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Dette publique : 40 ans de déni psychologique... et ça continue
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Editorial

Depuis la présidence de Valéry Giscard d'Estaing, la dette publique de la France est passée de 20% du PIB à 80% et va sans doute atteindre 90% en 2014.

Alain Renaudin

Alain Renaudin

Alain Renaudin dirige le cabinet "NewCorp Conseil" qu'il a créé, sur la base d'une double expérience en tant que dirigeant d’institut de sondage, l’Ifop, et d’agence de communication au sein de DDB Groupe.

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L’Europe se félicite d’un accord sur la dette grecque, se fixant comme objectif 124% d’endettement ramené au PIB en 2020 (!). De l’autre côté de l’Atlantique, les Etats-Unis repartent pour un round de négociations entre Démocrates et Républicains pour s’autoriser un nouveau plafond d’endettement. Ceci 18 mois après que la Chambre des représentants début août 2011 et le Sénat ont autorisé 16 400 milliards de dollars de dette publique. Ces derniers jours des économistes ont évalué un manque à gagner de 200 milliards de consommation en cas de relèvement des impôts. Pour le premier moteur de la croissance, il est donc toujours utile que l’Etat s’endette encore davantage.

De notre côté nous sommes dans le même piège budgétaire. Notre dette publique à nous (même si personne n’a le sentiment qu’elle lui appartienne) s’élevait à 86% du PIB en 2011, 82,3% en 2010, 79,2% en 2009, l’année du grand saut avec 11 points de plus qu’un an plus tôt (68,2% en 2008). Il faut ensuite remonter à 2002 pour passer sous le seuil des 60% (58,8%), vous vous souvenez le seuil de Maastricht. L’accord n’aura finalement été que peu appliqué, mais prévoyait principalement (entre autres critères) de rester sous ce taux de 60% de dette publique ramenée au PIB et 3% de déficit public annuel. On estimait à l’époque cette équation tenable. C’était bien sur sans compter le ralentissement de la croissance et la profonde crise dans laquelle nous sommes englués.

Rétrospectivement cette crise a bon dos car la croissance, grâce à laquelle nous imaginions compenser, c’est à dire nous autoriser, ce déficit public chronique connaissait un ralentissement depuis plusieurs décennies : 1,4% pour les années 2000 ; 1,9% pour les années 90 ; 2,3% pour les années 80 ; 4,1% dans les années 70 et 5,9% dans les années 60. Seulement voilà, le sursaut de la fin de la décennie 90 autour de 3% de croissance annuelle nous a fait rêver. Mais dès 2001, nous étions retombés à 1,8%, et 0,9% en 2002 et 2003, bien avant les subprimes et cette terrible année 2009 à -2,7% de croissance.

Dès lors, l’absence de croissance ne pouvait plus permettre de contenir l’essor de la dette publique que rien d’autre ne venait réduire : on écope moins vite que le bateau ne coule. La dette publique s’est donc envolée, passant de 60% à plus de 80% en une décennie. Mais le mal est bien plus ancien que la période récente. Sur une autre décennie, de 1981 à 1991, la dette était passée de 21% à 36%, et, encore plus fort, avait bondi à 60% pendant la décennie suivante, qui s’autorise gentiment un déficit annuel moyen de 6% par an.

Ce qui frappe ces dernières années, c’est l’atteinte de taux en valeur absolue que nous estimions intenables il y a peu, et l’incapacité chronique des Etats à juguler l’hémorragie, tout en affirmant depuis longtemps que c’est un mal à combattre. L’exemple le plus récent et le plus frappant concerne bien sûr François Fillon qui déclarait le 24 septembre 2007 "je suis à la tête d’un Etat qui est en situation de faillite sur le plan financier", expliquant au passage que l’Etat était dans cette situation de déficit chronique depuis 15 ans. En réalité depuis plus longtemps encore, car la référence en matière d’appel, souvent politically incorrect, en matière de bonne gestion budgétaire, c’est bien sur Raymond Barre, qui, dès septembre 1976 (soit 30 ans avant François Fillon !), livrait une explication simple aux difficultés économiques : "La France vit au dessus de ses moyens. Les revenus augmentent plus vite que la production. Le crédit est distribué de manière trop abondante. Les dépenses de l’Etat excèdent ses recettes et le déficit du budget sera cette année (76) de 15 milliards de Francs, un progrès versus le déficit de l’an dernier (74) de 35 milliards de Francs" (en 2011, le déficit budgétaire s’élevait à 90 milliards d’euros). En 1987, candidat à la présidentielle de 88, notre "meilleur économiste de France" déclarait la même chose.

Une sorte d’hyperconscience politique et collective de la maladie budgétaire assortie d’une observance molle du traitement thérapeutique. La maladie devient chronique, on s’habitue à vivre avec, et faute de solutions acceptables (c’est-à-dire confortables) on en banalise l’enjeu, comme le déni psychologique d’un mal qu’on ne veut pas traiter.

Depuis la présidence de Valéry Giscard d’Estaing, la dette publique de la France est passée de 20% de son PIB à 80% et va sans doute atteindre 90% en 2014. Avec 50 milliards d’euros de remboursements par an, le coût de la dette est devenu le deuxième budget de l’Etat.

Du côté américain ou de celui de l’Europe, aucune perspective ne permet d’imaginer un seul instant que les Etats soient capables de sortir de cet endettement chronique. D’ailleurs la dette mutualisée et collective est en train de devenir la première pierre sur laquelle se bâtit l’Europe fédérale, quel signe encourageant !

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