François Hollande : l'homme qui parle pour ne rien dire<!-- --> | Atlantico.fr
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Le vrai changement est survenu pendant les fêtes de fin d'année : François Hollande s'est converti à la communication.
Le vrai changement est survenu pendant les fêtes de fin d'année : François Hollande s'est converti à la communication.
©Reuters

VOST

Le vrai changement est survenu pendant les fêtes de fin d'année : François Hollande s'est converti à la communication. C'est le seul moyen qu'il a trouvé pour répondre aux critiques qui l'accusent d'immobilisme.

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

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Alors que pendant six mois, François Hollande a pensé qu’un président « normal » se devait d’être rare, il s’est aperçu qu’en étant rare, il laissait l’espace médiatique à ses détracteurs qu’ils soient de sa famille ou d'ailleurs. Il est donc redescendu dans l’arène, dans la rue, dans l’entreprise, et même - caricature - à Rungis au point de «singer» Nicolas Sarkozy.

Si les français n’ont pas compris que leur président travaillait d’arrache-pied et qu’il avait demandé à ses collaborateurs de ne pas prendre de vacances c’est qu’ils sont autistes ou que leur écran plasma ne fonctionnait pas.

Plus déterminé que jamais, François Hollande a, le 1e janvier, convoqué ses ministres pour un séminaire de travail. Il a annoncé qu’il allait faire la guerre au chômage, puis demandé à chacun de chasser l’emploi dans son administration tout en étant solidaire de l’action gouvernementale. On a failli trembler. On s’est dit que le Président avait changé, qu’il avait enfin conscience de la gravité de la situation, qu’il avait un plan de bataille pour booster les entreprises, alléger l’impôt sur les créateurs de richesse, on s’est dit qu’il avait des munitions pour l’emploi et enfin une stratégie de reforme.

On s’est dit beaucoup de choses positives jusqu’à ce que l’on apprenne la nomination d’un conseiller à la communication chargé non seulement de conseiller le Président dans sa parole publique mais aussi de coordonner l’ensemble de la communication des ministres. Claude Sérillon va évidemment devenir un personnage incontournable, donc courtisé.Mais il doit quand même se souvenir qu’à chaque fois que la communication politique a été gérée par des ex-journalistes, elle a tourné au fiasco. Pas besoin d’avoir vu « Borgen » formidable série TV d’origine danoise pour le savoir.

Mais globalement, le changement à l’Élysée si changement il y a, va se résumer à de la communication. Et la « com », ça marche si on a quelque chose à vendre si non ça tourne dans le vide. C’est comme la pub. Elle est bonne si le produit est bon.

Les ministres qui ont assisté aux deux séminaires sont beaucoup moins convaincus du changement. Ils sont un peu désabusés. D’abord il y en a beaucoup qui commencent à se demander ce qu’ils sont venus faire dans cette galère. Ça fait six mois qu’ils se promènent dans une voiture avec chauffeur à Paris. Au début ça impressionne la famille mais aujourd’hui, ils ne cessent pas de se faire engueuler dans leur section locale parce que ça n’avance pas.

Les plus ambitieux, ou les plus cyniques, ont compris les vagues consignes de prudence verbale mais entendent bien continuer à protéger leur propre marché politique. Manuel Valls est bien décidé à rester le ministre le plus populaire du gouvernement. Arnaud  Montebourg a beaucoup ricané. Il sait que la carrière au PS se prend par la gauche. Il restera donc à l’extrême gauche. Pierre Moscovici dont le métier serait pourtant de proposer les réformes les plus audacieuses ne fera pas de vague en attendant de se mettre à l’abri à la tète de la zone Euro. Ainsi va la vie du gouvernement.

Hollande va très vite mettre en application ses bonnes résolutions. Il va continuer de parler. Ce samedi, il rendra hommage à Pierre Mendes-France, à son pragmatisme, son sens de la rigueur mais il oubliera sans doute que PMF avait surtout le sens de la modernité social-démocrate, de la reforme et du courage pour l’imposer. La semaine prochaine, le Président visitera le pôle aéronautique de Bordeaux. Le problème pour les équipes de l’Élysée, qui préparent la communication de ce voyage, c'est qu'il leur sera difficile de faire croire que le secteur est nouveau. L’aéronautique comme secteur clé, ça date quand même du général de Gaulle. Accessoirement, il faudra aussi que le Président se frotte au pape de l’aéronautique française, Serge Dassault, qui lui est en guerre permanente contre les 35 heures et l’ISF, donc contre les socialistes responsables de «tous ces dérèglements». Pourvu que  Serge Dassault n’en profite pas pour annoncer son exil fiscal. Il est capable de tout. D’autant que côté Rafale, avec toutes les restrictions budgétaires, il n’attend plus rien du pouvoir.

Selon les partenaires sociaux qui se préparent eux aussi à l’occasion des vœux aux forces vives à être mobilisés contre le chômage, «le verbe sera fort et ferme mais l’action gouvernementale restera molle, quand on pense qu’à Nantes quelques hystériques sont en passe de faire capoter un projet d’aéroport étudié depuis plus de dix ans et qui serait indispensable au développement du grand Ouest.»

Et c’est bien le problème de François Hollande. Ces bonnes résolutions tomberont à l’eau si elles ne sont pas portées par un chef qui a des convictions fortes. La solidarité gouvernementale ne se décrète pas dans un communiqué de l’Elysée. C’est le chef qui la cimente.

Or, son comportement naturel qui lui font éviter tout conflit ajouté à la pression de ses détracteurs au sein même de sa majorité l’empêcheront toujours de faire les reformes qui s’imposent pour gagner cette guerre de l’emploi.

François hollande est attendu sur tous les fronts :

Sur le front de l’Europe, où on ne pourra pas toujours vivre à l’abri de l’Allemagne, utiliser sa garantie sans en payer le prix par un fédéralisme accru. Quand on pense que le PS a été le moteur de l’union européenne ; il en est aujourd’hui le boulet.

Sur le front industriel, où le crédit d’impôt compétitivité est nécessaire mais pas suffisant. Il faudra bien définir les secteurs prioritaires du développement à commencer par celui de l’énergie. Comment se fait-il que le monde entier se prépare à exploiter le gaz de schiste que nous, sous la pression de quelques écolo-romantiques et ignorants, on reste les bras croisés ? Quand on pense que la gauche a été l’artisan de la planification sectorielle, elle en est aujourd’hui l’incapable. François Hollande doit quand même se souvenir qu’il a soutenu Michel Rocard (plus social-démocrate que lui) qui a accepté de diriger le commissariat au plan. Le plan à l’époque défendait la liberté d’entreprendre.

Sur le front fiscal, où la pression est telle qu’elle décourage les acteurs de tous efforts supplémentaires de créer de la richesse. La gauche a inventé l’impôt à assiette large. « Je préfère un petit impôt payé par tout le monde plutôt qu’un gros impôt payé par les seuls riches » Joseph Caillaux n’était, certes, pas communiste. Mais, on ne peut pas dire que celui que le Figaro avait pris comme cible ait été de droite. Pierre Mendes-France aussi a écrit des choses intéressantes sur la surfiscalité. Quant à Voltaire, qui a été choisi par François Hollande et ses amis comme parrain de promotion à l’ENA, il s’était réfugié à Ferney pour fuir, le cas échéant, la justice française en passant la frontière. Quand on lui demandait pour quelles raisons il n’était pas parti directement de l’autre côté, il répondait que la Suisse à l’époque avait institué l’impôt sur la fortune. A cette époque, les riches s’exilaient de Suisse pour s’installer en France. Depuis la Suisse a compris qu’elle avait besoin des riches. Le gouvernement français, non !

Sur le front social aussi, ou sous le prétexte de préserver une négociation syndicale, on s’empêche de mettre en place une flexibilité du travail qui a débloqué les créations d’emplois partout où on l’a appliquée. On attend que les syndicats Français fassent le travail comme en Allemagne. Sauf que les syndicats français ne sont pas comme en Allemagne. Leur intérêt n’est pas de négocier. Leur intérêt est de protéger leurs positions à court terme.

Sur le front budgétaire enfin, où il serait urgentissime de dire les administrations qui vont devoir faire des économies, on ne fait strictement rien. On a promis à nos banquiers internationaux, 20 milliards d’économie de fonctionnement par an. On n’a pas encore trouvé le premier euro.

La situation est surréaliste. François Hollande a admis que nous traversions une des crises les plus graves de l’histoire. Il a reconnu qu’il fallait consentir des efforts considérables. Il a confirmé que ces efforts devaient être partagés, que les entreprises devait améliorer leur compétitivité (ce qu’elles font quotidiennement) que les plus riches allaient payer plus d’impôts (ce qu’ils acceptent à condition que les taux ne soient pas confiscatoires) mais on ne sait toujours rien des efforts qui seront faits dans les collectivités locales, les administrations et les entreprises publiques.      

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