Sécurisation des contrats de travail : le gouvernement pense-t-il vraiment sauver des emplois en prenant le risque de couler les entreprises ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Le ministre du Travail, Michel Sapin, a estimé dimanche sur radio J que le contrat de travail "n'est plus un contrat stable" et qu'il fallait "revoir cela" avec les partenaires sociaux pour "donner plus de sécurité de l'emploi".
Le ministre du Travail, Michel Sapin, a estimé dimanche sur radio J que le contrat de travail "n'est plus un contrat stable" et qu'il fallait "revoir cela" avec les partenaires sociaux pour "donner plus de sécurité de l'emploi".
©Reuters

Rigidité

Michel Sapin a estimé dimanche que le contrat de travail n'était plus "stable". Pour y remédier, il propose de "donner plus de sécurité" à l'emploi. Mais avec un manque de compétitivité et une croissance économique en berne, le gouvernement ne risque-t-il pas de sacrifier les entreprises françaises par plus de rigidité ?

Michel Rousseau

Michel Rousseau

Michel Rousseau est le Président de la Fondation Concorde, think-tank qui, depuis plus de 10 ans, cherche à enrichir le débat public avec ses propositions.

 

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Dans un monde globalisé, nos entreprises doivent pouvoir évoluer et s’adapter pour faire face à la concurrence. Les récentes déclarations du ministre du Travail, Michel Sapin, souhaitant « donner plus de sécurité à l’emploi » visent, si de telles mesures sont appliquées, à imposer de nouvelles contraintes à nos entreprises au moment où elles ont plus que jamais besoin de souplesse ; et donc à s’éloigner de l’objectif recherché de réduction du chômage !

On le sait, le droit du travail français se caractérise par une rigidité identifiée depuis de nombreuses années. Tandis que nos principaux partenaires européens agissaient, avec le succès que l’on connaît, pour flexibiliser leur droit du travail, depuis 30 ans nous nous efforçons de complexifier le nôtre, pénalisant le marché de l’emploi.

La jeunesse française est la première victime de cette rigidité, puisque près d’un jeune salarié de 15-24 ans sur deux est concerné par les contrats courts. Entre CDD et CDI, le choix de l’employeur est rapide. Le coût d’une embauche ratée en CDI est tel qu’il préfèrera multiplier les CDD, plus avantageux pour lui surtout lorsqu’il s’agit d’un emploi requérant peu de qualification. Il s’en suit un turnover important des publics concernés, qui enchainent contrats courts et périodes de chômage, sources de déqualification.

Ces formes de contrats courts facilitant la rupture ont été créées dans le but d’abaisser les barrières à l’embauche des publics éloignés de l’emploi.

Désormais, plus de trois quart des embauches sont conclues à durée déterminée ! Preuve en est du besoin de flexibilité des entreprises, ce type de contrat a permis de mettre en exergue la rigidité de l’actuel CDI. Et de créer un marché à deux vitesses, avec d’un côté les « insiders », salariés protégés en CDI, et les « ousiders » relégués aux situations précaires qui parfois s’éternisent.

« Donner plus de sécurité à l’emploi » ne permettra malheureusement pas de créer des emplois, ni même de lutter contre la destruction d’emplois : cela rendra les entreprises plus frileuses à l’embauche.

Pour réduire les inégalités entre « outsiders » et « insiders », le contrat de travail unique doit être mis à l’ordre du jour. Nous proposons d’abolir le CDI en instaurant un contrat de travail unique. Le salarié accumulerait droits sociaux et protection progressivement.

Cette réforme du droit du travail si elle est urgente, devra être couplée avec la mise en place d’un système de formation professionnelle de qualité pour rendre le marché du travail plus dynamique.

Depuis 30 ans notre pays n’est jamais parvenu à passer durablement sous le plancher des 8% de taux de chômage. Pour gagner la bataille de l’emploi, nos gouvernants devront faire preuve de courage, s’éloigner des veilles recettes et s’inspirer de nos voisins. Nous n’y sommes pas encore ! Deux exemples nous paraissent d’un grand enseignement, le Danemark et l’Allemagne. Le premier qui n’a pas les grandes entreprises que nous possédons, ni d’ailleurs nos énormes ressources, résoudre son problème d’emploi en généralisant ce que l’on appelle la flexisécurité, c’est-à-dire un intérêt bien compris des partenaires pour suivre les évolutions de l’économie sans frilosité. On embauche avec rapidité mais on admet qu’une entreprise, pour survivre, puisse réduire ses effectifs sans coût excessif. Ceci demande un climat social apaisé.

Dans le deuxième exemple, en Allemagne qui obtient sur l’emploi de biens meilleurs résultats que les nôtres, on constate que nos voisins ont su donner à leur économie la base industrielle qui entraîne les autres activités en obtenant, voici une dizaine d’années, une amélioration de la compétitivité du pays, en particulier par une baisse du coût du travail.

Ces deux exemples sont évocateurs des efforts à entreprendre : sans compétitivité, moins d’emplois et une tendance immédiate en France à la rigidité du cadre protégeant ceux qui travaillent en se rapprochant plutôt, nous le déplorons, du modèle en vigueur dans la fonction publique et jamais en s’en éloignant.

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