Shoah : ces jeunes Israéliens qui se font tatouer des numéros de déportés pour ne pas oublier<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Histoire
De jeunes israéliens se sont fait tatouer sur l'avant-bras le numéro de déportation de leurs grands-parents.
De jeunes israéliens se sont fait tatouer sur l'avant-bras le numéro de déportation de leurs grands-parents.
©D.R.

La mémoire dans la peau

Phénomène de mode indécent ou solution contre l'oubli ? De jeunes israéliens se sont fait tatouer sur l'avant-bras le numéro de déportation de leurs grands-parents. L'initiative crée la polémique.

4559. Ce numéro, Livia Ravek le porte sur son bras gauche depuis 1942, date à laquelle elle a été déportée à Auschwitz. Elle avait 16 ans. Aujourd'hui son petit fils, Daniel, 24 ans, porte le même numéro. En Israël, des jeunes ont décidé de se faire tatouer sur l'avant-bras les chiffres que portaient leurs grands-parents, victimes de la Shoah. Une façon pour eux de leur rendre hommage. Et surtout, de ne pas oublier.

Daniel admet que cet acte peut paraître "choquant". "Mais il est si facile d'oublier. Certains disent déjà : 'C'est quoi la Shoah déjà ? Ah oui, une histoire entre les juifs et les nazis en Allemagne'. Pour la prochaine génération, ça ne sera plus qu'une petite histoire, sans importance", explique-t-il dans un reportage récemment diffusé sur France 2.

La grand-mère de Daniel goûte peu cette initiative : "Je n'étais pas contente quand Daniel a fait ça. Moi, je dois porter [ce numéro] toute ma vie." "Peut-être que c'est bien. Peut-être pas. Je ne sais pas..."


Depuis 4 ans, Eli Sagir porte le numéro 157 622, celui de son grand-père. "Ma génération ne sait strictement rien sur l'Holocauste", a confié la jeune femme au New York Times. "Vous leur parlez et ils ont l'impression qu'il s'agit de la sortie d'Egypte, de l'histoire ancienne. Moi j'ai voulu que ma génération se souvienne. Je veux leur dire l'histoire de mon grand-père."

Sa famille a beaucoup mieux accepté sa démarche que celle de Daniel : "Quand j'ai montré pour la première fois le numéro à mon grand-père, il a pleuré et il a embrassé mon bras", raconte-t-elle. Peu de temps après, sa mère et son oncle ont d'ailleurs décidé de faire la même chose qu'elle.

En Israël, le poids de la Shoah est extrêmement lourd, pour ne pas dire intrinsèquement lié à la création de l'Etat hébreux. L'histoire du nazisme est enseigné aux enfants dès l'école primaire, et on trouve à Jérusalem un très grand musée consacré à cette période sombre de l'histoire, le musée Yad Vashem.

Mais beaucoup d'Israéliens ne comprennent pas le geste d'Eli et Daniel. Ou le trouvent déplacé, indécent. Car cette méthode pose aussi le problème de l'identité : en se tatouant, ces jeunes s'approprieraient une histoire qui n'est pas la leur. Lucien Lazare, historien et ancien grand résistant, explique : "Les motivations de ces jeunes gens sont tout à fait louables, à savoir de ne pas laisser oublier l'histoire de la Shoah. Mais la méthode choisie me paraît non seulement révoltante mais aussi aberrante et contre-indiquée à tous les points de vue parce que c'est un geste qui consiste à s'identifier à la victime. Or, ces jeunes gens ne sont pas des victimes".

Autre problème : la Torah interdit que l'on modifie le corps de manière irréversible (Lévitique, 19-28).

En Israël, les survivants de l'Holocauste sont de moins en moins nombreux. Et les habitants s'interrogent sur la façon de préserver la mémoire du génocide. "Nous nous éloignons de la mémoire vivante pour aller vers la mémoire historique", souligne Michael Berenbaum, professeur à l'université de Los Angeles et spécialiste du travail de mémoire autour de l'Holocauste. "Nous sommes à ce moment de transition et [les tatouages] sont une manière insolente, démonstrative, de le franchir."

Marie Slavicek

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !