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Pédagogie, parents, milieux social : l'échec scolaire est-il seulement imputable à l'élève ?
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Peut mieux faire

L'Association de la fondation étudiante pour la ville (Afev) a dévoilé mardi une étude sur les jeunes "décrocheurs" qui sortent du système scolaire sans diplôme. Pour la plupart, la rupture se produit entre la troisième et la seconde. Un échec scolaire qui a des causes multiples.

Nathalie Anton

Nathalie Anton

Nathalie Anton est enseignante depuis treize ans. Elle a travaillé en collège et lycée et a intégré durant trois ans une équipe chargée de prévenir et de lutter contre la violence en milieu scolaire. Elle est également psychologue clinicienne. Nathalie Anton anime par ailleurs depuis 2008 un blog destiné aux parents d'élèves, intitulé "Conseil et accompagnement scolaire".

Elle est l'auteur du livre "L'art d'enseigner" chez Ixelles éditions.

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Poser la question des facteurs de réussite scolaire extérieurs à l’école permet non seulement d’aborder de manière positive un sujet trop souvent présenté sous l’angle de l’échec, mais aussi de souligner très justement les liens inextricables unissant l’établissement dans lequel évolue l’élève, et l’environnement dans lequel il grandit en tant qu’enfant ou adolescent.

Cette imbrication nous préserve d’ailleurs de toute explication déterministe ou univoque, puisque comme l’ont très bien montré les travaux de B. Charlot, E. Bautier et J-Y. Rochex en Sciences de l’Education « la réussite scolaire est un processus complexe, où interagissent des phénomènes hétérogènes, et elle ne peut jamais être réduite à la présence ou à l’absence de tel ou tel facteur. » (École et savoir dans les banlieues et ailleurs, p. 81. Bordas, 2000)

De nombreux paramètres d’ordre pédagogiques, sociaux, familiaux, affectifs, psychologiques se combinent en effet de manière différente chez chaque élève et favorisent plus ou moins sa réussite. Ainsi, bien que les recherches en sociologie depuis P. Bourdieu et J-C. Passeron (Les Héritiers. Editions de Minuit, 1964) aient mis à jour la forte corrélation entre l’échec scolaire et l’origine sociale, de nombreux élèves obtiennent des résultats fort différents en dépit de données socioculturelles similaires. De même pour les difficultés psychologiques : certes, le deuil, la maltraitance, les conflits ne favorisent pas la disponibilité nécessaire au bon apprentissage, mais le concept de «résilience» étudié par le psychiatre et psychanalyste B. Cyrulnik (Boris Cyrulnik et Claude Seron (dir.), La Résilience ou Comment renaître de sa souffrance, éd. Fabert, 2004) permet de nuancer cette assertion.

Ceci étant posé, que renferme exactement cette notion de «réussite scolaire» ? Les parents que j’ai interrogés dans mon livre en ont donné des définitions très différentes, allant de la maîtrise des compétences de base telles que lire, écrire, compter, à l’obtention d’un diplôme, l’accès aux filières d’excellence, ou encore au plaisir d’aller en classe et d’apprendre.

J’ai retenu de ces échanges deux éléments caractérisant la réussite scolaire : des résultats permettant à l’élève d’avoir accès à l’orientation de son choix, et son épanouissement au sein de l’établissement. Loin d’être indépendants, ces deux champs se répondent sans cesse, puisqu’un enfant épanoui a plus de chances d’obtenir de bons résultats, de même que l’obtention de bons résultats renforce son épanouissement !

Or, les recherches sur le climat scolaire montrent que l’un des moteurs extérieur à l’école favorisant fortement la réussite des élèves s’avère être l’intérêt que portent les parents à leur scolarité. Cette implication bénéfique n’induit pas nécessairement ni exclusivement qu’ils aient les ressources matérielles et/ou intellectuelles pour aider leur enfant à faire ses devoirs : discuter avec lui de ce qui se passe à l’école et dans sa classe, lui proposer de bonnes conditions de travail, l’encourager, vérifier la tenue de ses cours, participer à la vie de son établissement (par le biais des sorties, des voyages, des associations de parents d’élèves...), rencontrer ses enseignants fréquemment pour faire le point, contribuent ainsi à la bonne adaptation scolaire, constituent un facteur de protection contre l’absentéisme, et favorisent l’amélioration du comportement et des résultats de l’enfant.

Mais il serait trop simple de reprocher aux seuls parents leur manque d’investissement en cas d’échec scolaire. L’établissement doit de son côté savoir leur ouvrir ses portes avec bienveillance, clarifier ses exigences et ses règles de fonctionnement, dissiper les malentendus, exposer les difficultés observées, et, le cas échéant, proposer des solutions.

Les informations liées à ce qui se passe d’un côté à la maison, et de l’autre à l’école ne doivent pas rester fragmentées ni parcellaires, car les élèves sont les premiers à souffrir de ce manque de communication, voire parfois de défiance réciproque. Un enseignant peut ainsi se rendre compte qu’un élève dort dans son cours sans que les parents ne soient au courant que leur enfant passe ses nuits à faire autre chose que dormir ; de même qu’un enfant peut confier à ses parents sa peur d’aller à l’école sans que les enseignants n’aient pu déceler que cet élève était victime de harcèlement.

C’est donc ensemble que parents et enseignants, définis comme «co-éducateurs» faisant partie de la «communauté éducative», doivent rappeler d’une même voix à l’enfant leurs attentes en matière de réussite, et construire pour lui et avec lui, un cadre de travail adapté, protecteur et bénéfique (prenant en compte par exemple la gestion du temps accordé aux devoirs et aux loisirs, les outils méthodologiques, l’importance du sommeil, les perspectives d’orientation, les offres de soutien scolaire, médical, psychologique...).

Je suis en effet persuadée, en tant qu’enseignante et psychologue, que c’est en faisant du sur mesure que l’on renforce dans et hors de l’école la réussite et l’épanouissement de chacun, et donc de tous les élèves.

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