Mariage : l'équation qui permet de savoir si un couple va durer ou pas

Comment faire durer un mariage ? Si personne n'a vraiment la réponse, au grand dam de tous ces amoureux qui souhaitent tant une fin heureuse, de nombreuses études se sont en revanche penchées sur l'équation qui permet de savoir si un mariage va durer.

Laissons de côté les nombreuses variables – âge, historique marital, sex appeal des époux… – mises en avant par Garth Sundem et John Tierney pour déterminer combien de temps deux célébrités pourront rester mariées avant un probable divorce qui fera la une de tous les magazines people pour nous intéresser à la fameuse formule trouvée dans les années 1970 aux Etats-Unis et souvent reprise par la suite.

Pas besoin d'être un génie des mathématiques ou des sciences sociales pour l'appliquer puisque la formule magique ne consiste en fait qu'en une soustraction : la fréquence des rapports sexuels moins la fréquence des disputes. Un résultat positif indique un mariage épanouissant, tandis qu'un résultat négatif montre un mariage dont la durée devrait être limitée.

L'étude sur les couples mariés réalisée par l'Université de Missouri-Kansas City indique ainsi que 28 des 30 couples qui se disent heureux font plus souvent l'amour qu'ils ne se disputent. Au contraire, 12 couples qui se prétendent malheureux se chamaillent plus qu'ils n'ont de rapports sexuels. Les résultats de cette étude ont par la suite était corroborée, notamment par les chercheurs américains John Howard et Robyn Dawes.

Cette équation semble pourtant trop simple pour être vraie. Plusieurs chercheurs l'ont d'ailleurs remise en question expliquant qu'une corrélation n'est pas la même chose qu'un phénomène de cause à effet. En effet, ce n'est pas parce que les couples heureux font plus souvent l'amour qu'ils ne se disputent, et l'inverse pour les couples malheureux, que cela signifie nécessairement qu'avoir des rapports sexuels réguliers entraîne un long mariage. Les études sur le sujet sont en effet nombreuses. La scientifique Paige Harden de l'Université du Texas aux États-Unis a par exemple assuré au mois d'octobre dernier que les personnes qui attendent plus longtemps pour perdre leur virginité seront plus heureuses dans leur couple.

Toujours est-il que l'équation confirmée par John Howard et Robyn Dawes peut aider les couples à savoir s'il y a un problème dans leur mariage et donc essayer d'en trouver la cause.

Pour éclairer ces notions, voici l'interview de François de Singly, sociologue spécialiste de la famille, de l'éducation et du rapport entre les hommes et les femmes.

Des chercheurs prétendent que l'équation "fréquence des rapports sexuels moins fréquence des disputes" peut indiquer si un mariage va durer ou non. Qu'en pensez-vous ?

François de Singly : Je pense qu'il y a bien des gens qui perdent du temps à calculer n'importe quoi ! Il faudrait déjà supposer qu'il y ait un modèle universel et que l'on puisse parvenir à une formule, ce qui est vraiment absurde. En plus ces deux éléments [les relations sexuels et les disputes] ne vont pas nécessairement ensemble.

D'abord historiquement le mariage n'est pas obligatoirement le lieu de la sexualité ; ainsi dans le mariage bourgeois, la sexualité de l'homme se fait entièrement à l'extérieur [du couple]. De plus dans un certain nombre de  couples modernes, la vie sexuelle n'est pas forcément centrale non plus.

Quant au nombre de disputes, c'est un indicateur de communication au sein d'un couple, mais on peut communiquer sans se disputer. Donc de toute façon les deux indicateurs n'ont pas forcément de relations entre eux et ne sont pas forcément le support de la vie conjugale. Bien sûr, on peut toujours démontrer n'importe quelle corrélation et avoir un air savant...

Quels sont selon vous les critères pour qu'un mariage dure ?

Dans le mariage, tout comme dans la vie conjugale des concubins, le plus important c'est d'être reconnu pleinement comme une personne. Lors de cette interview, je suis reconnu comme un sociologue, on peut être reconnu comme un collègue, mais vous n'êtes jamais reconnu que pour certaines dimensions de votre identité… seul votre conjoint vous reconnait pour l'ensemble de ce que vous êtes, et c'est primordial. Même au niveau des relations amicales, on peut avoir des amis pour la musique, des amis pour le sport etc. Pour que votre conjoint vous "valide", il faut beaucoup de conversation et de temps, mais c'est une fonction qui est centrale dans nos sociétés. Ce n'est pas compliqué : lors des entretiens, c'est une des raisons principales évoquées en cas de divorce. Les gens ont besoin d'avoir à côté d'eux quelqu'un qui les soutient, qui les aide et qui les reconnaît.

Mais attention, il n'y a pas de critères universels du mariage et de son bon fonctionnement. Par exemple à Mayotte, les couples ne fonctionnent pas en fonction de ce que je viens de vous dire puisqu'ils n'ont pas la même définition de la conception de l'identité de chacun.

La fréquence des rapports sexuels dans un couple marié est-elle à ce point importante ? Que peut-on en effet dire des couples âgés dont les rapports sexuels baissent grandement et qui restent pourtant ensemble ?

Il y a effectivement une diminution des pratiques sexuelles au sein du couple en fonction de l'âge et de la durée de la vie de couple. On peut penser que la place de la pratique sexuelle n'est pas la même tout au long de la vie. Pour qu'un couple fonctionne il faut qu'il ait des pratiques communes. La sexualité fait partie des choses qui peuvent être communes (et qui le sont pour la plupart), en particulier au début, et ensuite soit l'activité sexuelle continue soit il faut que le couple le remplace par autres chose, par d'autres pratiques communes.

Je pense que le couple se définit par de la reconnaissance et par du commun. Pour qu'un couple vive, il faut qu'il ait toujours des pratiques communes, qu'elle soit sexuelles ou non, ce n'est pas l'important. Les pratiques communes sont très variées, c'est passer du temps ensemble, apprécier une bonne série, sortir, aller au restaurant etc. Mais ce n'est pas uniquement passer du temps ensemble dans la routine, chacun sur son téléphone ou sur Internet. C'est exactement  comme dans une famille : on ne peut avoir de bonnes relations avec ses enfants que si on leur accorde du temps, sinon il ne se passe rien et il n'y aura pas de vraie relation.  Dans la famille moderne, il y aune exigence : ça ne suffit pas d'être père, ou d'être conjoint. Il y a un prix, un prix pas forcément désagréable d'ailleurs : c'est consacré du temps.