Florence Cassez est libre mais est-on bien sûr qu'elle est innocente ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Florence Cassez a été accueillie en grande pompe à l'aéroport de Roissy ce jeudi, notamment par le ministre des Affaires étrangères et le ministre des Transorts.
Florence Cassez a été accueillie en grande pompe à l'aéroport de Roissy ce jeudi, notamment par le ministre des Affaires étrangères et le ministre des Transorts.
©Atlantico

Dossier complexe

Alors qu'au Mexique, on s'étonne ou on s'offusque de la libération soudaine de la Française depuis mercredi soir, en France les médias et hommes politiques ont rapidement évacué la question de sa culpabilité.

À son arrivée en France, Florence Cassez a déclaré à la presse que grâce à cette libération, "J'ai été innocentée". Ce n'est pas l'avis de la presse mexicaine et encore moins de la Première chambre de la Cour suprême du Mexique qui a ordonné par trois voix sur cinq, mercredi 23 janvier au soir, la libération immédiate de la Française, enfermée dans les geôles mexicaines depuis 7 ans, en raison de la violation de ses droits constitutionnels lors de la procédure.

"Elle s'en va, libre mais pas innocentée." Ce titre d'un article du quotidien El Universal, en dit long sur le départ précipité vers la France de Florence Cassez jeudi 24 janvier. Florence Cassez a été élevée au rang d'une Ingrid Betancourt, ou encore d'un Dreyfus (par Yves Duteil en personne). Elle a été accueillie en grande pompe par Laurent Fabius et Frédéric Cuvillier, ministre délégué aux Transports à l'aéroport de Roissy. Sa mère a reçu la visite de Valérie Trierweiler mercredi soir. L'ancienne détenue et sa famille seront reçus à l'Elysée ce vendredi à 19 heures. La France s'emballe les médias aussi. La presse mexicaine leur rappelle que Florence Cassez n'a pas été innocentée.

"Selon de nombreux Mexicains et probablement la majorité, Florence Cassez est coupable et devrait rester en prison. Ils sont offusqués par cette décision. Le problème c'est que ceux qui ont jugé la Française l'ont fait sans preuve fiable. Les autorités judiciaires ont bafoué les droits de l'accusée, et vicié tout le processus judiciaire. Et cela, dans n'importe quel pays qui se revendique de la démocratie libérale et constitutionnelle, donne le droit à une personne de sortir libre. Peut-être que la Française est effectivement coupable. Mais cela ne justifie pas que ses droits aient été violés comme ceux de tous les Mexicains d'ailleurs", écrit l'éditorialiste Leo Zuckerman dans les colonnes du quotidien généraliste Excelsior. Selon l'éditorialiste le message que veut envoyer la Cour suprême, est qu'elle défend les droits de tous les Mexicains à un procès équitable. C'est donc un message politique qui contribue à consolider la démocratie au Mexique.

Tous n'acceptent pourtant pas d'évacuer la question de la culpabilité de la Française. A commencer par la veuve d'un homme enlevé par le gang, Michelle Valadez, à qui l'on a envoyé l'oreille de son défunt mari et qui a hurlé "assassin, assassin" lors du passage du convoi qui emmenait Florence Cassez après sa libération. Dans Excelsior, un autre éditorialiste, Jorge Fernandez Menéndez, s'interroge : "Florence Cassez est libre… Etait-elle coupable ?". Il reconnaît que "l'on peut dire, de façon sensée, que les violations des droits de Florence Cassez dans la procédure suffisent à la libérer sans se demander si elle est ou non coupable". "Mais il ne devrait pas en être ainsi, estime-t-il. Ce qu'il faudrait faire, c'est éliminer les preuves qui n'étaient pas déterminantes pour établir sa culpabilité, et, à partir de là, organiser un nouveau procès pour décider si Florence doit ou non rester en prison (...) Ce que nous ne saurons jamais, à cause de cette décision, c'est si Florence Cassez est coupable ou pas (...) Non seulement certaines victimes, pour qui, la Française est coupable, n'obtiendront jamais justice, mais aussi, elle devront souffrir de voir à la télévision ou même au cinéma la personne qu'elles considèrent comme leur ravisseuse et agresseur, rendue célèbre."

El Universal publie une tribune de Maria Elena Morera, présidente de l'ONG Causa en comun engagée pour la promotion de l'Etat de droit. Selon elle la décision de la libération de la Française pourrait être perçue comme inégalitaire. Dans le même journal, deux avocats pénalistes accusent la justice mexicaine : "Une bonne procédure judicaire doit satisfaire les deux parties et la société, résument-ils. A l'inverse, celle de Cassez ne laisse que des doutes, des zones d'ombres et des questions de tous les côtés." Et pourtant depuis le moment où cette affaire est devenue médiatique et politique, il y a longtemps qu'elle est sortie du simple champs judiciaire et qu'elle ne peut satisfaire tous les partis...

Retour sur un dossier complexe aux multiples ressorts diplomatiques, politiques, judiciaires et médiatiques et qui dure depuis 7 ans : 

8 décembre 2005. Florence Cassez, une Française de 29 ans originaire de Béthune (Nord) venue en 2003 rejoindre son frère à Mexico, est arrêtée avec son compagnon Israël Vallarta. Il se dit vendeur de voitures mais serait, selon la justice mexicaine, le chef d'un gang, Los Zodiaco, spécialisé dans les enlèvements ultra-violents.

9 décembre 2005. La police judiciaire fédérale met en scène devant des caméras de télévision leur arrestation.

27 avril 2008. Florence Cassez est condamnée à 96 ans de détention pour quatre enlèvements, association de malfaiteurs et possession d'armes. La peine effective est alors de 20 ans.

3 mars 2009. En appel, la peine totale passe à 70 ans mais comme la peine maximale au Mexique est de 60 ans, la peine effective de Florence Cassez triple pour passer à 60 ans.

9 mars 2009. Les présidents français Nicolas Sarkozy et mexicain Felipe Calderon s'accordent pour qu'un groupe de travail juridique binational étudie un éventuel transfèrement de Florence Cassez en France. Trois mois plus tard, un transfert dans une prison française est refusé par le président Calderon en personne.

18 avril 2010. Le parquet mexicain reconnaît que la police a menti en faisant croire que la Française avait été arrêtée en direct le 9 décembre 2005.

30 août 2010. Pourvoi en cassation.

30 novembre 2010. Un ex-procureur général du Mexique s'affirme "convaincu" de "l'innocence" de Florence Cassez, tout comme l'Eglise catholique mexicaine.

10 février 2011. La Cour de cassation rejette le recours de Florence Cassez.

14 février 2011. Le gouvernement mexicain se retire de l'Année du Mexique en France, après la décision du président Sarkozy de "dédier" cette manifestation à Florence Cassez.

7 mars 2011. Son avocat dépose un recours en révision pour inconstitutionnalité devant la Cour suprême du Mexique.

7 mars 2012.  Le rapporteur de la Cour suprême propose la libération "immédiate et absolue" de Florence Cassez, en raison du non-respect de ses droits durant l'instruction.

21 mars 2012. La première chambre de la Cour suprême rejette une libération immédiate, mais doit de nouveau se réunir en l'absence de majorité.

10 mai 2012. Florence Cassez "doit être libérée", estime Olga Sanchez Cordero, la juge de la Cour suprême du Mexique en charge du dossier.

20 juin 2012. Le président François Hollande dit au président Calderon qu'il fait "toute confiance à l'indépendance de la justice mexicaine".

2 juillet 2012. Le successeur de Calderon, Enrique Peña Nieto, dit vouloir "reconstruire la relation avec la France".

9 janvier 2013. La juge Olga Sanchez transmet à ses collègues une nouvelle proposition d'annulation de la condamnation de la Française avec renvoi devant la cour d'appel.

23 janvier 2013. La Cour suprême du Mexique décide la libération immédiate de Florence Cassez, désormais âgée de 38 ans et emprisonnée depuis plus de sept ans, en raison de la violation de ses droits dans la procédure.

24 janvier 2013. Retour de Florence Cassez en France.

Marie Théobald

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