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Cher François Hollande, les journalistes n'ont pas voté pour ça (ils sont beaucoup plus conservateurs que vous)
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Story telling

Depuis quelques jours, les hebdomadaires se déchainent contre le gouvernement Hollande, comme ils s'étaient acharnés sur Nicolas Sarkozy. Mais l'antisarkozysme était fondé sur une authentique détestation. La critique de François Hollande, au contraire, découle d'une déception naturelle.

Benjamin Dormann

Benjamin Dormann

Benjamin Dormann a été journaliste dans la presse financière et trésorier d'un parti politique. Depuis 18 ans, il est associé d'un cabinet de consultants indépendants, spécialisé en gestion de risques et en crédit aux entreprises. Il est executive chairman d'une structure active dans 38 pays à travers le monde. Il est l'auteur d’une enquête très documentée : Ils ont acheté la presse, nouvelle édition enrichie sortie le 13 janvier 2015, éditions Jean Picollec.

Le débat continue sur Facebook : ils.ont.achete.la.presse et [email protected].

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Depuis quelques jours,  il est de bon ton pour de nombreux hebdomadaires de gauche de « casser du Hollande », surfant sur la vague initiée par leur confrère L’Express titrant « les cocus de Hollande ». Ainsi, Marianne se risque à un « audacieux » : « Hollande, secoue-toi il y a le feu !", tandis que le Nouvel Observateur s’interroge : « sont-ils si nuls ?  ».  Doute sincère de leur part, après avoir tant soutenu le candidat Hollande avant l’élection, ou simple besoin de chercher la recette commerciale qui permet de doper leurs ventes ?

Depuis longtemps, la presse s’est laissé contaminer par les lois du spectacle et du « story telling », plutôt que d’exercer son simple devoir d’information. Habituée à livrer à ses lecteurs des « duels », des « coups de gueule », des « matchs qu’on refait » et des « polémiques » en tous genres… plutôt que des analyses travaillées et des débats contradictoires et rationnels, elle a besoin d’un adversaire sur le ring. Pas le choix, quelles que soient ses sympathies pour Hollande, impossible pour les hebdos de se priver d’un punching ball. Peut-on pour autant en conclure que le phénomène va s’amplifier, permettant à la presse de vendre plus encore qu’avec le « Sarko bashing » ? La réponse est non, et ce pour deux raisons.

La première raison est que la critique de Sarkozy était fondée sur la détestation, tandis que la critique de Hollande est fondée sur la déception. Une détestation viscérale d’un côté, contre une déception naturelle de l’autre, tel le sort d’un Barack Obama, rien de comparable. A une heure où la critique médiatique du politique devient avant tout émotive et affective, les reproches sur le manque de rythme des décisions de Hollande sont de douces friandises par rapport à la hargne médiatique qui n’a pas lâché Sarkozy pendant cinq ans, depuis son premier pied posé au Fouquet’s, devenu son tombeau médiatique.

La seconde raison est que si les journalistes votent massivement pour le tribun Jean-Luc Mélenchon, par fidélité à leurs rêves ou à leur engagement de jeunesse, ils sont profondément et massivement de cette gauche modérée qui se contente de se sentir moralement supérieure, souhaite se distinguer de la droite par quelques thèmes sociétaux, et se satisfait pour le reste d’un profond conservatisme.  

La soi-disant acrimonie de la presse de gauche à l’égard de François Hollande reste encore extrêmement contenue au regard de l’actualité : ainsi, par exemple, la première secrétaire de PS s’apprête à choisir, sans trop de vague, son successeur, selon une méthode digne du régime « nord-coréen et qui rappelle le temps de l’URSS », selon les propres dires d’un ancien ministre socialiste, François Hollande vide de sa substance son projet de taxation des millionnaires, mesure électorale si chère à l’extrême gauche, en décidant de limiter cette taxe aux revenus de travail et d’exonérer ceux du capital, et encore, que pour une durée transitoire ! Les artistes, les footballeurs, les cinéastes et toutes sortes de millionnaires privilégiés par le pouvoir peuvent dormir sur leurs deux oreilles, François Hollande ne souhaite s’en prendre qu’« aux patrons », pas aux amis… 

Enfin, qu’on se rassure, les œuvres d’art restent exonérées de l’ISF sans le moindre débat, et dans le même temps les médias restent discrets sur la simple « mise en sommeil » de la participation capitalistique de Laurent Fabius, actionnaire de Piasa, la quatrième société de ventes aux enchères en France, aux côtés notamment de ses amis banquiers de chez Rotschild ou Citygroup. Et, malgré ces « Unes » qui font trembler le pouvoir, le business continue as usual ; la banque Lazard va ainsi pouvoir tranquillement conseiller le gouvernement, sur comment distribuer de l’argent à toute sortes d’entreprises sélectionnées selon son bon vouloir.

Audrey Pulvar illustre cette contestation de principe de la présidence, à l’image de sa tribune dans les Inrockuptibles ponctuée de son rebelle et mordant « cher François, on n’a pas voté pour ça » qui fut largement relayée, pendant que des Rom étaient expulsés strictement de la même manière qu’ils l’eurent été sous Sarkozy. Audrey Pulvar… cette journaliste indépendante, mais Young Leader selon le site américain de cette organisation qui s’enorgueillit d’avoir « placé » l’essentiel de ses poulains au gouvernement et dans les postes clés des médias et du monde des affaires. Les Young leaders, pour ceux qui ne le savent pas, est ce réseau informel d'hommes et de femmes appelés, aux yeux des Etats-Unis, à occuper des postes clefs en France, (pour en lire plus à ce sujet, et « Ils ont acheté la presse »). Young leader : comme son compagnon Arnaud Montebourg et également son rival Moscovici, comme notre président Hollande, comme son patron Matthieu Pigasse,… et comme tout ce petit monde qui continue de cohabiter dans la promotion 2012 : 12 heureux parrainés retenus, où se mélangent gaiement entre autres un autre associé gérant de la banque Lazard, le secrétaire général adjoint de l’Elysée , la ministre déléguée rattaché à Arnaud Montebourg ou encore le chef du service politique du Monde

Pour que la presse puisse être crédible en contre-pouvoir lorsqu’elle se livre au « Hollande bashing », encore faudrait-il qu’elle ait commencé par cesser d’être « tout contre lui », pour pasticher Sacha Guitry.

Qui aime bien, châtie bien, certes, mais qui n’aime pas, châtie bien plus violemment, Sarkozy l’a vécu à ses dépens. La critique médiatique contre François Hollande n’atteindra jamais la même agressivité que celle subie par Sarkozy, car les journalistes aiment trop notre président actuel et ne se privent pas de le laisser savoir à leurs lecteurs. Celui-là peut dormir tranquille, la presse sera à nouveau à ses côtés en 2017, prête et fidèle pour la prochaine bataille. L’absence globale d’électeurs de droite dans les écoles actuelles de journalisme en reste la meilleure garantie.

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