Ces OGM que l'Europe et les Etats vous laissent consommer sans même que vous le sachiez<!-- --> | Atlantico.fr
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Deux OGM sont actuellement autorisés à la culture au sein de l’UE: le maïs MON810 de Monsanto et la pomme de terre Amflora de Bayer.
Deux OGM sont actuellement autorisés à la culture au sein de l’UE: le maïs MON810 de Monsanto et la pomme de terre Amflora de Bayer.
©Reuters

Polémique

Les OGM ne sont pas cultivés en France mais importées d'Amérique latine ou des Etats-Unis, les importations de protéines représentent 40% des besoins français et 80% des élevages utiliseraient des OGM dans l'alimentation animale.

Corinne Lepage

Corinne Lepage

Corinne Lepage est avocate, ancien maître de conférences et ancien professeur à Sciences Po (chaire de développement durable).

Ancienne ministre de l'Environnement, ancienne membre de Génération écologie, fondatrice et présidente du parti écologiste Cap21 depuis 1996, cofondatrice et ancienne vice-présidente du Mouvement démocrate jusqu'en mars 2010, elle est députée au Parlement européen de 2009 à 2014. En 2012, elle fonde l’association Essaim et l’année suivante, la coopérative politique du Rassemblement citoyen. En 2014, elle devient présidente du parti LRC - Cap21.

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Je me souviens. Nous étions en 1996, nous apprenions la transmission à l’homme de la maladie de la vache folle, l’ESB (l’encéphalite spongiforme bovine). Nous découvrions 10 ans après les premiers cas de maladie de Creutzfeldt-Jakob, forme humaine de la maladie transmise par un prion. Je me souviens d’avoir travaillé avec mon collègue de l’agriculture Philippe Vasseur dans une période très difficile. Je me souviens aussi de la crise pour les agriculteurs qui s’en est suivie.

Je me souviens en 1997 obtenir du président Jacques Chirac et de son Premier ministre Alain Juppé un moratoire sur les OGM.

A cette époque le lien santé environnement n’existait que dans des cercles très fermés. J’ai été la première à avoir cette compétence au ministère de l’Environnement. Je connaissais bien les principes de prévention et de précaution, mon doctorat en droit qui portait sur les externalités à une période ou personne n’en parlait, mon métier d’avocate aux côtés des victimes m’avait appris à connaître ces principes et à voir les conséquences quotidiennes pour chacun. D’ailleurs, lors de mon passage au ministère, j’avais créé le CPP (comité de prévention et précaution) qui a fait un formidable travail avec peu de moyens et à une époque où le concept de lanceur d’alerte était à ses balbutiements pour le grand public.

Alors oui, cela fait de moi une militante. Une militante pour la qualité de vie, pour la santé, pour la responsabilité, pour la justice, et pour la défense du citoyen. Oui, je suis militante pour que la MSA (Mutualité sociale agricole) publie l’étude sur la santé des agriculteurs. Car ce sont les premiers concernés par la question des OGM comme ils le furent également face à la vache folle. Car ce sont eux qui manipulent des pesticides, parce que ce sont leurs terres, parce qu’il s’agit aussi de leur vie et celle de leurs bétails. Ils ont la responsabilité de nourrir la planète et veulent le faire bien. Lors de la campagne présidentielle, j’ai vu des agriculteurs responsables se battant pour nourrir le monde. Mais sans traçabilité qu’en est-il de l’alimentation qu’il donne à leurs animaux ? Qu’en est-il aussi des produits importés contenant des OGM ? Si nous ne cultivons pas d’OGM en France, néanmoins les importations de protéines couvrent 40% des besoins français et 80% des élevages utiliseraient des OGM dans l’alimentation animale.

46 OGM sont autorisés à la mise sur le marché dans l’Union européenne, dont 44 uniquement pour l’importation et l’utilisation dans l’alimentation animale et humaine. On trouve 26 variétés de maïs, 8 de coton, 7 de soja, 3 de colza, 1 pomme de terre, une betterave et parmi eux 8 OGM produisant des toxines insecticides
, 15 tolérants à un herbicide et 22 OGM sont une combinaison de deux ou plus des deux traits précédents. Deux autres, une pomme de terre produisant de l’amidon à usage industriel, un colza produisant un pollen infertile.

Deux OGM sont actuellement autorisés à la culture au sein de l’Union européenne: le maïs MON810 de Monsanto et la pomme de terre Amflora de Bayer; la firme Bayer a annoncé en 2011 qu’elle retirait cette pomme de terre du marché.

17 OGM sont en attente d’autorisation à la culture dans l’Union, et peuvent techniquement être autorisés d’un jour à l’autre par la Commission européenne.

En France, le débat sur les OGM a tourné autour de la culture sans pour autant s’attaquer à la consommation. Il est vrai que médiatiquement les actions contre les cultures ont été retentissantes. Pour une fois avec cette étude, c’est le thème de la santé qui prend le dessus et la recherche est du côté des scientifiques et citoyens qui s’interrogent sur la toxicité des OGM. Et il y a urgence. En novembre 2011, le Conseil d’Etat, suivant les recommandations de la CJUE (Cour de justice de l’Union européenne), a ainsi invalidé la décision du gouvernement français d’utiliser une clause de sauvegarde sur le MON 810. Les juges ont estimé que le ministère de l’Agriculture n’avait pas pu “apporter la preuve de l’existence d’un niveau de risque particulièrement élevé pour la santé ou l’environnement”. Il est vrai qu’il est rare de trouver lorsque l’on ne cherche pas ou que l’on met en place des protocoles qui ne peuvent produire aucun résultat.

Pourtant une proposition existe du Parlement européen pour permettre aux Etats membres d’interdire les OGM sur leur territoire. J’en suis la rapporteure. Elle a été adoptée par 548 voix pour, 84 voix contre et 31 abstentions lors de la séance plénière de juillet 2011. Elle propose trois mesures essentielles :

1) Le renforcement de la sécurité juridique par la clarification des motifs d’interdiction des OGM, qui peuvent être des raisons environnementales complémentaires de celles évaluées au niveau européen, ou des motifs socio-économiques (coûts économiques des mesures nécessaires pour limiter la contamination des plantes conventionnelles par des OGM).

2) L’application systématique de mesures de co-existence entre culture OGM et non-OGM par les Etats-Membres n’interdisant pas la culture des OGM.

3) L’affirmation, dans les considérants, de la nécessaire amélioration des procédures d’évaluation des risques de l’Agence européenne de la sécurité alimentaire (EFSA/ AESA) et du respect des conclusions du Conseil de décembre 2008.

Les négociations sur cette proposition sont actuellement bloquées au sein du Conseil des ministres de l’UE. La position de Marisol Touraine, Delphine Batho et Stéphane Le Foll de saisir l’ANSES avant de saisir la Commission européenne fut la bonne. Maintenant à eux d’agir aussi pour débloquer la situation au Conseil, exiger des études systématiques à deux ans  sur les OGM consommés et faire en sorte que l’expertise indépendante des lobbys soit enfin la règle.

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