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Claude Guéant : "Il y a suffisamment de problèmes d’insécurité en France pour ne pas inciter plus de Roms à s’y installer"
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Appel d'air

Le gouvernement Ayrault a annoncé des mesures pour assouplir les restrictions au travail des Roms et faciliter leur relogement. De telles mesures peuvent-elles régler les problèmes que pose la présence de cette communauté en France ?

Claude Guéant

Claude Guéant

Claude Guéant est un haut fonctionnaire et homme politique français. Il a été secrétaire général de la présidence de la République française, puis ministre de l'Intérieur, de l'Outre-mer, des Collectivités territoriales et de l'Immigration.

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Atlantico : Après le démantèlement de camps cet été, le gouvernement Ayrault a annoncé ce mercredi des mesures en faveur des Roms, notamment sur la question de l'emploi et du logement. Ces mesures peuvent-elles régler les problématiques liées à cette population, qui font régulièrement la une de l'actualité ?

Claude Guéant :  Au contraire, je crois que c'est de nature à aggraver le problème. Il me semble tout à fait clair que les décisions qui ont été prises sont de nature à attirer davantage des Roumains et Bulgares vers la France. Si on leur donne des possibilités de travail supplémentaire et des possibilités de logement, ils viendront plus nombreux.

Le problème pour ces populations se pose d'abord dans leur pays d'origine. Des programmes européens considérables ont été mis en place, mais ni la Roumanie ni la Bulgarie n'arrivent à dépenser les deniers européens disponibles au profit de ces populations. Je m'étais inquiété de cette situation peu après mon arrivée au ministère de l'Intérieur. Les difficultés sont d'ordre administratif : l'Union européenne ne donne pas suffisamment d'experts compétents pour mettre en œuvre les programmes. Par ailleurs, ce sont des populations qui sont particulièrement réticentes à toute action de formation professionnelle et toute action d'orientation vers une activité professionnelle. Mais je le répète, le problème se pose d'abord dans les pays d'origine, ce n'est pas à la France de régler cette question.

En tant qu'ancien ministre de l'Intérieur, je ne peux pas négliger le fait que les camps installés sont en contradiction avec la loi et que s'ils sont évacués, c'est en application des décisions de justice. Je ne peux pas négliger le fait que ces camps sont émetteurs de beaucoup de délinquance et entretiennent en leur sein une délinquance qui est particulièrement cruelle, celle des mineurs. Par conséquent, tout ce qui peut être fait pour faciliter la venue ne peut qu'accroître le problème.

Si les mesures franco-françaises ne peuvent fonctionner, que les fonds européens à destination de la Roumanie et de la Bulgarie ne fonctionnent pas non plus, quelle peut-être la solution à ce problème ? La solution peut-elle passer par une révision de l'espace Schengen ?

Il faut faire en sorte que ces fonds fonctionnent. Pour Schengen, c'est différent. La Bulgarie et la Roumanie n'en font pas encore partie. La France, ceci dit, est favorable à leur intégration. Mais n'oublions pas qu'un résident communautaire a certes un droit de circulation, mais pas un droit à l'installation. Les Roumains et les Bulgares – je n'utilise pas le terme de Roms – ont le droit de venir en France, mais ne peuvent y demeurer que sous certaines condition. La première est d'avoir un revenu régulier, et l'autre est évidemment de ne pas se livrer à des actes de délinquance. Or, à Paris, 10% des déferrement judiciaires concernent des personnes de nationalité roumaine. Il y a donc une réalité qui est grave, et il ne faut pas l'aggraver : il faut au contraire lutter contre.

Lutter en faisant en sorte que l'intégration de ces populations dans leur propre pays soit une réussite, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui ; lutter aussi en renvoyant chez eux ceux qui sont indésirables ; lutter encore en faisant en sorte que tous ceux qui se livrent à des actes de délinquance soit définitivement exclus du territoire.

Nicolas Sarkozy a pourtant expliqué que le principal regret de son mandat avait été ces expulsions. Des procédures qui, en plus, n'ont que peu d'effet, les expulsés pouvant librement revenir quelques jours plus tard...

Il est vrai que cela est difficile, et c'est un argument qui a été utilisé récemment par la gauche, mais un dispositif informatique a été mis au point pour qu'une personne qui aurait déjà fait l'objet d'une procédure de reconduite, dès lors qu'elle est de nouveau contrôlée, soit immédiatement expulsée. Evidemment, cela suppose qu'il y ait un contrôle, mais cette difficulté concernant les expulsions a été surmontée.

L'une des conditions nécessaire à l'installation des Roms en France est la nécessité pour eux de subvenir à leurs besoins, dites-vous. L'élargissement de leur accès à l'emploi n'est-il donc pas une bonne chose ?

Toute la question est de savoir si on veut des populations qui créent des difficultés chez nous, ou si on n'en veut pas. Pour ma part, je trouve qu'il y a suffisamment de problèmes en matière de sécurité pour ne pas en générer d'autres.

Le discours de Grenoble de Nicolas Sarkozy n'avait pas suscité de réactions indignées à l'étranger, du moins pas avant le début des mesures d'éloignement des Roms. Il avait été ensuite accusé, notamment par la Bulgarie et la Roumanie, de stigmatiser les Roms. Etait-ce un faux procès ?

Ni la Bulgarie ni la Roumanie ne peuvent dire cela, étant donné la stigmatisation dont cette communauté fait l'objet dans ces deux pays. Ce sont des populations considérées dans leur propre pays comme présentant des difficultés d'intégration particulières, et ce n'est pas stigmatiser que de dire la réalité. Quand on dit que 10% des déferrement judiciaires à Paris concernent des Roumains, c'est un fait. Et on ne peut traiter les faits qu'en disant les choses. Ce n'est pas en se voilant la face qu'on peut régler les problèmes.

Dans un communiqué, le ministre des Affaires étrangères roumain a "salué la manière constructive avec laquelle le gouvernement français aborde la question de l'intégration des Roms". Ce pays n'est-il pas en train de laisser la France régler ses problèmes ?

Effectivement, la Roumanie serait très heureuse que nous acceptions d'avantage de populations difficiles. Ca la décharge d'un poids. Mais ma conception, c'est que ce n'est pas à nous de régler les problèmes de la Roumanie, c'est à la Roumanie de régler ses propres problèmes.

Propos recueillis par Morgan Bourven

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