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Egypte, printemps amer : un homme, un vote... mais une seule fois
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Leçon de démocratie

Pourquoi l’exercice du droit de vote en Egypte, acquis il y a seulement deux ans, risque de ne devenir qu’un souvenir...

Ardavan Amir-Aslani

Ardavan Amir-Aslani

Ardavan Amir-Aslani est avocat et essayiste, spécialiste du Moyen-Orient. Il tient par ailleurs un blog www.amir-aslani.com, et alimente régulièrement son compte Twitter: @a_amir_aslani.

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Vendredi dernier était le second anniversaire du renversement de Hosni Moubarak dans cette Egypte qui, des pharaons à Nasser en passant par les Pachas n’a connu que la dictature. On se souvient tous des images de cette jeunesse en délire, remplie d’espoir, qui manifestait place Tahrir début 2010. Cette révolution qui dura à peine plus de deux semaines avec son lot de 800 morts était censée marquer la renaissance de cette vieille terre, son inéluctable marche vers une démocratie participative. Or, les incidents de cette fin de semaine à Port Saïd, Ismailiya et Suez le démontrent, l’Egypte n’a pas fini de se déchirer. Elle se fait attendre cette démocratie égyptienne trop vite annoncée et encore plus vite avortée.

Le gouvernement islamiste de Morsi semble considérer que tous les droits lui sont permis pour avoir, à un faible pourcentage, remporté les élections. Ainsi, pour les frères musulmans, dès lors que les suffrages se sont exprimés, la dictature de la majorité peut commencer et avec elle son lot d’exactions. Sous la bannière verte du parti islamiste, la constitution fut changée sans que les formations laïques et chrétiennes coptes puissent valablement y participer. La Charia y fut enracinée. La loi l’emporta sur la justice et le droit sur l’éthique. C’est ainsi que deux ans après sa chute, Moubarak n’est toujours pas condamné pour plus de trois décennies de népotisme et l’armée dont les mains sont entachées du sang versé Place Tahrir n’a vu aucun de ses dirigeants condamné. Par contre, le pouvoir n’a pas hésité à condamner une vingtaine de supporters d’une équipe de foot locale de Port Saïd à la peine capitale pour les débordements meurtriers d’un match de football. Elle sait être efficace, cette justice égyptienne lorsqu’il s’agit de punir la population d’une ville dont des dizaines de milliers d’habitants revendiquaient l’indépendance ce dimanche.

Et comment faire comprendre à ces Frères Musulmans que la démocratie est d’abord et avant tout le respect des minorités, fussent-elles politiques ou religieuses. Qu’il faut construire la confiance de la population dans des institutions qui n’ont été et ne sont que d’outils entre les mains de pouvoirs corrompus. Quelles leçons convient-il de tirer d’un Président qui s’octroie les pleins pouvoirs et qui remet au goût du jour l’état d’urgence, synonyme de tant de haine et d’injustice sous le pouvoir Moubarak dont les différents mandats n’ont fait que garantir la pérennité de cet état d’urgence pendant plus de trente ans. En effet, aujourd’hui comme hier sous Moubarak, l’armée peut arrêter et incarcérer sans jugement la population civile. Morsi continue de confondre le droit de l’Etat avec l’état de droit.

Le recours du pouvoir à la force ces derniers jours, ayant causé une centaine de morts, présage mal de l’avenir et de la façon avec laquelle les Frères Musulmans envisagent d’exercer le pouvoir. Les pleins pouvoirs, l’état d’urgence, l’armée tirant à balles réelles sur des civils, des arrestations arbitraires, des chars dans les rues, elle a un drôle de visage cette démocratie des Frères. A ce rythme-là, l’exercice du droit de vote en Egypte, un acquis si récent, risque de ne devenir qu’un souvenir. Effectivement, les égyptiens ont arraché ce droit, il y a deux ans, des mains d’un régime qui faisait continuellement élire Moubarak avec plus de 95% des voix d’élections en élections.

Ils ont obtenus que leur vote compte. Une fois ! Une fois seule !

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