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Le décollage de l'Occident a entraîné le déclassement de la civilisation musulmane
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Gagnant-perdant

Jean-Louis Harouel explique comment le monde musulman s'est trouvé dépassé par une civilisation chrétienne occidentale qui a connu un progrès fulgurant. Extrait de "Le vrai génie du christianisme" (2/2).

Jean-Louis  Harouel

Jean-Louis Harouel

Jean-Louis Harouel est agrégé des Facultés de droit, professeur émérite à l’Université Paris II. Il est auteur prolifique d’ouvrages de droit, d’économie, d’histoire et notamment de Culture et contre-culture (1994). Il a également publié Le vrai génie du christianismeLes droits de l’homme contre le peuple (DDB), et Revenir à la nation (J.-C. Godefroy)

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Le fait que ce soit la civilisation chrétienne occidentale et non la civilisation musulmane qui ait inventé le progrès technique et le développement économique est d’autant plus étonnant que la première souffrait au départ d’un très lourd handicap par rapport à la seconde, laquelle partait avec une colossale avance. En effet, elle a directement bénéficié d’un prodigieux capital intellectuel, auquel la chrétienté occidentale n’a eu accès que bien plus difficilement et beaucoup plus tard. Car l’islam s’est emparé de la partie restée riche et hautement civilisée du monde antique, tandis que sa partie occidentale européenne avait été appauvrie et désorganisée par les crises politiques et économiques ainsi que par deux siècles de conquête par les barbares. Le christianisme s’est trouvé pour une bonne part cantonné dans la partie barbarisée et déculturée du monde romain. Il se trouvait dans une situation peu enviable au regard de celle de l’islam, qui avait raflé en quelques années toute une série de provinces romaines en bon état de marche, avec leurs élites du savoir et leur vie intellectuelle intactes. Le pouvoir impérial arabe s’est substitué au pouvoir de l’empereur romain d’Orient dans des territoires restés riches et intellectuellement actifs.

Au même moment, le christianisme du Haut Moyen Âge vit sur les ruines du monde antique. La civilisation urbaine a quasiment disparu. L’une des villes mérovingiennes les plus importantes, Reims, n’a que 6.000 habitants. Parallèlement, l’héritage intellectuel antique est quasi perdu. Le christianisme occidental est un monde sinistré, qui repart de très bas, alors que l’islam s’est emparé de la partie du monde gréco-romain restée à un haut niveau de civilisation, avec une civilisation urbaine restée florissante. L’empire islamique va bénéficier de tout cela, l’entretenir, vivre sur ce fabuleux capital intellectuel et scientifique, le compléter et l’enrichir ponctuellement, principalement en complétant la science de la Grèce par celle de la Perse et celle de l’Inde (les fameux chiffres « arabes », etc.).

[...]

Mais l’islam ne va pas aller au-delà. Le savoir antique tant européen qu’asiatique fut pour lui un point de départ et un point d’arrivée, dans une version médiévale qui l’enrichit quelque peu. Des « progrès significatifs » furent obtenus dans des domaines « qui n’exigeaient aucune base théorique », tels que « certains aspects de l’astronomie et de la médecine ». Du moins dans un premier temps, car graduellement « même cette forme de progrès cessa ».

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Le spectaculaire décollage de l’Occident eut pour conséquence le déclassement de la civilisation musulmane – tout comme d’ailleurs celui des autres grandes civilisations telles que la Chine et l’Inde. Contrairement à l’idée communément admise, il ne semble pas y avoir eu de crise du monde islamique. Il s’est seulement trouvé dépassé par une civilisation chrétienne occidentale qui a connu un progrès fulgurant. Au sein du monde musulman, on a mis beaucoup de temps à en prendre conscience et à l’admettre. Selon Bernard Lewis, il faut attendre pour cela le voyage effectué en en Prusse en 1790 par l’ambassadeur ottoman Azmi Effendi : « Le premier, il écrit que la faiblesse de son pays n’est pas due à une décadence morale et religieuse comme le prétendent les mémorialistes ottomans, mais à la force acquise par les Européens. »


Il n’y a pas eu de crise du monde musulman, mais une stagnation, une immobilité, conforme à son génie. Cette fixité est à mettre en rapport, souligne Jacques Ellul, avec le fait que « la doctrine tout entière de l’Islam (y compris sa pensée religieuse) a pris un aspect juridique ». Or, « le juridique a une orientation très nette : fixer »117. L’immobilité du monde musulman évoque la stabilité millénaire de la civilisation égyptienne, qui fascinait tant Platon. L’islam a manifesté une exceptionnelle aptitude à se mobiliser pour conquérir, et pour conserver ses conquêtes. L’islam est une civilisation conquérante, guerrière, normative. Par la conquête, l’islam a raflé un prodigieux patrimoine matériel et intellectuel. Il en a joui – ce fut la fameuse civilisation islamique classique –, mais il ne l’a guère développé. Il n’y a pas eu de déclin islamique, mais un déclassement islamique. Alors qu’une civilisation progresse spectaculairement comme l’a fait la civilisation chrétienne occidentale, quand les autres civilisations restent immobiles, c’est comme si elles reculaient.

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Extrait de "Le vrai génie du christianisme" (Broché), octobre 2012.

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