Mariage homosexuel : derrière les intentions généreuses a-t-on assez vu les dangers idéologiques de la théorie du genre ? <!-- --> | Atlantico.fr
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L'Assemblée nationale va voter mardi le projet de loi sur le mariage homosexuel.
L'Assemblée nationale va voter mardi le projet de loi sur le mariage homosexuel.
©Reuters

Pensée unique

L'Assemblée nationale va voter ce mardi le projet de loi sur le mariage homosexuel, avant que le texte ne soit examiné le mois prochain par le Sénat.

Roland Hureaux

Roland Hureaux

Roland Hureaux a été universitaire, diplomate, membre de plusieurs cabinets ministériels (dont celui de Philippe Séguin), élu local, et plus récemment à la Cour des comptes.

Il est l'auteur de La grande démolition : La France cassée par les réformes ainsi que de L'actualité du Gaullisme, Les hauteurs béantes de l'Europe, Les nouveaux féodaux, Gnose et gnostiques des origines à nos jours.

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Qu’à une ou deux exceptions près, les députés socialistes aient voté comme un seul homme les articles de la loi instaurant le mariage des homosexuels, alors qu’on connaît les réticences personnelles de beaucoup, fait quelque part froid dans le dos.

Que l’on puisse jouer la discipline de parti, au rebours de tout ce qui se fait aujourd’hui en matière sociétale dans les démocraties avancées, dans une affaire qui devrait relever de la conscience de chaque député, jette une lumière inquiétante sur la nature d’un projet que nous n’hésitons pas à qualifier de pré-totalitaire.

L’ expression paraîtra sans doute exagérée à beaucoup mais elle se justifie si on considère la mécanique politique et intellectuelle qui le sous-tend.  

Un projet qui ne vise pas, on l’aura compris, à résoudre les problèmes réels de "certaines catégories de personnes". Ces problèmes, sociaux, fiscaux, successoraux, à supposer qu’ils n’aient pas été réglés par le pacs, déjà  très généreux, pourraient l’être, de toute façon, sans bouleverser l’ensemble du droit de la famille. 

Le projet vise, tout le monde le sait, à imposer par la loi une doctrine officielle et radicalement nouvelle dans un domaine fondamental de la condition humaine qui est celui du rapport de l’homme et de la femme.

Cette doctrine, c’est la théorie du genre : elle pose, non pas l’égalité comme on l’imagine, mais, ce qui n’est pas la même chose, l’équivalence stricte,  la fongibilité, l’interchangeabilité de l’homme et de la femme. Le projet de loi originel rayait de nos codes, dans cette logique, toute mention d’une  distinction des sexes ; les parlementaires sont provisoirement revenus là-dessus, mais l’objectif demeure : "deux pas en avant, un pas en arrière", disait  Lénine.

Qu’un tel projet ne soit pas conforme à la nature, est-il nécessaire de le démontrer ? Mais les idéologues qui le promeuvent récusent la notion de nature. La nature ainsi remise en cause n’est d’ailleurs pas seulement la nature humaine mais quelque chose de bien plus ancien puisque la reproduction sexuée, merveille de l’univers, date de près d’un milliard d’années.

Il  y a plus : faisant violence à la nature, le projet fait aussi violence à la langue, institution immémoriale. Avant de changer la nature, la loi se propose  de changer le sens des mots. A commencer, par le mot "mariage".

De quelque manière qu’on retourne  la question, le mariage a été, depuis toujours, défini comme une relation entre un homme et une femme.   

Littré : Union d'un homme et d'une femme consacrée soit par l'autorité ecclésiastique, soit par l'autorité civile, soit par l'une et l'autre.

Académie française : Union légitimed'un hommeetd'une femme, formée par l'échangedesconsentements que recueille publiquement le représentant del'autorité civile.

Fait de culture, la langue entretient cependant une relation particulière avec la nature : comme elle, elle n’a pas eu besoin de l’Etat pour se constituer. Et pour cela sans doute, une bonne langue exprime "naturellement" les choses. Cela est  particulièrement vrai de la langue française : le vieux Boileau faisait du naturel une règle fondamentale du style. Tout le contraire de la langue de bois idéologique. 

Tel qu’il a été institué dans les différentes civilisations, le mariage n’est sans doute pas un fait de nature mais il n’en répond pas moins aux exigences de celle-ci. Il est ainsi en étroite corrélation avec les particularités de la reproduction humaine qui exigent un homme et une  femme, certes, mais aussi un temps de maturation du petit d’homme et donc une stabilité familiale plus longs que chez les autres espèces animales.

Et par là, le mariage sert d’abord à régler la filiation. Si le plaisir sexuel n’avait rien à voir avec la reproduction des hommes, l’institution du mariage serait inutile. Des tas de gens éprouvent un immense plaisir à manger et boire ensemble ; pourtant aucune institution publique n’a jamais encadré les amateurs d’agapes, et heureusement.   

En appelant mariage ce qui n’en est pas un au regard tant du dictionnaire que d’usages ancestraux, le projet de loi Taubira effectue donc un véritable coup d’Etat linguistique. En posant l’équivalence de la relation homme/femme et des relations homme/homme et femme/femme et donc l’équivalence homme/femme elle-même, le projet de loi, dans  la mesure où, en réalité, cette équivalence n’existe pas, vise à instituer un mensonge officiel.

Ce mensonge officiel se prolongera dans des mensonges particuliers : un couple homosexuel pourra dire à un enfant adopté ou porté par autrui que celui qui n’est pas son père est son père, que celui qui n’est pas sa mère est sa mère. Au risque, est-il nécessaire de le rappeler, de le perturber gravement.

La loi veut d’abord forcer le sens des mots. Mais c’est pour forcer le réel : comme dieu, le législateur idéologue veut recréer le monde par les mots : "Au commencement était le Verbe", "Il dit et cela fut". Pour faire coller le nouveau sens des mots avec le réel, la loi forcera donc aussi la nature, par les techniques que l’on connaît : procréation médicalement assistée pour homosexuelles, recours à la gestation pour autrui, lesquelles devront être, selon la loi, tenues pour strictement équivalentes de la procréation naturelle.

Viol de la langue, viol de la nature. De cette situation résultent trois effets que l’on retrouve dans toute démarche totalitaire :

D’abord le caractère révolutionnaire. S’inscrivant en rupture avec la nature, la loi s’inscrit aussi en rupture avec le passé ; elle disqualifie donc ce passé, tenu selon l’expression de Marx pour une longue préhistoire, le temps où on pensait encore naïvement qu’un homme et une femme n’étaient pas interchangeables dans le processus reproductif ! Un temps marqué par l’ignorance, les préjugés, la discrimination ! C’est donc à une véritable mutation de la civilisation que l’on nous invite, d’autant qu’il n’est pas nécessaire d’avoir lu Freud pour savoir à quel point la sexuation est centrale dans toute culture.

Cette mutation signifiera, n’en doutons pas, une nouvelle disqualification du passé, de la mémoire collective, de l’histoire des hommes et même, à terme, de la culture dans son ensemble : qu’au cours de plusieurs siècles de création artistique, hommes et femme ne se soient pas habillés de la même manière sera interprété non comme une chose naturelle et encore moins l’effet de la civilisation, mais comme la marque d’un passé révolu : en les emmenant au musée, il faudra expliquer au enfants que tout cela est terminé.

Ensuite le caractère obsidional et terroriste.

Si le changement de civilisation qu’on se propose d’imposer par la loi est si considérable, il définit un avant et un après. Ceux qui se réfèrent à la nature sont de l’avant ; ils sont du passé ; ils sont "réactionnaires". Ils ne méritent donc aucune indulgence. Au mieux, ils seront tenus pour de braves bêtes à rééduquer, comme certains n’hésitent pas à le suggérer[1]. Rééducation, camps de rééducation : autre nom des camps de concentration. 

Cet avant et cet après discriminent le réactionnaire du progressiste. N’en doutons pas, le jour où des idéologues inventeront qu’il est mieux de marcher sur les mains, ceux qui s’y opposeront seront tenus pour des réactionnaires !  

Sur fond de philosophie historiciste où ce qui advient est toujours mieux que ce qui était, la mutation est ainsi sa propre justification et à ce titre justifie les procédés d’intimidation terroriste. 

Circonstance aggravante : au fond d’eux-mêmes, les idéologues savent qu’ils ont tort et que, quoi qu’ils prétendent, la nature existe. Ils savent par conséquent que l’idéologie qu’ils prétendent imposer rencontrera des résistances. Avant même que ces résistances se manifestent, ils se savent en état de siège, en position obsidionale. Ils savent  par conséquent, qu’il sera difficile de faire comprendre au peuple, tenu pour près de la nature, pour naturellement "conservateur", l’intérêt de la mutation qu’ils se proposent de lui imposer. S’il y a des opinions contraires, elles ne sauraient donc être débattues de manière normale. Sachant bien que ces opinions contraires ont avec elles la nature, la raison,  l’histoire, les idéologues répugneront à les affronter à la loyale. Ils ne pourront que les vilipender avec violence, insulter ceux qui les professent, notamment en dénonçant leur caractère supposé réactionnaire. C’est, de manière plus ou moins ouverte, ce que à quoi nous assistons aujourd’hui dans les médias.

Significatif est le climat de haine qui s’y instaure vis à vis des opposants à ce projet, tenus pour "homophobes" que le site du parti socialiste a entrepris de ficher. Une haine et un manque d’objectivité qui passent  toutes les bornes dans les radios et télévisions de service public, lesquelles   devaient pourtant refléter sereinement l’ensemble des points de vue.

Témoin d’une dangereuse dérive : la falsification grossière du nombre des manifestants hostiles au projet qui ont défilé le 13 janvier. Certes, les décalages entre les communiqués officiels et ceux des organisateurs ont toujours existé mais jamais à notre connaissance, l’écart n’a été tel.

Ainsi l’idéologie, comme toute doctrine contraire à la nature et à l’histoire, porte avec elle l’intolérance, l’impatience, l’intimidation.

La révolution bolchevik avait prétendu supprimer la propriété, le marché et le sentiment religieux, réalités naturelles elles aussi : elle ne put le faire que  par la terreur.

Il va de soi que si la loi n’outrepassait pas son domaine normal qui est d’organiser la vie en société ou l’économie, si elle n’ambitionnait pas une transformation prométhéenne de l’un ou de l’autre des fondamentaux de la nature humaine, elle n’aurait pas besoin de tels moyens.      

C’est précisément parce que le mariage de deux personnes du même sexe est un projet idéologie que le parti socialiste – et la caste médiatique qui est sur ce sujet en symbiose avec lui, se cabrent.

Le troisième caractère découlant de prémisses que nous avons vues, c’est la police des mots.

Puisque pour forcer la nature, on aura, au moyen de la loi, trafiqué le sens des mots, il faudra veiller à ce qu’une fois la loi votée, le naturel ne revienne pas au galop. Que la population comprenne bien que le mariage entre un homme et une femme n’est plus qu’un cas particulier, que la gestation pour soi et la gestation par autrui sont rigoureusement équivalents, que la notion de papa et de maman sont des réalités culturelles toutes relatives.

Pour cela deux instruments.

D’abord la justice. Déjà, elle poursuit toute mise en cause publique de la stricte équivalence morale ou sociale de l’hétérosexualité et de l’homosexualité, au  nom de la loi du 18 mars 2003 votée à la suite d’une fausse agression homophobe, qui s’est avérée une manipulation. C’est en partant de faux attentats (ainsi l’incendie du Reichstag du 27 février 1933 ou l’assassinat supposé de Kirov le 1er décembre 1934) que les machines totalitaires se mettent en place. Attendons-nous à ce que, si la loi est votée, la répression policière et judiciaire de tous ceux qui mettront en cause le nouveau dogme se renforce à tous les niveaux. Malheur à qui ne parlera pas la langue de bois ! "Il vient toujours une heure dans l'histoire où celui qui ose dire que deux et deux font quatre est puni de mort." (Albert Camus).

La justice, et l’école. Comme la vérité sort de la bouche des enfants, c’est eux que visera en priorité la propagande officielle. Lutte contre l’homophobie renforcée et désormais entendue de manière large : toute entorse à la théorie tombera sous ce chef. Si l’enfant dit que le roi est nu alors que la loi a dit qu’il était habillé, malheur à l’enfant. Les livres de littérature, d’histoire, de sciences naturelles (pour ces derniers, on a déjà commencé sous Sarkozy !) devront être réexaminés. Le dictionnaire lui-même sera révisé en fonction des nouvelles théories. Puis la grammaire : le masculin et le féminin ne structurent pas seulement la famille, mais la langue : aujourd’hui le Dalloz, demain le Bled ! La novlangue, selon l’expression prémonitoire de George Orwell, n’est pas loin. 

L’administration jouera aussi son rôle : depuis l’institution du pacs les documents administratifs portent la mention Mariés/Pacsés pour bien affirmer la normalité du pacs. Les mêmes documents ne porteront non plus M. et Mme mais, pour inculquer la nouvelle vérité officielle, des catégories neutres, telles parent 1 et parent 2. Les maires à qui François Hollande a laissé croire qu’ils pourraient pratiquer l’objection de conscience déchanteront : l’admettre serait remettre en cause toute l’édifice idéologique.

De fil en aiguille, à partir de cette donnée apparemment circonscrite que constitue le droit du mariage, c’est  toute la société qui se trouvera infectée par l’esprit de mensonge, l’idéologie et la langue de bois. C’est toute tout la société qui s’habituera à obéir, contrainte et forcée, au mensonge idéologique officiel, aujourd’hui dans ce domaine, demain dans d’autres, après-demain dans tous.

C’est pourquoi nous pensons que dès lors que le projet de loi Taubira s’en prend à la langue, à la nature, et à une histoire multimillénaire, elle porte en germe un nouveau  totalitarisme[2]. Cette  dérive, c’est ce que nous voulons à tout prix éviter. Le combat que nous menons, ce n’est pas d’abord un combat pour la religion, ni pour la morale, même pas pour le respect de tous les enfants, c’est  d’abord un combat pour la liberté.  



[1] Par exemple, Marianne.fr du 14 janvier 2013 – article de Maurice Szafran

[2] Cf. Roland Huntford, Le nouveau totalitarisme, 1971, essai sur la société suédoise.

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