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Régionalisation du conflit syrien : le Liban au bord de l’implosion ?
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Extension du domaine de la lutte

Kidnappings, confrontations entre les confessions sunnites et alaouites à Tripoli... La situation au nord du Liban paraît de plus en plus instable.

François  Costantini

François Costantini

François Costantini est Docteur en Science politique (Université Paris I Panthéon-Sorbonne) et Diplômé de l’Institut d’Études Politiques de Paris. Il est professeur associé à l’Université Saint-Joseph de Beyrouth et membre du Centre de Politique Étrangère de la Sorbonne. Il est l'auteur des relations internationales en fiche.

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Atlantico : Les kidnappings se sont accentués ces derniers jours à la frontière syro-libanaise. Comment peut-on expliquer cette situation ?

François Constantini : Vraisemblablement, il s’agirait de réfugiés syriens kidnappés au Liban. Ils existent des services secrets au Liban, des groupes pro-syriens qui sont prêts à servir de bras armés au régime syrien dans le pays.

On peut donc supposer qu’il existe des groupes liés au régime syrien qui pratiquent des enlèvements comme il y a des groupes notoirement hostiles au régime syrien qui s’en prennent aux Alaouites. Il y a donc des vengeances réciproques qui s’exercent au Liban. Cela n’est pas étonnant quand on connait les liens historiques qui existent entre les deux pays.

Ces kidnappings ne sont-ils pas favorable au clan Assad ?

Certainement, l’objectif du régime syrien est de détourner l’attention. Toutefois, le régime syrien n’a pas utilisé le Liban comme bombe à fragmentation. On aurait pu penser que le régime allait pousser le Hezbollah à agir. Hormis la question de Tripoli qui existe depuis 30 ans, le Liban n’a pas été la caisse de résonance du conflit inter-syrien d’aujourd’hui.

Justement, vous faites allusion à Tripoli, cette ville a connu des affrontements entre les quartiers sunnites et alaouites de la ville. Vous confirmez donc que ce cas n’est pas nouveau ?

Ah non, en 1985 il avait une guerre entre « le mouvement de l’unification islamique » un groupe d’islamiques sunnites et de l’autre côté l’armée syrienne et les milices alaouites. Le PSNS, Parti pro syrien laïque qui existait au Liban s’était battu pour le contrôle de Tripoli (première ville sunnite du pays). L’influence syrienne a toujours eu du mal à s’établir dans cette ville. La ville de Tripoli est un point de situation très particulier, ce n’est pas nouveau, il vient d’être ravivé à la faveur du conflit interne syrien.

Le Liban a souvent été présenté comme une caisse de résonance de ce qui se passe au Proche Orient. Est-ce que le pays peut connaître une nouvelle guerre comme il a connu pendant 15 ans ?

Je ne pense pas que le pays va connaître une nouvelle guerre. Nous n’avons pas aujourd’hui les prémices et les ingrédients d’une guerre civile. J’entends par là, deux camps antagonistes armés de la même façon.

Aujourd’hui au Liban, il y a deux entités armées :

  • le Hezbollah,
  • l’armée libanaise dont on sait qu’elle a une marge de manœuvre extrêmement réduite par rapport au Hezbollah. Cette armée a été façonnée par le voisin syrien. 

Il ne peut pas avoir la même position qu’en 1975. A l’époque on avait d’un côté des Palestiniens surarmés et ensuite des milices chrétiennes qui se sont armées. Actuellement, il n’y a pas deux camps, seul le Hezbollah est armé.

L’armée libanaise a un rôle de neutralité « finlandisé » à l’égard du Hezbollah.

Les bombardements continuent dans les villes syriennes et le régime a de plus en plus de mal à contrôler son territoire. L’Iran et le Hezbollah ne se sont-ils pas déjà préparés à la chute du régime de Bachar el-Assad ?

Oui c’est très vraisemblable, l’Iran a déjà intégré la chute du régime de Bachar et va en contrepartie accroître sa pression sur le Liban. L’Iran va tout faire pour que le Hezbollah contrôle davantage le Liban, le grand frère-syrien ne sera plus là.

Le régime iranien est conscient de la fragilité communautaire du régime syrien. Les puissances sunnites de la région que sont la Turquie et l’Arabie Saoudite veulent remettre la main sur le pays. L’Iran sait qu’il ne pourra pas tenir la Syrie, le conflit a pris une tournure confessionnelle qui, sous le poids des influences régionales, tournera en la défaveur des alaouites.

Le Vice Premier ministre syrien Qadri Jamil a annoncé ce mardi en Russie que la Syrie serait prête à discuter du départ de Bachar el-Assad. La Russie ne cherche-t-elle pas finalement à trouver une solution à la crise syrienne ?  

C’est tout à fait possible. Vladimir Poutine peut convaincre Bachar el-Assad d’arrêter le conflit. La Russie souhaite être partie prenante de la crise syrienne. Cette sortie de crise se fera avec l’implication de puissances régionales comme la Turquie mais aussi l’Iran comme le voulait Kofi Annan.

Néanmoins, je pense qu’il faut encore attendre. La réalité sur le terrain est toute autre et les bombardements continuent. Attendons d’abord un cessez le feu…

Le Président américain Barack Obama a annoncé ce mardi que l’utilisation d’armes chimiques par le régime Syrien pourrait entrainer une intervention américaine. Qu’en pensez-vous ?

Il n’est pas dit que la Syrie n’ait pas d’armes chimiques. Il est peu probable qu’on voit l’utilisation de ces armes. En effet, l’utilisation d’armes chimiques se retournerait contre le régime et aurait une efficacité extrêmement limitée.

En ce qui concerne Barack Obama, je pense que les États Unis veulent récupérer la main sur le dossier syrien. Les Américains veulent être ceux qui définissent le cadre des interdits stratégiques.

Je ne pense pas que les Américains vont intervenir, la position russe est trop importante sur le dossier syrien. Une intervention serait perçue comme une provocation à l’égard de la Russie. Barack Obama a bâti la géopolitique américaine en faisant en sorte que la Russie ne soit plus un ennemi géostratégique. Voilà pourquoi je ne vois pas Obama intervenir en Syrie aujourd’hui.  

Propos recueillis par Charles Rassaert

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