médecin généraliste. Vice-président du Conseil National de l'Ordre des Médecins.

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Atlantico : Après le scandale des progestatifs de troisième et quatrième générations, voilà que la polémique enfle autour des statines, utilisées dans le traitement contre le "mauvais cholestérol". Dans son ouvrage La Vérité sur le cholestérol (aux éditions du Cherche-Midi), le Pr Philippe Even réfute le lien entre cholestérol et maladies cardiovasculaires. Il explique même à qui veut bien l'entendre que les médicaments prescrits sont inutiles. Les médias relaient ainsi de nombreuses informations médicales, parfois sans en mesurer les conséquences... La médecine est-elle "surmédiatisée" ?

Xavier Deau : La médecine, de part certains livres, en particulier des professeurs Debré et Even, est extrêmement "surmédiatisée".  Ce sont des personnages ayant une certaine aura médicale et politique. Ces deux médecins publient dans leurs livres des informations qui ne sont pas contrôlées et qui se révèlent parfois en contradiction avec des références scientifiques, préalablement validées par la Haute Autorité de Santé ou par les collèges de spécialistes. Il est donc clair que ce type d'opposition d'idées contre notre Savoir actuel est préjudiciable au bon suivi des patients. Ce vendredi, lors de mes consultations, quatre patientes m'ont dit qu'elles comptaient arrêter leur statines (médicament pour lutter contre le cholestérol). En effet, elles avaient vu aux informations le Professeur Even déclarer que cela ne servait à rien de continuer ce type de traitement. Un cas n'est pas tous les cas. Ces personnes ont un fort risque cardiaque et c'est ainsi que la "surmédiatisation"  engendre des patients qui préfèrent croire tête baissée les journalistes ou les Professeurs médiatiques plutôt que de s'en remettre à leur médecin afin de confirmer ou d'infirmer l'information reçue dans les médias. C'est clairement dangereux. 

Les journalistes ne font-ils pas trop souvent confiance à des médecins dont les qualifications ne sont pas toujours en adéquation avec le thème de l'article ou du reportage réalisés ?

En France, nous sommes sans aucun doute le pays où les qualifications des médecins et l'enseignement de la médecine sont les plus contrôlés. L'université est responsable de l'enseignement, l'Ordre des médecins est responsable de l'inscription, de la reconnaissance précise des qualifications et de l'autorisation d'exercer. Ce dernier est également responsable du disciplinaire et en cas d'insuffisances voire de fautes, le médecin peut être suspendu. Donc dès qu'il y a un doute sur sa légitimité, l'Ordre en est averti et le médecin en question, représentant un danger, est écarté. En tant que responsable des relations internationales pour l'Ordre des médecins, je constate qu'en France, le filtre qualité est très exigeant, aussi bien au niveau des études que de l'installation de nos médecins. 

Le traitement de l'information, le choix du médecin le plus à même de répondre sur un sujet donné, va varier selon la déontologie du journaliste. Tous n'ont pas en tête la qualité de l'information mais plutôt le sensationnel, le chiffre ! Certains vont choisir de mettre en opposition des théories, de donner du crédit à un médecin plutôt qu'à un autre car il croit révolutionner la question du cholestérol…mais tout cela les égare parfois de la vérité scientifique. Informations dans les médias oui, mais informations vérifiées. Je n'accuse personne. Simplement, dans des émissions très connues notamment sur France5 ou sur M6, les journalistes sont parfois trop peu scrupuleux de la qualité de leurs informations et cherchent à faire scandale.


Quelles peuvent être les conséquences d'une surexploitation de l'information, parfois même d'une information controversée ?

Diffusées par des journalistes ou par des médecins pas assez professionnels, les informations de mauvaise qualité peuvent avoir de très graves répercutions. Certains patients vont abandonner un traitement, peut-être essentiel à leur survie. L'exemple est tout simple, je reçois depuis quelques semaines en consultation des jeunes filles qui ont des pilules de troisième ou de quatrième génération, et qui parce qu'elles sont affolées suite au battage médiatique - rendu aussi possible par certains médecins - autour des éventuels risques de thromboses veineuses, vont arrêter leur pilule. C'est ainsi que l'on a dernièrement abouti à des IVG. C'est un réel phénomène, d'une extrême gravité. Que cette information pousse les patients à être plus vigilants, moins demandeurs de médicaments, c'est une bonne chose. Que cette information amène les médecins à être plus rigoureux dans leur prescription, c'est aussi une bonne chose. Mais tout cela doit être manipulé avec précaution. Je ne condamne surtout pas l'information, je veux juste que les journalistes réalisent que l'information donnée au cours d'enquête, par un médecin qui semble être connu, peut engendrer des conséquences immédiates sur le traitement d'un patient qui fait confiance aux médias. On voit bien que ce n'est pas le ministère de la Santé ni la ministre de la Santé qui mènent la politique de Santé du pays. Rappelez-vous en 2009 la grippe H1N1… On allumait France Info, on regardait le JT de TF1, on ouvrait le canard du coin, dans tous ces supports, la grippe H1N1 et ses risques étaient martelés partout. Cela a engendré un vent de panique et Roselyne Bachelot s'était retrouvée avec trois fois plus de vaccins qu'il n'en fallait. La ministre a eu peur de ne pas être à la hauteur des attentes des Français. Au final, elle a du revendre une partie de ses vaccins à l'étranger. Le pouvoir des médias est réel, c'est pourquoi le respect de la déontologie est capitale. 

Cela dit, la relation médias/médecine est tout à fait nécessaire. De même que les usagers de la médecine ont un droit de regard, et c'est heureux, sur l'exercice de la médecine. C'est le rôle noble de nos journalistes d'expliquer comment on soigne telle maladie, comment on prend en charge tel cancer et quelles sont nos espoirs quant au vaccin de demain. 

Propos recueillis par Mathilde Cambour

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