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"Fat is the new black"
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Obésophobie

Si l'obésité gagne du terrain en Occident, les gros sont bien souvent victimes de discriminations. Notamment aux Etats-Unis.

Julien Tort

Julien Tort

Julien Tort est bloggueur, photographe, chroniqueur gastronomique et traque l'excellence culinaire. Guide et professeur de cuisine, il se refuse à opposer la santé et le plaisir.

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Quand j’étais obèse (et que je croyais qu’il fallait manger moins et bouger plus), un été dans une banlieue huppée du Connecticut, aux Etats-Unis, j’ai été plus d’une fois interpellé violemment lors de mes ballades, par les propriétaires des maisons près desquelles je passais. J’étais fort surpris de leur agressivité qui tranchait avec le ton civil de cette communauté et que mes petites promenades de santé ne semblaient pas justifier. Je me sentais victime d’un préjudice mystérieux, ce qui était inattendu dans ma vie d’homme blanc, bien éduqué, avec de bonnes fréquentations. Mon accent ne pouvait être mis en cause : on me criait dessus avant même que je n’ai pu ouvrir la bouche.

Mais j’étais un obèse en short. Pour ces grands bourgeois de la côte Est, ce stigmate valait, semble-t-il, toutes les casquettes à l’envers et les peaux sombres : ils se sentaient menacés. J’étais gros, donc j’étais pauvre, donc je cherchais à leur voler quelque chose et peut-être même à leur faire du mal. Comme pourraient le dire les Américains, en matière de discriminations, "fat is the new black".

Quand obésité rime avec pauvreté

Le fait est que, dans notre monde occidental, ce sont les pauvres qui sont gros. Dans l’Europe du XIXè siècle, à peine sortie de la société agricole, on voyait encore l’embonpoint comme un signe de prospérité qui n’était pas sans séduction. Ce qu’on observe dans les représentations (lisez donc Paris Match ou Point de Vue), on le retrouve dans les statistiques et les études. Qu’on parle des Indiens et des noirs d’Amérique ou des jeunes de nos cités, ce sont les populations les plus pauvres qui portent le poids de la malbouffe.

Une explication a été avancée par certains économistes : regardez donc le prix des calories. Faites l’expérience dans votre supermarché : essayez de réunir 1000 calories avec des paquets de biscuits, et essayez de réunir 1000 calories avec de la viande et des légumes. Même en y mettant beaucoup de beurre (qui est très calorique mais, comme je m’acharne à l’expliquer, très sain), le différentiel de coût est énorme. Il est encore plus élevé aux Etats-Unis, d’ailleurs. Et cela tient dans un cas comme dans l’autre à la politique agricole.

Les céréaliers en question

Avec les  subventions sur les céréales et celles sur le maïs, les sources de calories les moins chères sont le sirop et l’huile de maïs et la farine. Si cela peut tenir en partie à un projet de société, le pouvoir politique démesuré des céréaliers joue ici un rôle central. Aux Etats-Unis, le fait que l’Iowa - principale région céréalière du pays - soit le premier Etat à voter dans les élections primaires explique très largement ce pouvoir démesuré. 

Mais même si la politique agricole et les campagnes d’informations jouent un rôle essentiel, il y a sans doute une réalité à la fois économique et biologique plus fondamentale à l’œuvre : bien manger coûte cher. Dans l’histoire des révolutions industrielles et de l’émergence des classes moyennes, on mesure traditionnellement l’ascension sociale à l’inverse de la proportion de l’alimentation dans le budget des ménages (c’est la Loi d’Engel). Il est sans doute temps de changer notre façon de considérer ce sujet. Osons manger mieux et consommer moins ! 

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