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Peillon veut enseigner la morale
à l'école, mais laquelle ?
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Méthode

Le ministre de l'Education nationale a annoncé dans une interview accordée au JDD qu'il souhaitait instaurer des cours de "morale laïque" dès la rentrée 2013. Une idée qui peut sembler louable, mais est-elle vraiment applicable ?

Bertrand Vergely

Bertrand Vergely

Bertrand Vergely est philosophe et théologien.

Il est l'auteur de plusieurs livres dont La Mort interdite (J.-C. Lattès, 2001) ou Une vie pour se mettre au monde (Carnet Nord, 2010), La tentation de l'Homme-Dieu (Le Passeur Editeur, 2015).

 

 

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Vincent Peillon, notre ministre de l’Education Nationale vient de proposer le retour de la morale à l’école à travers des leçons de morale laïque. Je me réjouis d’une telle nouvelle, celle-ci allant dans le bon sens. Si certains jeunes ont la chance d’avoir une famille leur enseignant des valeurs, trop de jeunes sont livrés à eux-mêmes sans aucune notion d’un certain nombre de principes élémentaires. D’où, des souffrances pour tout le monde. Pour les jeunes, qui ont du mal à se construire faute d’une conscience morale. Pour la société qui subit les effets de l’absence de conscience morale à travers de graves incivilités.  Cela dit, je ne puis m’empêcher de me poser un certain nombre de questions.

     1) Si Nicolas Sarkozy et la droite avaient proposé le retour de la morale, la gauche aurait-elle voté pour ? Certains de ses éditorialistes n’auraient-ils pas vu là une manœuvre régressive et réactionnaire de type pétainiste ?

     2) Depuis Mai 68, la morale est considérée par l’intelligentsia de gauche comme relevant de l’idéologie bourgeoise, voire de l’atteinte à la vie, quand cette même intelligentsia se veut nietzschéenne. Ce refus de la morale est tel qu’il est devenu courant de bannir ce mot en le remplaçant par celui d’éthique. Comment la gauche va-t-elle s’y prendre pour expliquer à la gauche que, désormais, il va falloir revenir à la morale et ne plus parler simplement d’éthique ? Qui, parmi les intellectuels de gauche, va penser ce revirement à 180° et la révolution culturelle à gauche qu’il implique ?

     3) La gauche a été et demeure très permissive en matière de morale. Comment va-t-elle expliquer qu’il faut être strict et exigeant ? Et sur quelles bases ?

     4) Du fait de cette permissivité, elle a beaucoup défendu le « à chacun sa morale ». Comment va-t-elle expliquer qu’il y a la morale et pas simplement les morales ou bien encore « à chacun sa morale » ?

     5) Vincent Peillon, notre ministre, parle d’enseigner la morale « laïque ». Qu’entend-t-il par « laïque » ?  Le terme laïc désignant aussi bien le non religieux que l’athéisme, la morale laïque va-t-elle renvoyer à la morale non-religieuse ou à la morale athée ?

     6) La morale non-religieuse étant vague et mal définie, comment va-t-on faire pour enseigner une morale précise ?

     7) Et la morale athée étant précise, comment va-t-on faire pour être large ?

     8) Dans tous les cas de figure, comment va-t-on faire pour satisfaire tout le monde, ceux qui sont religieux et ceux qui ne le sont pas ? La morale laïque ne risque-t-elle pas de ne s’adresser qu’aux enfants issus de milieux non-religieux ou athées ?

     9) Enfin, il va falloir former les instituteurs et les professeurs de collège à la morale laïque. Qui va les former ? Avec quels manuels ?

     10) Et que va-t-on faire avec les instituteurs et les professeurs de collège qui, au nom de ce qu’ils pensent être la gauche, vont refuser d’enseigner la morale ?

Il aurait été plus facile d’introduire la morale à l’école si la gauche n’avait pas tout fait depuis quarante ans pour en ruiner le sens et la valeur. Qui sème le vent récolte la tempête. Elle se retrouve maintenant devant ce qu’elle a elle-même contribué à créer : une société sans morale. J’espère que le projet audacieux de Vincent Peillon va réussir et je lui souhaite ainsi qu’à son gouvernement bien du courage. 

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