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Diesel, pesticides, pollution de l’air... La conférence environnementale réussira-t-elle à protéger la santé des Français ?
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La conférence environnementale, qui s'est ouverte vendredi et se termine ce samedi, a déjà fait l'objet d'annonces : fermeture de la centrale de Fessenheim, refus de l'exploitation du gaz de schiste... Mais rien, pour l'instant, sur la santé des Français.

Pierre Souvet

Pierre Souvet

Le Dr Pierre Souvet, cardiologue, est le président de l'Association santé environnement France (ASEF). Il travaille en collaboration avec l'observatoire atmosphérique du Ballon de Paris.

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Atlantico : Plusieurs sujets qui lient santé et environnement (comme le diesel, les pesticides, la pollution de l'air, les lignes à très haute tension, les phtalates ou les ondes) seront abordés lors de la conférence environnementale. Vous étiez présent à cette première journée de débats, dans la commission "Santé et environnement", en tant que président de l'Association Santé Environnement France. Selon vous, cette question de la santé est-elle suffisamment mise en avant lors de la conférence ?

Pierre Souvet : Dans son discours d'ouverture, François Hollande s'est peu étendu sur la santé. Il a parlé seulement des perturbateurs endocriniens et quand même d'une crise des maladies chroniques : cancers, maladies cardiaques, respiratoires, diabète, etc. Il a en fait surtout parlé d'excellence écologique.

J'attendais de cette réunion « santé et environnement » qu'on aille plus loin. Pour rester dans mon cœur de sujet, la qualité de l'air, il faut savoir que les chiffres sont avérés : le coût de la pollution de l'air est de 20 à 30 milliards d'euros par an pour l'air extérieur et 10 à 40 milliards d'euros pour l'air intérieur. Or, malgré les demandes de France nature environnement et d'autres associations, on n'a pas l'impression que ces problèmes majeurs de santé publique soient pris en compte.

Comment cela s'explique-t-il ?

Je ne sais pas. Il semblerait qu'ils en aient parlé dans la table-ronde fiscalité, car il faudra réformer la fiscalité du diesel, inciter les constructeurs à fabriquer autrement, réformer le bonus malus en introduisant l'aspect sanitaire... Il y a plein de mesures à court ou long terme à introduire pour que la situation dans les villes s'améliore rapidement. Mais je n'ai pas senti de la part de la ministre de la Santé une volonté de faire de la santé publique une priorité.

J'ai essayé d'introduire un autre aspect : la biodiversité. Ce n'est pas simplement un nombre d’espèce, c'est aussi la santé des milieux. Et nous faisons partie de la biodiversité, car nous avons un impact sur le milieu, et il nous affecte en retour. C'est donc intimement lié. J'ai donc essayé d'introduire cette nouvelle notion de santé des milieux, avec quelques propositions, comme la cartographie des maladies. Chaque territoire doit connaître, non seulement le nombre de cancers dans ses frontières, mais aussi les maladies respiratoires, les diabètes... Tout cela corrélé à une cartographie des productions, pour essayer d'avancer en termes d'alerte, d'action sanitaires fortes, et pour améliorer la santé et diminuer les inégalités sociales. Les lieux de productions ont en effet plus de malades, mais aussi plus de personnes défavorisées.

Certains de ces sujets sont fortement liés à des considérations économiques, comme le diesel, qui représente 60% du parc automobile français. Peut-on s'attendre à des avancées fortes sur le sujet ?

En tout cas, on n'a pas compris que, comme le disait François Hollande, l'écologie ou la santé ne vont pas à l'encontre de l'économie. Il faudra toujours se déplacer, peut être autrement, et tout cela doit se préparer, car il faut 30 ans pour changer le parc automobile. Il faut aussi des mesures de court terme pour améliorer la santé des gens. Les particules fines rejetées dans l'air par les moteurs diesel, c'est 40 000 morts prématurés par an, quasiment neuf mois d'espérance de vie en moins, 15 à 30% de maladies cardiovasculaires et respiratoires en plus, sans compter l'aspect cancérigène.

Il va donc falloir une adaptation des constructeurs et des usagers, et tout le monde sera gagnant. Il y aura toujours des emplois dans le secteur des transports et moins de gens malades. Le déficit de la Sécurité sociale est de 14 milliards, et je vous rappelle que la pollution de l'air coûte 20 à 30 milliards d'euros, selon la Commission de l'économie et de l'environnement. On est donc gagnant à la sortie. On pourrait rééquilibrer les comptes de la Sécu en attaquant de front ce problème de santé publique.

Sur quels autres axes majeurs le gouvernement devrait-il mettre l'accent ?

Outre le diesel, pour la qualité de l'air, il y a aussi la question du chauffage au bois, très polluant. Il faudrait réorienter les aides vers des systèmes de chauffage à la biomasse non polluants.

La deuxième orientation doit être une surveillance accrue des perturbateurs endocriniens, afin de réduire leur impact. Il a été dit durant les débats qu'on était pas sûrs que les produits de substitution soient moins toxiques que les produits actuels, qu'il faut laisser le temps aux entreprises de s'adapter pour faire la substitution. Je le comprends, mais on prend du retard. Je rappelle que pour le PCB, nous avions 17 ans de retard par rapport aux Etats-Unis, 25 ans pour l'amiante... Pour le bisphénol, ça devrait passer, mais il y a les phtalates et d'autres produits toxiques. On est toujours un peu à la traîne.

Alors voilà, on va créer une nouvelle commission sur les perturbateurs endocriniens. Mais je n'ai pas senti une volonté de vraiment aller vite. Je suis donc assez mitigé sur cette première journée de tables-rondes.

Ce que je retiens de cette première journée, c'est que les agences existantes doivent travailler ensemble et qu'il ne faut pas sectoriser les choses. L'agriculture doit travailler avec l'écologie, avec la santé, avec la recherche... Et il faut une régionalisation de la santé. Les maires reçoivent parfois des directives dont ils n'ont jamais entendu parler. Il faut donc intégrer l'aspect territorial dans les décisions sanitaires.

Jean-Vincent Placé a, après Jean-Marie Le Guen, adjoint au maire de Paris, appelé à une interdiction des voitures diesel dans les grandes villes. La présence d'écologistes au gouvernement a-t-elle permis aux débats d'aller plus en profondeur ?

J'avais la ministre de la Santé à ma table, mais je ne l'ai pas entendu parler de l'interdiction des voitures diesel, qui apporterait énormément à la santé des Français. J'ai entendu : « nous allons travailler le sujet ».

Je n'avais pas d'écologistes à ma table-ronde. J'espère donc qu'ils ne seront pas coincés par la nécessaire solidarité gouvernementale et pourront faire avancer ce dossier. Je ne peux pas en dire plus, car je n'ai pas entendu Cécile Duflot ou Pascal Canfin sur la question. En tout cas, ils ne doivent pas être prisonniers de cette solidarité, j'espère qu'ils affirmeront leurs positions.

Propos recueillis par Morgan Bourven

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