Difficultés de financement de la Sécu : le point sur les mesures qui pourraient la sauver<!-- --> | Atlantico.fr
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Le Sénat entame ce lundi l'examen du budget de la Sécurité sociale.
Le Sénat entame ce lundi l'examen du budget de la Sécurité sociale.
©Reuters

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Alors que le projet de loi de financement de la Sécurité sociale est examiné ce lundi par le Sénat, le déficit du régime général de la Sécu en 2013 devrait atteindre 11,4 milliards d'euros.

Jean Peyrelevade et François Ecalle

Jean Peyrelevade et François Ecalle


Jean Peyrelevade fait partie de l'équipe de campagne de François Bayrou pour l'élection présidentielle. Ancien conseiller économique du Premier ministre Pierre Mauroy, il fut également directeur adjoint de son cabinet.

Économiste et administrateur de plusieurs sociétés françaises et européennes de premier plan, il est l'auteur de plusieurs ouvrages sur l’évolution du capitalisme contemporain.

 


François Ecalle
, économiste, a une longue expérience de l’élaboration et de l’évaluation des politiques économiques au sein de l’administration. Il a enseigné l’économie et la gestion publique dans plusieurs grandes écoles et il est actuellement chargé d’un cours de politique économique à l’université Paris I.

Il a écrit plusieurs ouvrages, notamment Maîtriser les finances publiques ! Pourquoi, comment ?, Economica, 2005 (Grand Prix de l’Académie des sciences morales et politiques).

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Atlantico : Le projet de loi de financement de la sécurité sociale est examiné à partir de ce lundi par le Sénat. Le déficit du régime général devrait être de 11,4 milliards d'euros pour l'année 2013 contre plus de 13 milliards d'euros en 2012. Quelles réformes doivent être prioritairement adoptées pour résorber un tel déficit et sauver la sécurité sociale ?

Jean Peyrelavade : Pour résorber les déficits de la sécurité sociale, il faut avant tout mettre en ordre notre système de retraite qui est structurellement déficitaire depuis trop longtemps. Dans l'idéal, il faudrait mettre en oeuvre un système de retraite par points au sein duquel chacun en cotise un certain nombre lorsqu'il travail afin de les convertir en une certaine valeur monétaire pour chaque unité perçue. La valeur de chaque point serait alors ajustée de sorte à ce qu'il y ait systématiquement un équilibre actuarielle - c'est à dire fixé à partir des hypothèses d'évolution - entre les dépenses et les recettes. Beaucoup de régimes de retraites fonctionnent ainsi. L'idée est celle d'un équilibre obligatoire entre le montant total des dépenses et celui des recettes.

Il faudrait également réformer le système de santé mais les mesures à adopter sont beaucoup plus complexes et difficiles pour chacune d'elles. La carte hospitalière doit être revisitée de sorte à ajuster exactement le nombre d’hôpitaux, et leurs capacités techniques, aux populations avoisinantes. Les prescriptions médicales doivent être revues puisque le nombre de médicaments consommés en France est absolument excessif.

Enfin, il faut réformer "le contrat" qui lie une médecine actuellement individuelle et complètement libérale dans ses modes d'installation et le fait que le payeur, la sécurité sociale donc, soit collectif. Pour cela, il faut mettre en place des formes d'organisations médicales différentes qui entreraient en concurrence.

François Ecalle : Pour ce qui concerne l’assurance maladie, il faut continuer à rationaliser l’offre de soins en restructurant les hôpitaux, en coordonnant mieux médecine de ville et soins hospitaliers, en révisant la liste et le prix des médicaments remboursés… mais cela ne suffira pas.

Il faudrait aussi augmenter la participation des assurés au financement de leurs soins, sous forme de hausse des tickets modérateurs, forfaits et franchises. Cependant, le « reste à charge » après remboursement est très déjà très élevé pour les ménages les plus pauvres au regard de leurs revenus et le remboursement à 100 % des affections de longue durée ne résout pas ce problème. Je suis donc favorable à un « bouclier sanitaire » consistant à limiter le reste à charge de chaque ménage à un pourcentage raisonnable de son revenu. Une fois ce bouclier mis en place, les tickets modérateurs et franchises pourront être relevés et permettre d’économiser plusieurs milliards d’euros sans problème social.

La réforme des retraites de 2010 concerne essentiellement, à travers le recul des limites d’âge de 60 et 65 ans, les nouveaux et futurs retraités, mais pas les retraités actuels. La loi de financement de la sécurité sociale pour 2013 prévoit un nouveau prélèvement de 0,3 % sur les retraites pour financer le coût de la dépendance, mais il faut aller beaucoup plus loin en désindexant temporairement les pensions. Avec une inflation de 2 % par an, le gain pour les finances publiques (tous régimes confondus) serait de 4 Md€ chaque année. C’est une des principales mesures qui ont permis à l’Allemagne de redresser ses comptes publics dans les années 2002-2007.

Outre les dépenses, quelles nouvelles sources de financement de la sécurité sociale doivent être explorées ?

Jean Peyrelavde : La CSG (la Contribution sociale généralisée) a déjà été créée pour financer la sécurité sociale sur la base de l'ensemble des revenus. Il n'y a donc pas de raison particulière de relever la TVA pour financer la sécurité sociale.

Avant d'augmenter la CSG, il faut comprendre qu'avec l'allongement de la durée de vie requiert un recul de l'âge de départ à la retraite sans quoi il n'y aura pas d'équilibre du régime de retraite d'autant plus que la hausse de l’espérance de vie génère de nouvelles dépenses relatives à la dépendance et à la santé. Il est vraisemblable que le décalage de la dépense de sécurité sociale par rapport à l'évolution du PIB soit de l'ordre de 1% par an.

En ce qui concerne la santé, il faut entrer dans une réforme structurelle qui différencie clairement le "petit risque" du "grand risque". Il serait tout à fait normal que l'on demande aux ménages qui en ont les capacités financières de prendre à leur charge le "petit risque". La question de l'augmentation éventuelle des recettes ne se pose que si cette réforme n'est pas suffisante. Mais soyons clair : nous ne pouvons pas augmenter les cotisations sociales et les impôts sans cesses.

François Ecalle : Les deux seules réformes évoquées précédemment (bouclier sanitaire et désindexation des retraites) permettent de ramener à zéro le déficit structurel, c’est-à-dire hors effet de la conjoncture, du régime général en trois ans. Avec les mesures habituelles d’économies sur les dépenses de santé, l’équilibre, en termes structurels, peut être atteint en deux ans et il n’est pas nécessaire de trouver de nouveaux financements. S’il le fallait, les cotisations sociales seraient adaptées au financement des prestations assurantielles (retraite et chômage), et la CSG à celui des prestations universelles (maladie et famille).

En se traduisant par des coupes dans les postes de dépenses ou des hausses de prélèvements, la résorption du déficit de la sécurité sociale ne risque t-elle pas de pénaliser la croissance ?

Jean Peyrelavde : Si nous coupons les dépenses publiques pour que les ménages en prennent une part plus importante à leur charge, l'impact sur la croissance sera beaucoup plus faible qu'une augmentation générale des cotisations. Les ménages les plus aisés arbitreront dans leurs consommations mais leur niveau total de consommation ne diminuera pas, au contraire.

Enfin, la résorptions du déficit de la sécurité sociale n'est, à long terme, qu'une simple modification de l'affectation du budget des ménages. Il n'y aura pas d'effondrement de la consommation.

François Ecalle : Les mesures inscrites dans les projets de loi de finances et de financement de la sécurité sociale pour 2013 sont suffisantes pour réduire le déficit structurel de la France conformément à ses obligations européennes et aller au-delà présenterait en effet un danger pour la croissance. Les mesures évoquées ci-dessus devraient s’appliquer en 2014 et au-delà.

Propos recueillis par Olivier Harmant

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