Entre 12 000 et 15 000 intégristes musulmans en France : l’Hexagone reste toutefois un des pays occidental les mieux protégés contre le terrorisme islamiste <!-- --> | Atlantico.fr
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Il y a entre 12 000 et 15 000 intégristes musulmans en France.
Il y a entre 12 000 et 15 000 intégristes musulmans en France.
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Orthodoxie

La manifestation devant l'ambassade américaine dimanche dernier a ravivé la question du salafisme en France. D'autres manifestations étaient prévus ce samedi à Paris, avant d'être interdites pour cause de troubles possibles à l'ordre public. Qui sont les salafistes français ?

Samir Amghar

Samir Amghar

Samir Amghar est diplômé de l'EHESS et chercheur à l’Observatoire sur le Moyen-Orient et sur l’Afrique du Nord à l’université du Québec à Montréal

Il est l'auteur de "l'Islam militant en Europe" (Infolio, 2013) et "Les islamistes au défi du pouvoir" (Michalon, 2012)

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Atlantico : Paris a été le théâtre dimanche d'une manifestation salafiste suite à la diffusion du film "Innocence of muslims". D'autres étaient prévus ce samedi à Paris, avant d'être interdits pour cause de troubles possibles à l'ordre public. A combien peut-on situer le nombre de salafistes en France aujourd'hui ?

Samir Amghar : En préalable, je voudrais revenir sur la manifestation de dimanche dernier. C'est très important d'avoir à l'esprit qu'on ne peut pas qualifier ce rassemblement de manifestation salafiste. D'une part, on ne connaît pas encore à ce jour les initiateurs de cette manifestation, de plus ce n'est pas parce qu'on a vu des personnes arborer physiquement un "look salafiste" - à savoir une barbe et une djellaba - qu'on peut automatiquement qualifier ces individus de salafistes. 

On ne peut pas réduire le salafisme à quelques drapeaux noirs qui étaient brandis par les manifestants. Les salafistes sont un groupe minoritaire de plus en plus marginalisé par le reste de la communauté musulmane en raison de leur sectarisme religieux.

Cette proportion est-elle en hausse ?

C'est une pratique qui connaît un certain développement en France. En 2004, une étude menée par les Renseignements généraux estimait le nombre de salafistes à 5 000. Aujourd'hui, on estime que le chiffre varie entre 12 000 et 15 000. Les effectifs salafistes ont quasiment triplé en moins de 10 ans.  

Les principales zones du développement salafiste se trouvent dans la conurbation du nord de la France, à savoir Lille, Roubaix et Tourcoing. Il y a également Paris et sa banlieue, Lyon et Marseille. On constate que le salafisme à tendance à s'implanter maintenant dans les moyennes et petites villes, voire les zones rurales. 

Comment expliquez-vous l'impulsion du développement salafiste dans les campagnes françaises?

Depuis plusieurs années, le salafisme tend à devenir de plus en plus la norme religieuse à partir de laquelle les musulmans jugent leur islam. Autrement dit, le salafisme est une sorte d'orthodoxie à partir de laquelle les musulmans estiment s'ils sont de bons où de mauvais musulmans.

Faut-il avoir peur de ces intégristes musulmans ?

Il est essentiel de donner une définition claire et scientifique de ce qu'est le salafisme. Pour la simple et bonne raison qu'on assiste aujourd'hui à un basculement sémantique de la notion de salafiste

Pendant longtemps, le salafisme renvoyait à une idéologie particulière de l'islam, à une orthodoxie. Aujourd'hui ce mot apparaît pour beaucoup de personnes comme un synonyme d'intégrisme et de radicalisme. Or, dans les faits, même si c'est le cas, on ne peut pas réduire le salafisme à du terrorisme, pour une simple raison : le salafisme est un mouvement polymorphe qui a pour particularité de mettre en avant et de purifier l'islam des mauvaises pratiques religieuses. Les salafistes veulent éduquer par un travail de prédications religieuses les musulmans.

Il ne faut pas forcément avoir peur des salafistes. On peut distinguer aujourd'hui trois formes de salafisme en France, qui se subdivisent en plusieurs petites catégories :

  • Une première forme, qui met en avant la purification religieuse et l'éducation des masses musulmanes par un travail de purification. Cette forme du salafisme a la particularité de défendre un islam non violent et apolitique. Elle s'identifie à l'islam d'Arabie saoudite. 

    • La seconde forme du salafisme va mettre l'accent sur l'aspect politique plus que sur un travail de prédication religieuse. 

      • La dernière forme de salafisme est révolutionnaire. Elle appelle les musulmans au véritable islam, invite les musulmans à se soulever par les armes, l'action terroriste : c'est le djihad. Voilà pourquoi, on parle souvent du salafisme djihadiste. 

        On constate d'un point de vue empirique, qualitatif, que la nature du salafisme en France renvoie à la première catégorie. On ne peut donc pas considérer le salafisme comme un danger pour l'ordre public et pour la sécurité étatique.  

Comment ces organisations intégristes grossissent-elles leurs rangs ? Les réseaux sociaux jouent-ils un rôle de plus en plus prépondérant ?

Dans l'esprit de jeunes et de beaucoup de musulmans, le salafisme s'identifie à l'orthodoxie musulmane, sa version la plus pure et la plus véritable, celle qui a été révélée au Prophète Mahomet. Le salafisme part ainsi d'un a priori positif car il est le plus proche du message coranique

On assiste depuis plusieurs années à une massification du salafisme à travers le monde, via les chaînes satellitaires financées par l'Arabie saoudite. Autre exemple, on voit le développement d'une littérature salafiste. Énormément de théologiens (comme Al Albany) écrivent des livres, des articles, qui sont très rapidement traduits vers des langues européennes, notamment le français.  

Les écrits salafistes sont quasiment partout. Si vous êtes un musulman pratiquant, vous avez peu de chances à échapper à cette référence religieuse qui devient de plus en plus importante. 

Les jeunes musulmans se tournent vers le salafisme, car il y a une certaine fascination. Le salafisme est considéré comme la version la plus pure de l'islam. L’Arabie saoudite considérée comme le berceau de l'islam est un épicentre du salafisme. 

Le salafisme a la capacité de donner un sens à l'exclusion sociale et économique que vit le musulman en France.

Pour répondre à la deuxième partie de votre question, je ne pense pas du tout que les réseaux sociaux participent à recruter des jeunes musulmans. Ils n'ont rien à voir avec le salafisme, même si certaines personnes peuvent surfer sur la vague. 

La police a-t-elle les moyens de contrôler ces groupuscules fondamentalistes musulmans ?

On peut en France se targuer d'avoir un service de renseignements efficace qui est capable de détecter des personnes qui s'inscrivent dans un processus de radicalisation. Les services français ont une véritable expertise en la matière. Il ne faut surtout pas oublier que la France est sans doute le premier pays d'Europe à avoir été confronté par le terrorisme islamique en 1986, avec l'attentat de la rue de Rennes.

Dès 1986, la France a été touché par le terrorisme commis par la République islamique d'Iran. Le pays a alors commencé à réfléchir sur la manière d'identifier les potentiels terroristes islamiques qui pourraient basculer dans l'action direct, chose que les Britanniques et les Américains n'avaient pas à l'époque.

Propos recueillis par Charles Rassaert

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