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Syrie : les raisons du bombardement israélien
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Attaque surprise

L'incident diplomatique provoqué par le bombardement d'une cible militaire syrienne par l'aviation de Tsahal est révélateur de la stratégie israélienne face aux évolutions géopolitiques de la région.

Jean-Baptiste Beauchard

Jean-Baptiste Beauchard

Jean Baptiste Beauchard est rattaché à l'IRSEM (Institut de Recherche Stratégique de l'Ecole Militaire), spécialisé dans le Liban et sa région. 

Auteur du blog Géopolitique du Proche-Orient, il est également membre du collectif de blogueurs Alliance géostratégique (AGS).

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Atlantico : Un avion de Tsahal a violé mercredi dernier l'espace syrien pour y bombarder des objectifs militaires. Quel peut-être l'intérêt d'Israël dans cette manoeuvre ?

Jean-Baptiste Beauchard : Il y a un paradoxe dans la position israélienne dans le sens où ses objectifs de court terme et de long terme contrastent : D'un côté il y a la peur immédiate de voir l'arsenal de Bashar Al Assad tomber dans les mains de son allié du Hezbollah et c'est surement ce qui a dicté l'action de mercredi dernier ; de l'autre on trouve l'affaiblissement du régime syrien qui risque de favoriser les milices islamiques prêtes à le remplacer, ce qui peut sembler aussi inquiétant pour Israël bien que ce scénario lui apparaisse moins alarmant à l'heure actuelle.

Dans un premier temps la Syrie était effectivement considérée comme le « meilleur ennemi » que pouvait avoir l'Etat Hébreu et ce bien que les deux nations soient officiellement en guerre depuis 1973. C'est ce qui a pu expliquer l'inquiétude d'Israël aux débuts des Printemps Arabes, les stratèges de Tsahal calculant que le Hezbollah, moins prévisible, sortirait renforcé d'un écroulement du gouvernement d'Assad. Cette position a néanmoins évolué, et l'on estime désormais qu'une victoire des rebelles en Syrie provoquerait par effet de domino un affaiblissement de l'arc chiite auquel appartiennnent le Hezbollah libanais et le régime iranien, qui restent pour l'instant les ennemis prioritaires.

Y'a t-il des risques d'escalade à l'échelle régionale et internationale ?

Je pense qu'il ne faut prendre l'incident au pied de la lettre, et ce sur les deux plans :

  • Au niveau régional, on peut affirmer que le processus décisionnel qui a conduit Israël à mener ces frappes va à l'encontre même d'une logique d'escalade de sa part. Le but a été de circonscrire l'intervention à une attaque ponctuelle destinée à assurer sa sécurité face à l'eventualité d'un transfert d'armes entre la Syrie et le Hezbollah. L'attaque similaire du site ¨nucléaire syrien de Deir Ezzor en 2007 est ainsi un précédent révélateur de cette stratégie. Nous ne sommes en aucun cas face à une volonté d'escalade de la part de l'Etat Hébreu. Le silence radio des politiques locaux le démontre d'ailleurs très bien : personne ne souhaite ici rajouter de l'huile sur le feu en faisant des déclarations publiqes. Cela arrive à chaque fois qu'Israël mène des petites frappes ciblées sans vouloir que l'opération ne prenne des proportions diplomatiques trop importantes, bien que ce soit le cas actuellement. Une escalade entre les deux pays ne pourrait s'imaginer que dans le cas d'une attaque syrienne sur Israël, ce qui ne risque logiquement pas d'arriver sous peu.
  • Sur le plan international, je pense qu'il faut relativiser les réactions de l'Iran, des Etats-Unis et de la Russie. On peut parler d'une escalade verbale mais plus difficilement de menaces claires témoignant d'une réelle volonté d'engagement de la part des grandes puissances. Ainsi récemment une délégation diplomatique israélienne présente en Russie à fait part de ses craintes quant aux risques de tensions et la réponse des officiels russes n'a pas été aussi froide qu'on aurait pu l'imaginer. Par ailleurs l'Iran et la Russie semble aujourd'hui avoir admis l'idée qu'ils allaient perdre l'alliée syrien et qu'il faudrait composer avec cette nouvelle donne. Cela limite de facto le risque d'escalade étant donné le peu d'intérêts qu'auraient ces deux pays à aller trop loin dans leur soutien à un régime de plus en plus isolé.

Le secrétaire de la Ligue Arabe a récemment condamné le bombardement. Peut-on en conséquence s'attendre à une radicalisation des acteurs-clés de la région ?

La réaction de la Ligue Arabe est la aussi paradoxale dans le sens où elle se retrouve obligé de se ranger du côté des syriens sur cette affaire alors que la plupart des pays membres (sunnites) sont dans les faits très satisfaits des raids israélies contre le Syrie (pays chiite dirigé par une minorité alaouite, ndlr). On peut donc parler d'un relatif isolement diplomatique pour Israël actuellement bie qu'officieusement il y ait une certaine connivence entre l'Etat Hébreu et plusieurs régimes arabes sur la nécessité d'affaiblir le régime de Bashar El Assad.

Les versions s'opposent sur le lieu de la frappe, les officiels syriens affirmant qu'un laboratoire militaire aurait été visé tandis que d'autres évoquent un camion transportant des armes chimiques. Qu'en sait-on concrètement ?

Cela reste à authentifier mais il est en tout cas difficile d'imaginer qu'elle se soit faite sur des cibles détenant des armes chimiques, puisque le risque de répercussions nocives liés à l'explosion seraient ici bien trop grand, y compris pour les voisins de la Syrie dont Israël fait bien sur partie. Il s'agit donc plutôt d'une frappe visant des armes conventionnelles qui auraient pu être destinées au Hezbollah.

Propos reccueillis par Théophile Sourdille

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