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La Chine a-t-elle toujours le monopole des terres rares ?
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Monopolisateur

La Chine détient 95% des terres rares dans le monde, une ressource stratégique notamment pour la production des nouvelles technologies. Cette situation est-elle amené à durer ? Y a t-il un risque pour les entreprises occidentales ?

Florent Detroy

Florent Detroy

"Florent Detroy est journaliste économique, spécialisé notamment sur les questions énergétiques, environnementales et industrielles. Voir son site."
 
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La crise aidant, on en aurait presque oublié que la Chine produit encore 95% des terres rares dans le monde. Souvenez-vous, les terres rares sont cet ensemble de 17 métaux qui sont la clé d’un grand nombre de technologies comme les voitures électriques et les turbines d’éoliennes. Les terres rares ont quitté le champ médiatique tout simplement parce que les prix ont plongé depuis le printemps 2011

Alors que les experts revenaient régulièrement sur le danger d’une pénurie pour nos industries, cette chute brutale a fait s’évaporer tous les craintes et les fantasmes que cette pénurie avait créés. La cause de cette baisse, ce sont les efforts des minières hors Chine pour relancer l’exploitation. Etats-Unis, Australie, Madagascar, Malaisie… de nombreux projets ont été lancés. Ils annoncent la fin de la domination chinoise. Et effectivement, la part de la production hors de Chine devrait croître dans les années à venir.

Malgré les efforts, la part de la chine dans la production de terres rares restera considérable ....

Source : Dudley Kingsnorth/Industrial minerals Co of Australia

Pourtant, on se rend compte que la part de la Chine dans la production de terres rares va rester considérable dans les années à venir. Il n’est pas sur que les tentatives de diversifications des importations de ses clients suffisent à réduire le poids de la Chine sur le marché…surtout que Pékin a démontré récemment qu’il n’avait pas l’intention de perdre cette emprise.

S’il est un pays qui a réellement souffert de la mainmise de la Chine sur les terres rares, c’est le Japon. Temple de la technologie, son accès aux terres rares est vital pour son économie. 90% de ses approvisionnements venaient jusqu’à récemment de Chine. En 2010, à la suite d’une crise diplomatique entre Tokyo et Pékin sur la souveraineté des iles Senkaku, l’économie japonaise avait vu ses importations de terres rares en provenance de Chine se réduire. Depuis, le pays a véritablement parcouru le monde pour diversifier ses importations et réduire sa dépendance vis-à-vis de la Chine. Plusieurs pays sont désormais des partenaires des groupes nippons :

  • Le Kazakhstan : L’entreprise japonaise Sumitomo a signé un accord avec le géant kazakh de l’uranium Kazatomprom pour former une joint-venture, Summit Atom Rare Earth Company (SARECO), qui mettra en production un gisement de terres rares à Stepnogorsk. Il produira notamment du dysprosium et du néodyme, éléments essentiels pour la fabrication des aimants permanents.
  • L’Inde : La branche trading de Toyota, Toyota Tsusho, a conclu il y a quelques jours un accord avec une compagnie indienne pour acheter 4 100 tonnes de terres rares par an. C’est à peu près 10% de la consommation de terres rares chinoises.
  • Le Canada : Toyotsu Rare Earth Canada, une filiale de Toyota Tsusho, a signé un accord avec la minière canadienne Matamec Exploration pour posséder une part dans le gisement de terres rares de Kipawa. Ce gisement présente l’avantage de posséder des terres rares « lourdes », c’est-à-dire les terres rares les plus rares.

Résultat, Yukio Edano, le ministre de l’Economie, du commerce et de l’industrie, a annoncé lundi 12 novembre que le Japon ne comptera plus qu’à hauteur de 50% sur la Chine pour ses importations d’ici mi-2013. Mais cette diversification n’empêchera pas la Chine de peser sur les prix des terres rares. Le pays n’a d’ailleurs pas hésité récemment à prendre des mesures destinées à freiner la baisse des prix.

.... Et elle entend bien rester la vigie du marché

Les groupes chinois de terres rares ont été frappés durement par la baisse de la demande, du fait de la diversification japonaise et d’une demande globale en berne. Le leader du secteur Baotou Steel Rare-Earth a affiché au troisième trimestre 2012 une chute de 90% de ses résultats comparés au troisième trimestre 2011 !

La firme a ainsi annoncé qu’« afin de stabiliser le marché et équilibrer l’offre et la demande, Baotou arrêtera ses opérations de fonderie et de séparation [des divers métaux entre eux] à partir du 23 octobre ». Le mouvement a été suivi par la compagnie Aluminum Corporation of China’s Jiangsu ce mois-ci, qui a également décidé d’arrêter ses activités.

Pékin a également décidé d’intervenir directement sur le marché. Les autorités ont annoncé qu’elles allaient imposer de nouvelles règlementations en matière de sécurité des installations aux compagnies productrices. Cette décision doit permettre de relever les prix, car elle va entraîner la fermeture et la modernisation de 20% des firmes chinoises. Si l’on ajoute les effets de la constitution de stocks stratégiques de terres rares par Pékin, on peut affirmer que la Chine devrait au minium réussir à stabiliser les prix des terres rares. Selon les médias chinois, les prix auraient même commencé à remonter.

La stabilisation des prix des terres rares est une bonne nouvelle pour toutes les petites minières qui sont actuellement engagées dans le développement d’un gisement hors de Chine. L’exploitation des terres rares reste cependant long, coûteux, et risqué d’un point de vue environnemental. Le projet d’exploitation hors Chine le plus avancé, celui de Lynas en Malaisie, se heurte d’ailleurs périodiquement à des blocages politiques qui retardent le projet. Les minières installées au Canada sont les mieux placées pour profiter de la remontée des cours, car elles bénéficieront à l’inverse de l’expérience du pays dans les activités minières et la stabilité de sa législation.

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