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Piégée par sa réforme de l’ISF, la gauche est obligée de réinventer son propre bouclier fiscal
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A bout de souffle

Le gouvernement souhaite réformer l'imposition de l'Impôt de solidarité sur la fortune (ISF). Pour y parvenir, il devra instaurer un "plafonnement", une mesure proche du bouclier fiscal instauré par Nicolas Sarkozy... et imposée par le Conseil constitutionnel.

Nicolas Duboille

Nicolas Duboille

Nicolas Duboille est avocat associé au sein du cabinet Granrut et membre des Barreaux de Paris et de New York.

Il est spécialiste de la fiscalité des entreprises et fusions-acquisitions, fiscalité immobilière, internationale, patrimoniale et fiscalité des contrats et des organismes publics.

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Atlantico : Le gouvernement pourrait rétablir l'ancien barème de l'Impôt de solidarité sur la fortune, un barème composé de six tranches au lieu d'une taxation moyenne de 0,25% pour les patrimoines compris entre 1,3 et 3 millions d'euros et 0,5% au-delà depuis la réforme de Nicolas Sarkozy en 2011. La gauche serait alors contrainte d'instaurer un nouveau plafonnement à 80% comme l'exige le Conseil constitutionnel. Le gouvernement se retrouve-t-il piégé par sa propre réforme de l'ISF ?

Nicolas Duboille : Techniquement, une imposition sur le patrimoine qui ne serait pas plafonnée à des revenus annuels pourrait être potentiellement confiscatoire. Le plafonnement mis en place par Michel Rocard - qui limitait à 85% des revenus la charge totale d'Impôt de solidarité sur la fortune et de l'Impôt sur le revenu - qui a été supprimé en 2011 consistait déjà à éviter une inconstitutionnalité d'une imposition sur le patrimoine comme l'ISF. A fortiori, une augmentation du barème d'imposition nécessite alors un mécanisme de plafonnement.

Ainsi, une imposition de 1,8% sur le patrimoine - comme ce fut le cas pour le barème en vigueur avant la réforme de 2011 pour les patrimoines supérieurs à 16 millions d'euros - peut, sans plafonnement, rapidement devenir confiscatoire pour un ménage si, en plus de l'ISF, on ajoute l'Impôt sur le revenu ou encore les contributions sociales.

La gauche va faire se qu’elle peut pour que sa réforme ne soit pas qualifiée de nouveau bouclier fiscal là où la droite va s'y efforcer. Mais outre les formulations politiques, ce plafonnement est requis par nos règles constitutionnelles. Il faut également, pour le Gouvernement, éviter l’amplification de la fuite des plus aisés à l'étranger.

Sous Nicolas Sarkozy, il était question de "bouclier fiscal", le gouvernement actuel préfère parler de "plafonnement". Les différences sont-elles autres que sémantiques ?

La différence entre l’appellation "plafonnement" et "bouclier fiscal" n'est que sémantique. Avec le bouclier fiscal, le Trésor public devait reverser le surplus d'impôts au contribuable. Ses opposants avaient alors pointé du doigt les chèques accordés aux ménages les plus aisés. Pourtant, dans les dernières années du bouclier, un système moins polémique avait déjà été mis en place afin d'arrêter le versement de chèques de remboursement en imputant directement les réductions accordées par le bouclier fiscal sur l'année en cours ou les années suivantes. Il n'y avait donc plus de mécanisme de remboursement.

"Plafonnement" et "bouclier fiscal" reviennent donc à la même mécanique si ce n'est qu'il faut tenir compte des impôts qui sont pris en compte. Ainsi, le plafonnement à 80% du nouveau gouvernement devrait en principe prendre en compte la quasi-totalité des impôts directs, notamment les taxes foncières, ce qui n'était pas le cas avec le plafonnement Rocard par exemple.

Le gouvernement est contraint d'instaurer cette limitation de l'imposition compte tenu de la jurisprudence du Conseil constitutionnel qui a précisé, en août dernier, lorsqu'elle a dû se prononcer sur la constitutionnalité de certaines dispositions de la seconde Loi de finance rectificative pour 2012, que la contribution exceptionnelle sur la fortune n'est acceptable telle qu'elle est, c'est à dire déplafonnée, que parce qu'elle a un caractère très limité dans le temps, c’est-à-dire pour une seule année.

La taxation marginale sur le patrimoine que souhaite instaurer le gouvernement est-elle plus contraignante qu'une taxation moyenne ? Quels patrimoines seront pénalisés ?

L'idée de taxer uniformément, par le biais d'un taux moyen sans tranches particulières, permet d'imposer plus largement dès le premier euro. C'est le principe qui prévaut actuellement : 0,25% d'imposition si le patrimoine est compris entre 1,3 millions et 3 millions d'euros et 0,5% s'il excède les 3 millions d'euros. Dans les deux cas, la taxation s'opère dès le premier euro.

Un taux moyen est plus rentable pour un gouvernement car il impose uniformément les patrimoines soumis à l'ISF. Cela permet en effet de toucher les patrimoines les plus nombreux avec un taux plus élevé et, dans le même temps, d’afficher un taux d’imposition qui puisse être, en théorie, plus acceptable au regard des règles constitutionnelles. Mais ce système peut paraître pour certains moins "juste" qu'un barème progressif qui tient compte des différents niveaux de patrimoine parmi ceux qui sont imposables. Et il n’est même pas certain qu’un taux moyen sans mécanisme de plafonnement puisse être constitutionnel (compte tenu notamment du faible rendement actuel des placements non risqués et du niveau de l’inflation).

Quels sont les risques quant à un éventuel aménagement de l'ISF-PME, un dispositif permettant une réduction de 50% des impôts payés sur le patrimoine investis dans une Petite ou moyenne entreprise ?

Il y a tout d’abord eu de très fortes inquiétudes au cours mois d'août sur la remise en cause de l'exonération au titre des biens professionnels, une mesure rapidement démentie par le gouvernement. Cependant, il est probable qu'il y ait un plus grand contrôle dans l’application de ce mécanisme d’exonération qui reste à mon avis essentiel si l’on veut ne pas faire fuir tous les entrepreneurs de France.

Par ailleurs, nombreux particuliers investissant au capital de PME profitent d’une réduction d’ISF au taux de 50% sur les titres souscrits grâce au dispositif ISF-PME. Bercy envisageait de réduire cet avantage de moitié. Néanmoins, il semble qu’au regard des conséquent néfastes qu’une telle mesure est susceptible d’entrainer sur le financement des Petites et moyennes entreprises, ce mécanisme d’incitation à l’investissement devrait être préservé avec un taux de réduction d’ISF maintenu à 50%. Mais bien entendu le Parlement aura le dernier mot…

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