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Quand Sarkozy prend son bâton de pélerin
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Discours culte

Si Nicolas Sarkozy a fait preuve de stratégie en évoquant "le magnifique héritage chrétien de la France", il s'inscrit finalement dans la pratique politique de notre époque où il convient de s'adapter à son auditoire pour séduire l'électorat.

Francis Puyalte

Francis Puyalte

Francis Puyalte est journaliste.

Né en 1943, il a travaillé pour Paris-Jour, L'Aurore et Le Figaro. Il est aujourd'hui grand reporter.
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Le président de la République était jeudi 3 mars au Puy-en-Velay, point de départ d’un des chemins de Saint-Jacques. Il est annoncé dans les prochains jours au Mont Saint-Michel et à la basilique de Vézelay, si chère à François Mitterrand. Sous le regard bienveillant de la Vierge du Puy, il a célébré « la civilisation et la culture de la chrétienté ». Comme en réponse à la Commission de Bruxelles qui avait « oublié » les fêtes chrétiennes dans son agenda sur les commémorations religieuses en Europe, le président a notamment déclaré : « Construire l’Europe de demain, c’est aussi continuer de suivre le chemin tracé, il y a plus de mille ans, par les premiers pèlerins de Saint-Jacques-de-Compostelle ».

Malice et stratégie ?

Selon ceux qui les entendent, ces bonnes paroles provoqueront divers échos. Après le débat avorté sur « l’identité nationale » et l’annonce d’un autre sur la « place de l’Islam dans la République » - le jour même où le Journal Officiel publie les décrets de loi sur l’interdiction du port de la burqa - certains verront là malice et stratégie. Comme une contre-offensive, sur le terrain de la laïcité, à l’attaque tonitruante de Marine Le Pen, créditée par les instituts de sondages de 20% d’intentions de vote aux prochaines élections présidentielles.Ils feront remarquer que les prières musulmanes sur la voie publique ne sont pas un phénomène récent, qu’elles n’étaient pas ignorées par le pouvoir exécutif, mais qu’elles ne le préoccupent que depuis leur révélation « officielle » par une rivale potentielle.

« Mieux vaut tard que jamais », pourront se consoler ceux que désolent la disparition des soutanes et cornettes sur la terre de France, vide comblé par l’apparition presque simultanée du niqab et du bonnet hijab. Après tout, même s’il s’agit d’un calcul électoral, ce réveil sera peut-être salutaire, peuvent-ils penser. Ces Chrétiens devront donc se résoudre à accepter la construction de mosquées (alors que de nombreuses églises sont en état d’abandon et que les paroisses sont délaissées) pour ne plus voir des prieurs d’Allah prosélytes sur la chaussée. À condition, bien sûr, que les discours solennels soient suivis d’effets. Ce qui n’est pas si sûr, quel que soit le résultat des élections.

Nicolas Sarkozy, le VRP multi-religions

Les sceptiques, eux, rappelleront que Nicolas Sarkozy est un virtuose dans l’art d’adapter ses discours à son auditoire. À un dîner du Crif (Conseil représentatif des institutions juives de France), peu après son arrivée à l’Elysée, il avait évoqué « les racines juives de la France ». De même, en octobre 2007, à la Grande Mosquée de Paris, il s’était félicité que certains membres du gouvernement pratiquent le jeûne du Ramadan (Fadela Amara). « Cette proximité illustre, du sommet à la base de notre société, la place de l’Islam de France comme composante intime de notre pays », avait-il alors déclaré. Ministre de l’Intérieur, il avait créé le Conseil français du culte musulman en 2003, y intégrant l’Uoif (Union des organisations islamistes de France), une structure plutôt intégriste - mais il était peut-être plus facile de l’avoir ainsi à l’oeil. Dans ce consensus sur la place des religions dans notre pays, l’église de Scientologie tenta vainement de s’intégrer, mais resta finalement sur le parvis. Les Protestants oubliés (il est vrai qu’ils pèsent moins lourd que les autres dans les urnes) ne protestèrent pas. Toujours discrets, eux. On ne s’étonnera guère de ces positions ou de ces postures.

Un discours de campagne

En République, et selon la Constitution, toutes les croyances doivent être respectées et protégées. Le chef de l’Etat est ici dans son rôle. Et devrait donc être à sa place aussi bien dans une église, une mosquée ou une synagogue. Voire un temple. En démocratie, il faut savoir communiquer. Depuis l’arrivée de la télévision sur la planète, on ne peut plus gouverner dans une tour d’ivoire. Il faut séduire. Charmer. Autrement dit, ratisser large. Nicolas Sarkozy n’est pas le seul à vouloir flatter l’opinion publique, à la caresser dans le sens du poil. Les socialistes ont leurs champions dans la discipline. Tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil. Surtout quand s’annonce une échéance électorale si importante, si disputée. Aussi ne peut-on en vouloir au président Sarkozy de prendre son bâton de pèlerin. La messe n’est pas encore dite.

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