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Les islamistes sont-ils en train d’imposer un climat de violence en Tunisie ?
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La fête est finie

La fin du Ramadan a été particulièrement sanglante en Tunisie. Une bande de salafistes a plongé la ville de Bizerte dans un climat de terreur en multipliant des offensives contre la culture et des agressions groupées. Dernière victime en date, Jamel Gharbi, un élu sarthois du PS...

Abdelmalek Alaoui

Abdelmalek Alaoui

Abdelmalek Alaoui est directeur général du cabinet de communication d'influence Guepard Group.

Il est l'auteur du livre Intelligence Economique et guerres secrètes au Maroc (Editions Koutoubia, Paris).

 

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Alors que la majorité du monde arabo-musulman célèbre la fin du mois sacré de ramadan, des bandes salafistes tentent d’installer un climat de terreur en Tunisie. Leur cible ? Des manifestations à caractère culturel, allant du one-man-show de l’humoriste Lotfi Abdelli –jugé impie- au spectacle de la troupe iranienne Merhab, qui, bien que musulmane, aurait selon les salafistes le défaut d’être d’obédience chiite.

Auparavant, deux festivals avaient dû être annulés cet été, ce qui fait craindre l’installation d’une campagne systématique des salafistes à l’encontre des évènements culturels tunisiens, et fait ressurgir le spectre d’une ré-islamisation à marche forcée de la société à travers les sectes islamistes, qui n’hésitent pas à faire usage de la force et à se déplacer en bandes qui s’apparentent à de véritables milices « vertes ».

Ainsi, en marge de la clôture du festival de Bizerte jeudi dernier, un élu sarthois, Jamel Gharbi, a été victime d’une agression d’un groupe salafiste armé de gourdins, et a même craint d’être « lynché », selon une déclaration faite par l’élu à l’AFP. Cette agression a contribué à envenimer encore un climat déjà très tendu, et fait craindre aux tunisiens un repli significatif des arrivées de touristes, notamment français, pourtant traditionnellement très attachés à cette destination.

Or, un repli des arrivées de touristes internationaux -à l’heure où l’industrie tunisienne peine à se relancer- devrait en toute vraisemblance exacerber encore plus les réactions extrêmes, et permettre, paradoxalement, de grossir les rangs des troupes salafistes. Ces dernières, qui se nourrissent de l’installation de la Tunisie dans la crise économique, pourraient ainsi être tentés de poursuivre et d’intensifier cette stratégie du « pire », avec pour objectif de mener le pays vers un chaos que les extrémistes estiment « salvateur » ou « purificateur ». De ce chaos, ces branches radicales espèrent en effet tirer un jour un état islamiste à l’image de l’Iran.

Si certains avaient estimé que les modérés d’Ennahdha pouvaient constituer un rempart contre les islamistes radicaux, l’on voit aujourd’hui à quel point cette analyse a atteint ses limites et comment il est difficile de plaquer sur la Tunisie le modèle Turc, pourtant tant vanté par ailleurs, notamment par les américains. La Tunisie n’est certainement pas la Turquie et le reste du Maghreb non plus ne semble pas en situation d’emprunter la même voie qu’Ankara. En effet, les salafistes tunisiens démontrent un peu plus chaque jour leur détermination à installer un rapport de force avec la population, afin que cette dernière abandonne peu à peu ses valeurs, et courbe l’échine devant le  « péril vert ».

En ce sens, il faut considérer la Tunisie comme un laboratoire du Maghreb post-printemps arabe, et ne pas sous-estimer les dangers inhérents à la montée en puissance des salafistes en Afrique du Nord.  Soutenus par leurs « frères » d’AQMI (qui ont quasiment conquis le Sahel) les islamistes radicaux sentent bien qu’une fenêtre d’opportunité leur tend les bras, et que leur vision extrémiste fait son lit de la crise économique, du manque de vision politique, ainsi que d’un ras-le bol généralisé de populations pour lesquelles le bout du tunnel semble encore loin.

C’est là le plus grand danger qui guette la Tunisie, ainsi que les autres pays où les mouvements islamistes radicaux sont en progression : que le peuple laisse faire, qu’il accepte que l’on rogne sur ses libertés, non par adhésion à l’idéologie islamiste, mais par crainte d’engager le rapport de force, voire par lassitude.

Cette lassitude des peuples du monde arabe, bien qu’elle soit compréhensible, doit être combattue par les démocrates avec la plus grande vigueur. En effet, en matière d’islamisme - même modéré-  il est bon de rappeler l’adage suivant, inspiré de la culture russe et repris à son compte par un certain Ronald Reagan : « Fais confiance mais vérifie… »

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