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Louis-Georges Tin : Pourquoi je manifeste pour le mariage homosexuel
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Battre le pavé

Louis-Georges Tin, initiateur de la journée mondiale contre l'homophobie et la transphobie, sera dans la rue ce dimanche pour affirmer son soutien au mariage pour tous mais aussi à l'ouverture de la Procréation médicalement assistée (PMA) aux couples homosexuels.

Louis-Georges  Tin

Louis-Georges Tin

Louis-Georges Tin est un militant français impliqué dans la lutte contre l'homophobie et le racisme.

Il est le fondateur de la Journée mondiale contre l'homophobie et la transphobie, célébrée chaque année, le 17 mai, dans plus de 100 pays à travers le monde. Il est aussi le président du Cran, le Conseil Représentatif des Associations Noires.

Il a publié plusieurs livres, dont le Dictionnaire de l'homophobie (PUF, 2003) ; L'Invention de la culture hétérosexuelle (Autrement, 2008) ; et Le Pacte : pour en finir avec les discriminations (Autrement, 2012).

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Atlantico : Ce dimanche les partisans du mariage pour tous défileront dans les rues pour affirmer leur soutien au projet de loi et plus largement pour l’égalité des droits pour les homosexuels. Rejoindrez-vous les cortèges des manifestants ? Pourquoi ?

Louis-Georges Tin : Je serai sur place avec mon compagnon parce que nous souhaitons nous marier. J’y serai également pour des raisons philosophiques. C’est une marche pour l’égalité, pour la démocratie, pour la justice. C’est un moment historique et c’est pour cela que nous serons, lui et moi, dans les rues ce dimanche.

Quels sont les enjeux de ces manifestations ? Pourquoi est-ce important d’y aller ?

Ce n’est pas tous les jours que des avancées de cette nature se produisent. La question du mariage pour tous engage les fondements mêmes de notre démocratie. Les forces de la réaction et les forces du progrès sont toutes deux très mobilisées. C’est une loi historique. On nous prédit la décadence, la fin du monde, l’apocalypse : on nous avait déjà prédit cela au moment du Pacs -on se serait cru en plein Moyen Âge. Les opposants au mariage pour tous sont décrédibilisés, ils mènent un combat d’arrière-garde -et ils le savent. Dans peu de temps, nous rirons d’eux, et eux, nombreux sont ceux qui auront honte de leurs positions passées -j'en prends les paris. A l’image de ce qui s’est passé avec le Pacs, d’ici quatre ou cinq ans à peine, on se demandera : "Comment pouvait-on être contre le mariage des personnes de même sexe en 2012 ?"

De l’Afrique du Sud au Canada, en passant par la Belgique, l'Espagne, le Portugal, la Suède, l’Islande, l’Uruguay et l’Argentine, etc… Dans le monde, de nombreux pays ont déjà légiféré en ce sens et l’égalité des droits progresse.

Est-ce d’autant plus important que de nombreux mouvements se sont créés en opposition à ce projet de loi ?

Bien sûr. Les religieux peuvent penser ce qu'ils veulent. Mais nous sommes dans un pays laïc. La loi ne se fait pas selon la Bible, le Coran, la Torah, ou Dieu sait quoi ! Elle se fait selon des principes démocratiques d'égalité. Et quoi qu’en disent les participants de ces mouvements, ils sont homophobes. Au fond, qu’est-ce que l’homophobie ? J’ai dirigé le Dictionnaire de l’homophobie aux Presses universitaires de France, et je suis arrivé à cette définition toute simple. Le sexisme, c’est le refus de l’égalité entre hommes et  femmes, l’antisémitisme c’est le refus de l’égalité entre Juifs et non-Juifs, l’homophobie c’est le refus de l’égalité entre homosexuels et hétérosexuels. Toutes les personnes qui disent : "je ne suis pas homophobe mais je suis contre le mariage", comme Jospin ou Sarkozy, ne font que manifester la confusion mentale ou la mauvaise foi qui sont les leurs.

Peut-on être contre le mariage gay sans pour autant être homophobe ?

Non. Il y avait autrefois des pays où Noirs et Blancs ne pouvaient se marier librement. Etait-ce du racisme ? Il y a encore aujourd'hui des pays où les femmes ne peuvent se marier librement. Est-ce du sexisme ? Il y a encore aujourd'hui des pays où les homosexuels ne peuvent se marier librement. Est-ce de l'homophobie ? A toutes ces questions, je répons oui. Trois fois oui.

Pensez-vous  qu’une forte mobilisation, ou à l’inverse une faible mobilisation pourrait faire basculer l’opinion ? Sommes-nous à un moment charnière ?

Je ne crois pas, je pense qu’il y a une dramatisation évidente des positions, mais je n’ai pas de doutes particuliers sur les convictions de la majorité à l’Assemblée. Si j’ose dire : la messe est dite. L’enjeu finalement porte plutôt sur la question de la PMA, car nous avons assisté à une reculade de Monsieur Hollande.

Ce n’est pas la première : je l'avais rencontré en mai, et il s’était également engagé à ce que la France porte une résolution auprès des Nations unies sur la dépénalisation universelle de l’homosexualité avant le mois de novembre. Or, il ne l’a pas fait. C'est un mensonge de plus, hélas. Sur la PMA, il y a lieu de se mobiliser.


De fait, sur la PMA, la position du gouvernement est complètement incompréhensible. Je pense même que si cette loi n’est pas votée en incluant la PMA pour les couples homosexuels, le gouvernement se mettrait en grand danger. En effet, n’importe quel couple de lesbiennes pourrait porter plainte pour discrimination et gagnerait très vraisemblablement. Si la PMA demeure accessible uniquement aux couples hétérosexuels mariés, il y aura une discrimination évidente. On ne peut prétendre se battre pour l’égalité, tout en faisant voter une nouvelle discrimination !

Sur l'homoparentalité, je voudrais évoquer un exemple édifiant. En 2002, le Parlement québécois était dominé par une majorité plutôt conservatrice. Les députés étaient a priori opposés à l'homoparentalité. Dans l'intérêt de l'enfant, ils ont voulu rencontrer les familles concernées. Ils pensaient sans doute trouver des enfants traumatisés, pervers, ou hystériques. Et ils ont trouvé des enfants comme les autres, avec leurs peines et leurs joies. Et ils se sont posé la question, en leur âme et conscience : ces enfants, faut-il les retirer à leurs pères ou mères, les mettre à la rue ou à l'orphelinat ? Ne faudrait-il pas plutôt les laisser à leurs parents, en leur donnant simplement la reconnaissance juridique à laquelle ils ont droit, comme tous les enfants ?


Croyez-le ou non, à la fin, tous ces députés ont voté pour la reconnaissance de l'homoparentalité, à l'unanimité ! Pourtant, le sujet semblait peu consensuel. Mais le ministre de la justice a expliqué ce vote : il y avait d'un côté, des prêtres, qui tenaient un discours de haine, a-t-il indiqué. Et il y avait de l'autre des familles, qui tenaient un discours d'amour. Nous avons voté pour l'amour...

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