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Carlos Ghosn, patron de Renault.
Carlos Ghosn, patron de Renault.
©Reuters

Haro sur le patron

Dans l'émission Preuves par trois, sur Public Sénat, Jean-Luc Mélenchon a déclaré vouloir "changer le patron de Renault-Nissan parce qu'il a fait preuve de son inefficacité absolue".

Pascal Perri

Pascal Perri

Pascal Perri est économiste. Il dirige le cabinet PNC Economic, cabinet européen spécialisé dans les politiques de prix et les stratégies low cost. Il est l’auteur de  l’ouvrage "Les impôts pour les nuls" chez First Editions et de "Google, un ami qui ne vous veut pas que du bien" chez Anne Carrière.

En 2014, Pascal Perri a rendu un rapport sur l’impact social du numérique en France au ministre de l’économie.

Il est membre du talk "les grandes gueules de RMC" et consultant économique de l’agence RMC sport. Il commente régulièrement l’actualité économique dans les décodeurs de l’éco sur BFM Business.

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Atlantico : "Je pense qu'il faut changer le patron de Renault-Nissan parce qu'il a fait preuve de son inefficacité absolue", a déclaré mardi Jean-Luc Mélenchon dans l'émission Preuves par trois, sur Public Sénat. Des résultats en baisse au dernier trimestre, mais un patron qui est le deuxième mieux payé de France. Au nom de quoi pourrait-on exiger le départ de Carlos Ghosn ?

Pascal Perri : Au nom de rien. Seul le Conseil d’administration peut mettre un terme aux fonctions du dirigeant. Tout le reste n’est que proclamation. Nous sommes en plein dans l’effet de manche politique pour donner le change à une partie de l’opinion et des forces sociales de l’entreprise. Au passage, tout ce qui affaiblit le management affaiblit l’entreprise, la marque, sa réputation et ses emplois. Jean Luc Mélenchon gère son positionnement à gauche du gouvernement, ses relations avec les forces sociales du pays, il ne gère pas la politique industrielle du gouvernement.

Sa politique est-elle vraiment inefficace ?

Renault appartient à un groupe qui comprend plusieurs marques. Dans les années 1990, le marché de l’automobile est entré dans une nouvelle ère. Les anciennes démocraties populaires ont accédé au libre marché, la Chine et l’Inde sont entrées dans la mondialisation. De nouvelles classes moyennes ont émergé et la taille critique du marché a changé. Le marché s’est dilaté. Le pari du Président Schweitzer s’est porté sur les produits « entrée de gamme » avec la marque DACIA. Les Logan et leurs petites sœurs ont permis à Renault Nissan de rester au contact du nouveau marché et de préserver son résultat. Carlos Ghosn a  poursuivi cette politique d’ouverture et a évité le KO technique.Reste le problème de la gamme Renault, pas assez innovante, mal adaptée aux attentes des consommateurs du monde. Là, il y a des erreurs de positionnement. Nos voitures moyenne gamme sont concurrencées par des modèles allemands ou coréens, plus complets, mieux équipés et souvent moins chers. Renault engage la transition. Renault Nissan n’est pas une embarcation rapide, mais un gros paquebot difficile à manœuvrer. Une partie des forces sociales de l’entreprise refuse obstinément les nouvelles règles du marché. Mais, il n’y a, à ce stade, aucune alternative que le libre échange. 

Le chiffre d’affaire de Renault-Nissan s’élève à 8,447 milliards d’euros pour le troisième trimestre 2012. Soit une baisse de 13,3% par rapport à la même période en 2011. Comment faire la part des choses entre une mauvaise conjoncture et des mauvais choix stratégiques ?

La conjoncture est mauvaise en Europe. Nous sommes passés de 17 millions de voitures vendues par an à seulement 11. En Chine, les chiffres de vente s’envolent. Les courbes chinoises et américaines se sont croisées depuis longtemps. Quels sont les besoins de ces nouvelles classes moyennes de la mondialisation ? Le marché s’est creusé par le centre. Il ressemble à un grand U. A l’entrée du marché, beaucoup de volumes pour des prix très bas, une grande dépression au centre du U où les modèles intermédiaires sont en difficulté et enfin une demande significative sur la partie droite du grand U pour des produits très valorisés. Renault a mieux résisté que d’autres à cette bipolarisation du marché grâce à ses modèles low cost. Nissan présente des résultats honorables en dépit de vents contraires : tassement de la demande et Yen trop fort. On peut aimer ou non Carlos Ghosn, on peut avoir besoin d’une tête pour des raisons politiques, mais la politique du groupe est stable et respectable. Il faut attendre de savoir si le pari sur l’électrique sera profitable. C’est une équation à plusieurs variables dont certaines sont très politiques et ne dépendent pas du groupe. 

Le ministre de l’Economie et des Finances, Pierre Moscovici a invité le PDG de Renault-Nissan, Carlos Ghosn à modérer son salaire, ce lundi sur l’antenne de France Info. Hier, Arnaud Montebourg, ministre du Redressement Productif rejoignait cet avis. S’il s’exécutait, cela permettrait-il d'apaiser les esprits ?

Il y a beaucoup d’hypocrisie dans ce débat sur la rémunération des dirigeants. Symboliquement, Carlos Ghosn pourrait lui même prendre l’initiative. Ça ne changerait rien au fond, mais c’est un signal qui serait le bienvenu. Sur le fond, il y a un principe simple à respecter si on est attaché à la liberté des affaires : l’Etat est actionnaire de Renault. Il vote au conseil d’administration. C’est la loi des sociétés qui dicte les règles. La rémunération du dirigeant est votée en conseil. La règle de la majorité l’emporte. 

L’Etat, actionnaire principal du groupe automobile à hauteur de 15%, peut-il intervenir dans le choix d’un nouveau directeur afin de le remplacer ?

Comme je viens de vous le dire, l’Etat actionnaire peut s’exprimer à hauteur de sa part dans la géographie du capital. Mais en même temps l’Etat n’est pas un actionnaire neutre. Il dispose de nombreux leviers pour convaincre les autres actionnaires assis à la table du conseil. J’y vois même un conflit d’intérêt évident, de nature à peser sur la sincérité des votes. Renault est une entreprise du patrimoine industriel français. En France où on attend tout (et souvent trop) de l’Etat, tout est possible. 

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