Les enjeux du budget 2013 : qui va devoir payer quoi ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Le gouvernement va devoir faire des choix entre hausse des impôts et coupe des dépenses.
Le gouvernement va devoir faire des choix entre hausse des impôts et coupe des dépenses.
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Le parcours du combattant

Alors que le gouvernement s'apprête à présenter son budget pour l'année 2013, il va devoir faire des arbitrages, entre coupes des dépenses et hausses d'impôts, s'il souhaite confirmer son objectif de 3% de déficit. Faites-vous partie de ceux qui seront touchés ?

Jean-Yves Archer

Jean-Yves Archer

Jean-Yves ARCHER est économiste, membre de la SEP (Société d’Économie Politique), profession libérale depuis 34 ans et ancien de l’ENA

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La loi de Finances pour 2013 va être présentée d’ici à la fin du mois. Selon des informations recoupées, elle fait encore l’objet d’arbitrages car la situation d’ensemble ne parait pas complètement maîtrisée par certains experts du gouvernement par-delà d’évidentes divergences. En premier lieu, il est requis d’examiner quatre points qui relèvent du cadre macro-économique de ce projet de budget.

Premier point macro-économique : la ponction fiscale de 30 milliards officiellement annoncée sur TF1 par le chef de l’Etat va avoir un effet pro-cyclique. Autrement dit, en temps de resserrement de la croissance, ce budget va accroître les pressions récessives tout comme l’exemple italien le démontre ( révision à la baisse de la croissance annoncée vendredi ). A chercher trop vite et trop fort des finances publiques vertueuses, on brise les maigres ressorts résiduels de la croissance économique.

Deuxième point macro-économique : ce budget ressemble à une sorte de hérisson dont les épines vont concerner tous les secteurs. Nombre de professionnels s’alarment de l’instabilité fiscale qu’il représente. Ce défaut français est effectivement accentué pour 2013 et ne facilitera pas les anticipations des agents économiques sauf celles qui seront de pure protection. On sera loin d’une nation ambitieuse : on aura un pays frileux. Face aux éléments de budget qui ont déjà été avancés par des membres du gouvernement, d’éminents représentants de l’économie française ont dit avoir le tournis. En fait, il y aura tournis pour la dynamique et coup de tournevis pour le volume ponctionné. La simultanéité n’est probablement pas de bon aloi pour la santé de l’économie.

Troisième point-macro-économique : ce budget va induire une baisse de certaines recettes (TVA, IRPP) par ricochet de l’importance de l’effort demandé. Il est clair que les ménages vont faire des efforts au quotidien qui se retrouveront dans un tassement généralisé de la demande, donc dans un manque à gagner. Ce choc fiscal à valeur de boomerang – nous l’avons patiemment appréhendé – se situera au-dessus de 15 milliards d’euros en y incluant la dérive des comptes sociaux que la Cour des comptes a déjà pointée il y a une dizaine de jours en écrivant que le déficit ne semblait plus tenu.

Quatrième point macro-économique : last but not the least, l’hypothèse de croissance retenue - à savoir 0,8% - n’est désormais plus tenable. Les instituts de conjoncture ont révisé à la baisse les perspectives de croissance pour 2013 au Royaume-Uni et aussi en Allemagne (passage de 1,7% à 1,1%). Les derniers résultats connus de l’activité manufacturière française ont surpris jusqu’à la Banque de France par leur faiblesse. Autrement dit, tabler sur un volet recettes de la Loi de finances pour 2013 calé sur 0,8% est une chimère lourde de conséquences. Elle nous annonce, mécaniquement et froidement, une Loi de finances rectificative avant Mars 2013 qui sera d’ordre strict.

Après ces quatre points d’ordre macro-économique, il est nécessaire d’adopter une vision sectorielle dite méso-économique en trois étapes.

Première étape méso-économique : la suppression de nombre de niches fiscales et surtout leur plafonnement global pour les particuliers ( à 10.000 euros par an ?) va rebattre bien des cartes dans nombre des secteurs. L’un d’eux est hélas aussi caricatural qu’emblématique : il s’agit des emplois à domicile. Clairement, la toise qui va tomber sur cet avantage fiscal va replonger dans le travail au noir bien des salariés. Parallèlement, cette toise va parfois obliger des mères de famille à lâcher leurs jobs pour revenir à la maison. On se souvient de la phrase cruelle de l’estimé Laurent Fabius qui avait déclaré, lors de la campagne de Ségolène Royal en 2007, «  mais qui va s’occuper des enfants ? » : le voilà dans un gouvernement paritaire sensible aux droits de la femme qui va planter une pique d’oursin ou de hérisson dans la vie de jeunes mères salariées.

Entendons-nous bien, sur 385 niches fiscales recensées en 2011 par l’Inspection des Finances, seules 90 étaient considérées économiquement pertinentes : les autres n’étant qu’une succession d’effet d’aubaine pour les ménages et les entreprises. Au plan méso-économique, il y a donc matière à agir mais à condition qu’une réflexion sur les effets de rétroaction ( feedback) soit le prélude à la décision. Or, on peut se demander si gouvernement et majorité parlementaire auront le même mot de passe – convergence – et le même mot-clef : cohérence.

Deuxième étape méso-économique : le gouvernement est supposé annoncer le budget pluri-annuel 2013-2015, alors que nul économiste ne saurait se risquer à des prévisions fines au point de pouvoir élaborer un budget. Nous sommes là devant un piège d’instabilité pour des dizaines de secteurs (immobilier en tête) et devant une procédure intellectuelle abusive. Si les cadres budgétaires sont publiés dans l’idée certaine de devoir être raturés, il y a plus qu’une question de loyauté, il y a écorchement d’une procédure démocratique d’importance.

Troisième étape méso-économique : les hasards moyennement heureux des calendriers font que la France va voir se matérialiser une vague de transmissions d’entreprises du fait de la pyramides des âges. Or, on sait statistiquement que les transmissions sont majoritairement récessives d’emplois. C’est un piège du budget 2013 que de n’avoir pas bâti un plan transmission qui aurait sécurisé des travailleurs et des unités de production.

Enfin, il faut bien évidemment évoquer les mesures micro-économiques de ce projet de budget 2013.

Sur le plan de l’impôt sur le revenu, la situation parait claire. Gel du barème (sauf pour les deux premières tranches) ce qui revient à une augmentation d’environ 2,2%. Création d’une nouvelle tranche – avant discussion parlementaire (...) – de 45% pour les revenus supérieurs à 150.000 euros. Et emblématique tranche à 75% pour les revenus supérieurs à un million d’euros de revenus avec toutefois l’interrogation de sa durée (provisoire pour deux ans) et de son contenu. Parallèlement – mesure par avance impopulaire et soumise à question – réduction du quotient familial, qui passerait de 2.336 à 2.000 euros.

Sur le plan de l’imposition des revenus du capital, le budget 2013 est digne d’un big-bang et représente un enjeu micro-économique majeur. L’objectif philosophique est d’aligner l’imposition des revenus du capital sur celle des revenus du travail. Ainsi un contribuable qui aura gagné 100 se verra imposer, par exemple à 30% moyen, puis verra le fruit des 70 placés imposés selon le même barème que la primo-imposition. On verra comment le corps social réagit mais il y a là une forme de double peine : on taxe les fruits d’une somme déjà taxée selon la même grille. C’est sans précédent.

Ceci signifie la suppression des prélèvements forfaitaires libératoires pour les dividendes et les intérêts y compris ceux de sorties anticipées d’assurance-vie. Au plan technique, il va y avoir un mécanisme du type retenue à la source puis intégration à l’IRPP à hauteur du complément qui sera déterminé en fonction de la tranche marginale d’imposition.

Sur le plan des plus values immobilières, il semble que l’arbitrage ultime ne soit pas totalement arrêté. Apparemment, il y aurait un retour au régime précédent 2004, c’est à dire une exonération de la plus value après 22 ans contre 30 ans. La réforme Fillon ayant comme tétanisé le marché, selon les dires des notaires.

Sur le plan hautement symbolique de l’ISF, l’hypothèse la plus plausible serait le retour au barème à six tranches de 2011 avec une première tranche exonérée jusqu’au seuil de 1,3 million d’euros. Evidemment, Assemblée et Sénat seront ici loisibles en créativité...

Globalement, l’hypothèse macro-économique du budget est un foyer d’erreur manifeste d’interprétation (pour emprunter un terme du juge administratif) tandis que les aspects méso-économiques seront préoccupants en rétroaction.

Au plan micro-économique, chacun pressent que l’histoire ne s’arrêtera pas là. On parle de taxer les produits du livret A (après les avoir partiellement déplafonnés...), des rumeurs insistantes dans l’entourage du courageux ministre Cahuzac reparlent de hausse de la CSG voire même de TVA additionnelle.

Courageux ministre car il va devoir arbitrer entre ce qui est acceptable par le corps économique et ce que sa majorité pense que la France peut supporter. Courageux ministre car la conjoncture l’obligera à modifier ce budget : ce n’est pas une conviction d’auteur, c’est hélas une certitude d’analyste.

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