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Violences à l'école : la France fait-elle figure d'exception ?
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Vincent Peillon, le ministre de l'Education, suite à plusieurs cas de violence scolaire, a annoncé ce lundi le lancement d'un Observatoire des violences scolaires en France. Celui-ci viendrait en soutien de l'Observatoire international. Toutefois, un tel dispositif pose la question des particularismes et des types de violences qui se déroulent dans nos établissements et qui feraient de la France un cas à part.

Vincent Troger

Vincent Troger

Vincent Troger est depuis 1998 maître de conférence à l'Institut de Formation des Maîtres (IUFM) de Versailles. Depuis 1997, il collabore régulièrement à la revue « Sciences Humaines ».

Il a publié plusieurs ouvrages sur l'école et la formation des professeurs tels que l'Ecole aux Editions Le Cavalier Bleu, collection idées reçues ou encore Peut-on encore former des enseignants ? qu'il a écrit en collaboration avec Pascal Guibert aux éditions Armand Colin.

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Atlantico : Vincent Peillon, en réaction aux divers actes de violence scolaire qui ont émaillé la rentrée, a annoncé ce lundi la mise en place d'un Observatoire français des violences scolaires. Sachant qu'un tel Observatoire existe déjà pour l'international, quelles sont les particularismes de la violence scolaire en France qui mériterait une surveillance accrue ?

Vincent Troger : Il est vrai que cet Observatoire international qui existe compile des informations très globales grâce à des événements qui se déroulent dans d'autres pays et qui sont de nature très différente par rapport au système scolaire français particulier notamment en termes de laïcité. De ce point de vue, une réflexion spécifique ne me paraît pas absurde d'autant qu'il y a une très grande sensibilité de nos jours chez l'opinion publique sur ce que l'on a appelé les violences scolaires.

La France - comme de nombreux pays de tradition catholique ou latine - se différencie des cultures anglosaxones en cela qu'elle n'est pas confrontée aux cas de violence extrême commises par de jeunes adultes qui prennent des armes et tirent sur leurs camarades en causant de véritables tueries. Elle a toujours été à l'abri. En revanche, il est clair qu'elle a gardé dans l'enseignement secondaire des structures très classiques dans lesquelles les enseignants viennent simplement faire court et ne sont avant pas réellement préparés à la gestion des relations avec les adolescents et les jeunes.

Cela crée des situations de malentendu d'autant plus prégnantes quand elles ont lieu - la plupart du temps - dans des lycées professionnels ou des zones sociologiques difficiles. Les professeurs ne sont pas prêts à affronter ces situations. D'autre part, les familles – et c'est dramatique – considèrent l'école comme une institution contraignante à l'instar de la police et de la justice. Cela donne naissance à des situations dont on avait pas l'habitude et qui peuvent être choquantes. Mais elles sont dues au fait qu'en France il faudrait renforcer le dialogue entre les familles, les élèves et les professeurs à l'intérieur des établissements scolaires. Il n'y a pas de doute sur le fait que cela réglerait un certain nombre des problèmes qui se présentent actuellement.

Il y aurait donc une survalorisation de l'institution éducative face aux élèves ou aux familles ?

Peut-être pas une survalorisation, mais vraiment un manque de dialogue. Au-delà de cela, en général les enseignants font la queue pour dispenser leurs cours, ils n'ont pas de bureaux qui permettraient de les mettre à disposition et leur fonction extra enseignante et éducative est très peu valorisée – au contraire de ce que l'on peut observer en Angleterre par exemple. Eric Debarbieux a aussi pointé ce problème en disant – et c'est vrai – que cela empêche un climat de confiance et de dialogue entre les différents acteurs de l'école. Le dernier incident qui a eu lieu a Bordeaux a été provoqué par une appréciation sur une copie mal acceptée par une maman qui en est venu à frapper la professeure. C'est un incident violent qui a pour source un évènement tout à fait mineur. Ca ne peut être du qu'à un manque de dialogue.

Dans vos publications vous estimez que la violence scolaire est prise en compte en 1970. Depuis, des moyens concrets ont-ils été mis en place pour l'endiguer ?

Dans les années 70, on en était encore à la phase de prise de conscience d'un phénomène perçu comme nouveau et révélé par les débuts du collège unique avec des publics qui n'avaient jusque là pas prolongé d'études en raison de résultats scolaires insuffisants ou parce que c'étaient des enfants issus de familles pauvres qui peinaient à payer une scolarité suivie. Ces enfants n'avaient pas l'habitude de la culture scolaire, de l'autorité et posaient donc des problèmes auxquels on était pas confrontés.

L'un des premiers moyens créés pour endiguer cette violence étaient les zones d'éducation prioritaire. C'étaient un apport d'aide supplémentaire aux lycées ou aux collèges qui étaient placés dans des zones difficiles. Il y a eu ensuite le métier de CPE et la vie scolaire qui étaient les garants d'une plus grande démocratie interne avec des parents plus présents, disposant d'un espace de discussion. On ne peut pas nier que ces dispositifs aient changés l'atmosphère de certains établissements, mais dans des quartiers, des collèges ou des lycées difficiles et aux situations particulières les effets ont été beaucoup plus contrastés, voire inexistants.

Cet observatoire ne risque-t-il pas de rester uniquement théorique, éloigné des situations concrètes et donc très contestable dans sa capacité à arranger les choses ?

Ce que j'apprécie dans cette initiative de Vincent Peillon est qu'il choisit de dédramatiser ces incidents qui - même s'ils sont choquants et déplacés - restent minoritaires dans la masse de l'éducation. Si les médias et les politiques s'emparent de ces faits, les montent en épingle il faut se rendre compte qu'il n'y a pas de solution à court terme. Cet Observatoire permet de prendre du recul et rompt avec la surdramatisation ambiante. C'est une bonne attitude.

Le ministère de l'Education est une institution massive, centralisée et on a l'impression que cet Observatoire vient ajouter à sa rigidité et risque au fur et à mesure de rester lettre morte ?

Je ne pense pas, car comme c'est Eric Debarbieux qui en sera chargé on peut penser que cet Observatoire sera simplement rattaché à l'Observatoire International. Il ne créera pas un gros appareil d'autant plus que je doute que le ministère ait des fonds à accorder à une autre initiative. Simplement des moyens supplémentaires seront accordés pour que l'Observatoire International prête un peu plus attention à ce qui se passe en France. D'ailleurs des préconisations ont déjà été faites. 

Il faut souligner aussi que le gros des violences scolaires se produisent entre les élèves, qui se battent ou qui se font martyriser par un groupe de plus forts. Quand on regarde de près, les cas plus graves obéissent à des logiques spécifiques : soit ce sont des élèves qui souffrent de troubles graves et qui demandent un suivi particulier ou encore des malentendus à répétition entre un enseignant ou une famille ou enfin une famille qui a des attitudes violentes. On ne peut pas dégager de constante et ces situations ne peuvent se régler qu'au cas par cas avec l'aide des chefs d'établissements qui au-delà de cela renforcent les actions en faisant de la prévention.

Propos recueillis par Priscilla Romain

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