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La diplomatie européenne 
n'est pas en faillite, elle n'existe pas
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Désunion

Alors que le conseil des 27 dirigeants européens se réunit à Bruxelles ce jeudi, l'intervention libyenne révèle l'inexistence de toute politique étrangère commune. Pour Jean-Thomas Lesueur, de l'Institut Thomas More, que la diplomatie européenne ait un chef en la personne Catherine Ashton n'y change rien.

Jean-Thomas Lesueur

Jean-Thomas Lesueur

Titulaire d'un DEA d'histoire moderne (Paris IV Sorbonne), où il a travaillé sur l'émergence de la diplomatie en Europe occidentale à l'époque moderne, Jean-Thomas Lesueur est délégué général de l'Institut Thomas More

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L’intervention en Libye via les forces de l’OTAN marque-t-elle une faillite de la diplomatie européenne ?

On ne peut pas vraiment parler de « faillite » puisque, à mes yeux, la diplomatie européenne n’existe pas… Il ne peut pas y avoir de diplomatie, pas plus que d’armée, là où il n’y a pas de pouvoir réellement structuré, unifié ni souverain. Je sais bien que le Service d’action extérieure de l’UE vient d’être créé : mais « l’outil ne fait pas le maçon », comme on dit !... Il ne peut y avoir de diplomatie structurée, ayant des valeurs à porter et des moyens de défendre ses intérêts, là où il n’y a pas de volonté politique claire exprimée. Sur l’affaire libyenne, les pays européens ayant exprimé des divergences profondes, la démonstration est éclatante.

Je le répète donc : il n’y a « faillite » que si l’on pense, un peu naïvement selon moi, que l’Europe existe en tant qu’acteur politique international de plein droit et de plein exercice. Qui pense cela ? En tout cas pas les autres grandes puissances mondiales, comme la Chine, la Russie ou les Etats-Unis, qui s’adressent aux capitales européennes, et pas à Bruxelles, quand il y des enjeux du type de l’affaire libyenne, je veux dire la guerre ou la paix.

On parle de l’OTAN dans cette affaire, pas de l’Europe de la défense. La Libye est pourtant à nos portes…

L’OTAN, c’est ce qui fonctionne. L'Europe de la défense, à ce stade, tant qu’il n’y aura pas, d’une manière ou d’une autre, de pouvoir souverain européen, sera largement une fiction ou un fantasme…

Il y a bien des coopérations, des agences, des articles dans les traités, mais l’Europe de la défense bute naturellement sur un problème de haute politique : au service de quel pouvoir se mettrait-elle ? Et puis, il y a la question des moyens : si les Européens veulent une Europe de la défense, qu’ils y mettent les moyens ! Aujourd’hui, seuls deux pays font des efforts budgétaires un peu conséquents pour avoir un outil de défense qui se maintienne : la France et le Royaume-Uni. Pour le reste, c’est peut-être méritoire et utile mais on est loin du but (1).

Vous savez, comme dit Jean-Sylvestre Mongrenier, il ne faut pas « confondre l’Europe de la défense et la défense de l’Europe ». « L’Europe de la défense », aujourd’hui, c’est un objectif à très long terme et un mot magique à très court terme. « La défense de l’Europe », que cela plaise ou non, c’est l’OTAN.

Peut-on toutefois parler d’une faillite du couple franco-allemand, sachant que l’Allemagne ne participe pas à la coalition ?

Je ne crois pas. Sur les questions de défense et de sécurité, le couple franco-allemand n’a jamais été vraiment moteur. Ce n’est pas nouveau. Il faut se demander si la France et l’Allemagne ont la même lecture du monde… Je ne répondrai pas péremptoirement à la question mais j’ai des doutes. L’Allemagne réunifiée est une puissance continentale, largement tournée vers l’est. Le partenariat énergétique russe est primordial pour elle. Elle ne néglige évidemment pas l’Europe et le partenariat français mais enfin son centre de gravité est sans doute assez à l’est… On aurait tort de croire que pour les Allemands, le couple franco-allemand est un couple d’amoureux ! C’est sans doute plutôt un mariage de raison…

Et puis, vous savez, le couple franco-allemand est surtout valable pour les questions économiques et sociales, pour le pilotage des institutions européennes. En matière de défense, le partenaire de la France est plutôt le Royaume-Uni.

(1)    Pour une analyse en profondeur, voir L'Europe de la défense un an après le traité de Lisbonne : état des lieux et perspectives, Note de Benchmarking de l’Institut Thomas More, octobre 2010, disponible sur http://www.institut-thomas-more.org/fr/actualite/l-europe-de-la-defense-un-an-apres-le-traite-de-lisbonne-etat-des-lieux-et-perspectives.html.

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