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Syrie : les États-Unis auraient-ils les moyens de financer une nouvelle guerre ?
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Parole, Parole...

Barack Obama a évoqué une possible intervention militaire en Syrie, afin de neutraliser les stocks d'armes chimiques en mouvement. Pourtant, le pays fait face à un déficit budgétaire considérable et n'a pas forcément les moyens de s'offrir une nouvelle guerre.

Anne Deysine

Anne Deysine

Anne Deysine est juriste (Paris II) et américaniste. Spécialiste des questions politiques et juridiques aux Etats-Unis, elle est professeur à l'université Paris-Ouest Nanterre. Enseignant aussi à l'étranger, elle intervient régulièrement sur les ondes d'Europe 1, RFI, France 24, LCI... Auteur de plusieurs ouvrages, dont "La Cour suprême des Etats-Unis" aux éditions Dalloz, ses travaux sont consultables sur son site Internet : deysine.com.

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Atlantico : Mardi, le président américain Barack Obama a établi une ligne rouge en Syrie en cas de déplacements d'armes chimiques. Concrètement, les États-Unis ont-ils encore les moyens de financer une guerre ?

Anne Deysine : Clairement non. Ils n’ont pas les moyens car ils ont tiré sur leurs ressources. Ils ont fait la guerre à crédit depuis 10 ans. De plus, les Américains ont sous-traité la guerre, ils sont maintenant en grandes difficultés.

Par ailleurs, le déficit budgétaire est considérable. Les réductions des dépenses actuellement en discussion vont toucher aussi le ministère de la Défense. Le gouvernement américain doit économiser 259 milliards en cinq ans et 487 milliards en 10 ans.

Le secrétaire de la Défense, Leon Panetta essaye de faire des économies. Sur le terrain, cela prend plusieurs formes :

  • des fermetures de bases,
  • l'annulation de commandes coûteuses, comme les avions F35.


Au final, on constate bien qu'une guerre n’est pas jouable, ni au niveau de l’opinion publique, ni sur le plan budgétaire et diplomatique
.

La déclaration de Barack Obama n’est-elle pas au final un gros coup de « comm’ » en pleine élection ?

Absolument, j’ai le sentiment que cette déclaration est à destination -en grande partie- de l’opinion publique américaine. Pourtant, il y a un certain risque dans cette déclaration. L’opinion publique américaine n’a pas envie de connaître une nouvelle guerre. En 10 ans, elle a connu l’Irak et l'Afghanistan. Sa préoccupation, c’est l’économie et l’emploi, pas la Syrie.

Une intervention en Syrie n’est donc pas une priorité pour le gouvernement américain, mais n’y a-t-il pas une autre façon d’intervenir ?

Si, notamment par la diplomatie. La Syrie est soutenue par la Russie. Il est essentiel de faire ce que l’UMP et Nicolas Sarkozy disent. Il est nécessaire de faire pression sur la Russie et Vladimir Poutine.

Je pense qu'il faut suivre la position de Fareed Zakaria qui préconisait d’affamer le régime syrien. Interdire toute entrée, toute sortie de biens, de services, de personnes et d’argent. La Syrie finira alors par tomber comme un fruit mûr. Cela risque de prendre du temps, mais je pense qu’il n’y a pas d’autres solutions.

Barack Obama et Mitt Romney vont-ils chercher à tirer profit de la question syrienne et dans une moindre mesure du Moyen-Orient dans le cadre de l'élection présidentielle à venir ?

Quand on voit ce qu’a dit le Président Obama, on se rend compte qu’il a été poussé dans ses derniers retranchements par les excès de la rhétorique de campagne. Les républicains doivent trouver des failles et ils ont décidé de l’attaquer à la fois sur sa politique étrangère et sa politique de défense.  

Les républicains poussent le président à une intervention en Syrie. Cela rappelle les propos de McCain lors de l’élection présidentielle de 2008, « Bomb Bomb Bomb, Bomb Iran ».  

Je pense que Mitt Romney utilise ce thème de campagne car il n’est pas trop à l’aise sur les autres sujets. En matière de déficits budgétaires, la situation risque de se retourner contre lui, pareil pour la petite controverse autour de l’avortement.

Barack Obama a voulu aller plus loin que Mitt Romney sur la question syrienne sans prendre le moindre engagement. Il est conscient que le contexte syrien n’a rien de comparable à ce qui s’est passé en Libye. Une intervention américaine n’est pas sûre de réussir en Syrie.

D'après vous, quel visage peut prendre la défense américaine après les élections ? Peut-on s'attendre à un changement ?

Si on croit la projection du collège électoral, Barack Obama a de très fortes chances d’être élu. Pour répondre à votre question, tout va dépendre du Congrès américain.

Si Mitt Romney est élu, il ne changera pas grand-chose pour deux raisons. Il connait peu de choses de la réalité de la Maison Blanche et il ne pourra pas bouger facilement « la machine de défense américaine ». On a bien vu avec Barack Obama une similitude dans les comportements avec l'ancien président de W. Bush (les frappes de drones par exemple). Il y a donc une continuité de la politique étrangère américaine.

Enfin, je répète, l’Amérique doit faire des économies. Il n’y aura pas de commandes d’avions, de bateaux. On va assister à des fermetures de bases qui vont avoir un impact sur la création d’emplois. La défense américaine va connaître de grands bouleversements.

Propos recueillis par Charles Rassaert

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