Hollande se cherche des alliés : Rajoy le modéré poursuivra-t-il la rigueur amorcée ou succombera-t-il aux sirènes diplomatiques françaises&nbsp?<!-- --> | Atlantico.fr
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François Hollande rencontre Mariano Rajoy ce jeudi à Madrid. Au programme, la politique économique de la zone euro et le « sauvetage » de la Grèce.
François Hollande rencontre Mariano Rajoy ce jeudi à Madrid. Au programme, la politique économique de la zone euro et le « sauvetage » de la Grèce.
©Reuters

Hypnosis

François Hollande poursuit sa tournée diplomatique pour trouver une sortie de crise à la zone euro. Il rencontre ce jeudi le Président espagnol Mariano Rajoy.

Pascal  Delwit

Pascal Delwit

Pascal Delwit est professeur de science politique à l'Université libre de Bruxelles. Il mène ses recherches au Cevipol (Centre d'étude de la vie politique). En 2010 il a publié La vie politique en Belgique de 1830 à nos jours chez le même éditeur. 

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Atlantico : François Hollande rencontre Mariano Rajoy ce jeudi à Madrid. Au programme, la politique économique de la zone euro et le « sauvetage » de la Grèce. Mais l'Espagne n’est pas en reste et pourrait bientôt solliciter un sauvetage financier auprès de l'Union européenne. Malgré les divergences idéologiques et les « couacs » qui ont marqué les débuts de la relation Rajoy/Hollande, le Président espagnol peut-il devenir l’allié de François Hollande pour convaincre Angela Merkel d’assouplir sa rigueur ?

Pascal Delwit : Dans le contexte actuel, oui. Même si le Parti populaire est historiquement et idéologiquement proche de la CDU-CSU d’Angela Merkel, le contexte fait que chacun tente de trouver des alliés, parfois éloignés d’un point de vue idéologique.

C’est le cas en Grèce, en Espagne, en Italie, et pour partie de l’Irlande : les chefs d’État et de gouvernement de ces pays, qu’il s’agisse des actuels ou de ceux qui les ont précédés récemment, sont confrontés à une grave situation économique et financière qui les pousse à conclure que la politique prônée par la CDU et Mme Merkel n’est pas porteuse. Surtout, cette politique dite d’austérité, qui se heurte à de fortes oppositions dans leurs pays respectifs.

Mariano Rajoy a pourtant engagé des mesures drastiques pour contrer la crise souveraine, immobilière et économique...

En effet, le Parti populaire met en œuvre son programme : l’Espagne a connu des plans de gestion des finances publiques drastiques, avec des prestations sociales fortement amoindries et des dotations aux communautés autonomes qui ont diminué.

Mais aujourd’hui, Mariano Rajoy est confronté à une récession et doit sortir du cercle vicieux : baisse de la croissance, récession, chômage, prestations sociales en hausse, diminution des rentrées fiscales. Et pour l’Espagne, ajoutez-y une grande fragilité du secteur bancaire, qui est proche d’une quasi-faillite.

Madrid n’a pas d’autre choix que de sortir de ce cercle vicieux. De ce point de vue, le discours de François Hollande sur la rigueur et la relance de la croissance fait écho dans des pays comme l’Espagne, mais aussi la Grèce ou l’Italie.

Comment expliquer alors que le gouvernement espagnol ait tenu à renier toute négociation en vue d’une demande d'aide aux fonds de secours européens ?

Il faut bien distinguer, en politique, ce qui se fait de ce qui se dit. Bien évidemment, le gouvernement conservateur de Rajoy ne va pas clamer sur tous les toits qu’il est en difficulté et prêt à demander un secours à l’Union, ni qu’il est prêt à passer un accord avec un gouvernement socialiste en France, s’opposant ainsi au gouvernement conservateur allemand.

Mais dans les faits, au Conseil européen, il peut y avoir des alliances implicites. Il ne s’agit bien sûr pas d’un rapprochement idéologique, c’est un rapprochement temporaire pour défendre certains intérêts communs. Pour l’Espagne, avec un quart de la population et un jeune sur deux au chômage,tout ce qui peut contribuer à la relance est bon à prendre.

La Catalogne annonce d’ores et déjà qu’elle ne pourra pas honorer ses dettes. L’Espagne est-elle contrainte de soutenir le Président français et son « Pacte de croissance » du fait de la mauvaise gestion de ses communautés autonomes ?

C’est une négociation à plusieurs étages. Mais il est effectivement vraisemblable que l’Espagne fera appel à cette aide européenne. Ce n’est pas, formellement, un État fédéral. L’Espagne reste un État marqué par le processus de centralisation. On a donc parfois des jeux où l’État dit central se montre bon élève, et reporte la charge sur les communautés locales.

Pourtant, il faut envisager l’État espagnol comme une globalité, comme on envisagera la France avec ses départements, régions et communes, pour dresser un état des finances publiques.

Cela dit, cette ambition d’adjoindre un volet croissance au volet rigueur des traités européens est, pour l’instant, il faut bien l’avouer, surtout rhétorique.

Avec ce pacte, François Hollande peut-il faire pression sur l’Espagne ?

Tout le monde fait pression sur tout le monde. Toutes ces réunions bilatérales s’ajoutent au Conseil européen des 27 : le cercle des discussions est gigantesque. Mais le jeu se fait toujours entre les « très grands » au niveau de l’Union : Espagne, Italie, France, Allemagne, Pologne ou Grande-Bretagne. Cette négociation peut être affectée par les dissensions idéologiques et différents calendriers électoraux, comme Angela Merkel qui devra faire face aux élections générales dans moins d’un an, en plus des élections partielles des Länder.

C’est un jeu de négociations qui fondamentalement est très balisé. Il y a peu de marge de manœuvre. Aller dans un sens ou dans un autre a surtout un sens en terme de symbolique, vis-à-vis des marchés.

Le spectre de la Grèce qui sortirait de la zone euro, abordé par le gouvernement allemand, peut-il également inciter Rajoy à s’allier aux vues du chef de l’État français ?

Ce spectre de la sortie de l’euro existe indéniablement. Il est défendu par des gens aux opinions très différentes, de la droite la plus libérale en Allemagne à une partie de la gauche en Europe. Vu son coût énorme, on se rend pourtant compte que personne en Europe n’a à gagner de la sortie de la Grèce de la zone euro. Mais surtout, cette sortie marquerait un précédent. La Grèce ne représente pas beaucoup – on l’a même comparée à ce que représente la Californie pour les États-Unis.

L’important est que l’Espagne, puis l’Italie, seraient les prochains sur la liste. Donc oui, cette menace existe. Lorsqu’on aborde le sujet en Allemagne, cela ne peut qu’avoir une résonance particulière en Espagne.

« Les efforts de consolidation et l'agenda des réformes du gouvernement italien sont impressionnants » a déclaré la chancelière allemande. L’austérité fait-elle ses preuves en Italie, alors qu’elle enfermerait l’Espagne dans un cercle vicieux ?

Les modèles italiens et espagnols sont très différents. Le tissu économique est surtout composé, en Italie, d’un réseau de PME, surtout dans le nord du pays ; tandis que l’économie espagnole est très concentrée sur quelques pôles-clef. En revanche, le niveau des dépenses publiques (et donc la dette) est plus élevé en Italie.

La grande spécificité de l’Espagne par rapport à l’Italie, et aussi à la Grèce, est sa dette publique, qui n’est pas aussi exceptionnelle. En revanche, en terme de croissance, l’Espagne est fortement affectée par la chute drastique des prix de l’immobilier qui a porté l’économie pendant longtemps ; et par la fragilité de son secteur bancaire, qui a besoin d’importantes liquidités.

La situation économique italienne est meilleure que la situation en Espagne, où le taux de chômage est aujourd’hui plus important, mais la dette italienne pose un problème plus important. 

Propos recueillis par Ania Nussbaum

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