Kate Middleton topless : pourquoi le scandale est-il plus grand pour Valérie Trierweiler ou une princesse que pour une actrice ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Le magazine Closer a publié des photos de Kate Middleton seins nus dans son édition de vendredi.
Le magazine Closer a publié des photos de Kate Middleton seins nus dans son édition de vendredi.
©Reuters

Corps royal

Le magazine Closer a publié des photos de Kate Middleton seins nus dans son édition de vendredi. Des clichés bien plus polémiques que ceux de journalistes, actrices ou roturières dans la même tenue. Car en dévêtant les princesses, c'est le pouvoir qu'on déshabille.

Christophe Colera

Christophe Colera

Christophe Colera est sociologue et anthropologue.

Il a écrit La nudité pratiques et significations, éditions du Cygnes 2008 et Les tubes des années 1980 (Cygnes, 2013)

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Après le prince (Harry) nu à l’issue d’une partie de strip-billard, le public (sur Internet et ailleurs) va prochainement se rincer l’œil sur les photos d’une duchesse (Kate Middleton) topless dans le Sud de la France à paraître bientôt dans Closer.

Pour l’heure la presse britannique fait bloc pour défendre la famille royale (peut-être des milliers de ses sujets se dénuderont-ils en solidarité comme ils le firent pour le prince Harry ?). Et certains journalistes comme Steven Baxter du New Statement de mettre en garde les lecteurs sur le thème : « Après les têtes couronnées, ce sont les gens ordinaires qu’on dévêtira en masse ! »

Le signe d’égalité placé entre la duchesse et monsieur-(ou a fortiori madame)-tout-le-monde fonctionne-t-il vraiment ?

Dénuder contre son gré quelqu’un dans une société de gens vêtus (tout comme d’ailleurs regarder avec trop d’insistance certains aspects du corps chez ceux qui vivent sans vêtements) est une terrible agression : c’est le priver de sa liberté, de son identité même comme sujet de volonté. Tel fut souvent le lot, au fil des millénaires, des esclaves vendus au marché, des prisonniers de guerre exhibés après la bataille. Vae victis ! Que le vaincu se dénude ! Mais dans un monde hiérarchisé, dévêtir une manante et dévêtir une princesse n’a jamais eu tout à fait la même signification. Seul un polémiste chrétien chevronné pouvait se préoccuper jadis du sort des filles de tréteaux qui barbotaient nues dans les théâtres aquatiques de l’Antioche païenne, mais le monde anglo-saxon tout entier a vibré pendant mille ans au souvenir du sacrifice de Lady Godiva, épouse du seigneur de Coventry, qui consentit à sortir nue dans sa ville, pour convaincre son mari de diminuer les impôts. C’est qu’avec les étoffes, et les parures, c’est tout un univers social qu’on abandonne, ou qu’on entraîne avec soi dans sa chute : un ordre de valeurs, une famille, un pouvoir de fascination par où une supériorité s’imposait comme allant de soi.

L’effet iconoclaste, peut-être même révolutionnaire de ces dénudations publiques (songeons au cadavre nu de la princesse de Lamballe traîné dans les rues de Paris un 3 septembre 1792), fonctionne-t-il encore auprès des monarques « modernes » apparemment décidés à renoncer à bien des usages surannés et à se rapprocher de leurs sujets ? Il faut croire que oui, surtout parce que les familles royales, comme les compagnes de présidents de la République (comme Mme Trierweiler, elle aussi surprise dans ses vacances apolliniennes), partagent une aura spécifique : élues ou non, elles représentent « dans leur chair » l’ensemble du corps social. Aussi une image volée des seins de Mme Middleton attire-t-elle plus de lecteurs que celle du buste d’une journaliste connue ou d’une chanteuse à la mode. Au festin cannibale du vol des intimités, celle-là a une saveur particulière : elle donne du pouvoir sur le pouvoir, c’est un sentiment archaïque qui travaille en profondeur les imaginaires.

Ainsi donc, pour plagier un dicton célèbre, le roi, ou plutôt l’épouse d’un présumé futur roi, est (presque) nue. Et ce n’est vraiment pas de chance pour la pauvre duchesse de Cambridge, qui semble hantée depuis un lustre par le fantôme de la nudité : en 2007 l’e-zine Zimbio.com révélait les photos de deux de ses amies « topless », et en 2011 elle-même faisait des cauchemars dans lesquels elle se retrouvait nue à son mariage. A travers ses proches, et au cœur de ses rêves, la duchesse était poursuivie. Elle n’est sans doute pas la seule parmi les dirigeants de ce monde. Que l’on songe par exemple aux photos d’une femme nue présentée comme étant la mère de Barack Obama et que certains de ses adversaires balancent à la figure du président américain à chaque campagne électorale depuis quatre ans sur Internet.

N’est pas Marc-Antoine (jadis), Mussolini (naguère) ou Poutine (aujourd’hui) qui veut : un chef capable d’exhiber son torse nu au mépris de toutes les convenances pour soumettre les peuples. Les nudités subies, elles, abîment parfois plus que des meurtres. Buckingham dénudé à travers l’épouse de héritier putatif fera probablement les frais de ce revers… Du moins, peut-être, jusqu’au jour où la généralisation des « full-body scanners » portables rendra les passions sur la nudité publique sans objet...

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