Guerre commerciale : l'Europe osera-t-elle affronter cette Chine qui est aussi son créancier ?<!-- --> | Atlantico.fr
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La Chine va continuer à "jouer son rôle" pour aider l'Europe à résoudre la crise de la dette, a promis jeudi le Premier ministre chinois, Wen Jiabao, à l'issue du 15e sommet UE-Chine.
La Chine va continuer à "jouer son rôle" pour aider l'Europe à résoudre la crise de la dette, a promis jeudi le Premier ministre chinois, Wen Jiabao, à l'issue du 15e sommet UE-Chine.
©Reuters

Confrontation

Le sommet entre l'Union européenne et la Chine s'est ouvert jeudi à Bruxelles. Face à une monnaie chinoise considérée comme sous-évaluée et des subventions qui font débats, l'Europe peine à défendre ses intérêts face au géant asiatique.

Pierre  Picquart

Pierre Picquart

Pierre Picquart est docteur en Géopolitique de l’Université de Paris-VIII, spécialiste en Géographie humaine, expert international, et spécialiste de la Chine.

Il a rédigé notamment La Chine dans vingt ans et le reste du monde. Demain, tous chinois ? en 2011.

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Atlantico : Le 15e sommet entre l'Union européenne et la Chine s'est ouvert jeudi à Bruxelles. Quels sont les enjeux de cette rencontre ?

Pierre Picquart : Pour le dernier voyage à Bruxelles du Premier ministre chinois, les enjeux sont multiples pour les deux parties. Tout d'abord, il y a un enjeu géopolitique caractérisé par de nouvelles tensions internationales sur les dossiers syrien et iranien, de même que dans les relations entre la Chine et le Japon.

L'enjeu est également économique, avec la crise de la zone euro qui tend à se résoudre à moyen-terme mais qui s'exerce sur fond de croissance économique mondiale en berne. Plus généralement, l'économie mondiale reste fragile aussi bien en Europe qu'aux Etats-Unis, où la situation peine à se stabiliser, notamment en termes de croissance. De même, l'activité ralentit dans les pays émergents, que ce soit au Brésil, en Inde ou en Chine.

Les échanges économiques entre la Chine et l'Europe ne doivent pas, au delà des difficultés, déboucher sur des tensions insurmontables. Aucune des deux parties n'aurait à y gagner.

La Chine a avoué son impuissance face au ralentissement économique mondial. Est-elle contrainte de "signer des chèques" aux Etats-Unis et à l'Europe pour s'assurer des débouchés pour sa production ?

La Chine a un rôle économique majeur. Elle reste relativement en bonne santé, y compris en termes de croissance, même si les dernières projections laissent transparaître un ralentissement. Ses moyens financiers sont particulièrement élevés. L'Europe étant son principal partenaire commercial en termes d'importations et d'exportations, la Chine a tout intérêt à soutenir la zone euro.

Le pays doit diversifier ses échanges économiques et commerciaux dans un monde où les flux financiers et économiques sont mondialisés. Il ne peut plus se permettre d'avoir un seul et unique partenaire qui éclipserait les autres zones économiques. Pour cette raison, elle devrait continuer de soutenir la zone euro comme elle l'a promis.

Cependant, si la Chine devrait continuer à financer la dette des Etats européens pour assurer ses exportations, il n'est pas certain qu'elle en fasse de même avec la dette américaine si une nouvelle crise financière survient. En effet, ses pertes ont été considérables dans les investissements qu'elle a réalisé au sein des entreprises et des fond de pensions américains. Il n'est donc pas garanti que la Chine aide les Etats-Unis de façon durable.

Dumping sur l'énergie solaire, taxes aux importations étrangères en Chine, monnaie sous-évaluée... L'Europe a t-elle les moyens politiques et économiques de défendre ses intérêts dans cette relation ?

L'Europe et la Chine ont toutes deux besoin de défendre une politique économique et fiscale coordonnée. Mais comme dans chaque relation, des désaccords persistent mais les négociations ne déboucheront pas sur un "vainqueur" au détriment de l'autre.

L'Europe, à l'inverse des Etats-Unis, ne dispose pas d'une entité administrative, politique et économique à même de prendre des décisions de façon unique pour les 27 Etats membres. S'il s'agit d'un handicap, les Chinois sont conscients que l'Union européenne est en train de franchir une nouvelle étape dans sa construction. Il est donc peu probable qu'ils jouent avec les failles européennes. 

Dans un contexte de tensions, est-il envisageable que l'Europe instaure des mesures protectionnistes ?

Si l'Europe envisage des pressions protectionnistes, le risque serait celui d'une relation économique guerrière et non coopérative qui, en tout état de cause, ne serait pas de bon augure dans le cadre économique actuel. Les deux entités doivent surmonter leurs désaccords par des négociations et non des ruptures.

Si la position américaine à l'égard de la Chine paraît beaucoup plus ferme, c'est essentiellement parce que le pays est en période électorale. Barack Obama doit s'assurer un stature car la première puissance mondiale que sont les Etats-Unis est remise en cause par la montée en puissance du géant asiatique. 

Mais l'Europe n'est pas dans la même situation. Cette dernière est en train de se construire et, même si elle devrait faire face à un ralentissement de sa croissance, la crise en zone euro se résout progressivement par les mécanismes mis en place. A l'inverse, rien n'est moins sûr pour les fondamentaux de l'économie américaine, ce qui les contraints à paraître plus ferme.

Le Président chinois, Hu Jintao, et le Premier ministre, Wen Jiabao, devraient rapidement quitter le pouvoir. Faut-il croire qu'aucun changement majeur de la part de Pékin est envisageable à court terme ?

Les Chinois ont déjà préparé la succession de Hu Jintao et Wen Jiabao. Nous assisterons donc à une évolution de la politique chinoise mais il ne faut pas s'attendre à une révolution ou un changement radical. La Chine continuera sur sa lancée d'ouverture sur le monde.

Dans ce contexte, il faudra surveiller de près le dossier de l'embargo sur les armes chinoises. Si la levée de celui-ci n'est pas une nécessité absolue pour Pékin, elle représente cependant un symbole important puisque le géant asiatique souhaite désormais prendre toute sa place dans les grandes institutions internationales.

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